Notre-Dame des Parfums, une icône sacrée pour l’Unesco
Pour soutenir l’inscription des savoir-faire liés au parfum au patrimoine culturel de l’humanité, une image, bénie samedi matin à Valcluse, viendra orner les murs de la cathédrale grassoise
Elle est là, posée sur un chevalet en bois, bien cachée sous un drap blanc dans un atelier. Au milieu de dizaines d’autres icônes, elle est invisible mais on devine facilement qu’elle est spéciale, choyée jusqu’à son départ des lieux pour un autre, plus religieux. « Vous ne pourrez pas la photographier, je suis désolée, s’excuse gentiment Odette Germi, sa créatrice. Elle sera dévoilée au grand public samedi matin lors de sa bénédiction par le père Cyril Geley pendant le pèlerinage de Valcluse ». L’oeuvre, nommée Notre-Dame des parfums, et commandée par l’association Patrimoine vivant du Pays de Grasse, vient appuyer un peu plus le dossier de candidature pour inscrire les savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse au patrimoine culturel de l’Humanité de l’Unesco (lire par ailleurs). Une convention qui a pour but de valoriser et sauvegarder des pratiques immatérielles comme les savoirfaire ancestraux, événe- ments festifs, rituels…
Six mois de travail intense
« Nous avions d’abord pensé à un étendard, explique JeanPierre Leleux, sénateur et président de l’association, mais nous avons finalement tranché pour une icône car elle se conforme à l’esprit du volet d’un chapitre (parmi les cinq du dossier) qui compte beaucoup pour notre candidature. En plus, l’icône est destinée à rester dans un lieu sacré à long terme [la cathédrale Notre-Dame du Puy NDLR].» Un volet inti- tulé Fêtes, rituels et prati- ques sociales «dans lequel on doit faire référence aux héritages en matière traditionnelle qu’ont induit les savoir-faire liés au parfum au fil des siècles», poursuit l’homme politique qui a relancé, il y a une dizaine d’années, le pèlerinage à NotreDame de Valcluse auquel il participait lui-même étant plus jeune. « À l’époque, c’était un moment de rassemblement pour les parfumeurs et les ouvriers de la parfumerie qui avaient le droit de ne pas travailler ce jour-là et pouvaient participer à la célébration. » Il ne reste plus qu’à trouver un artiste. « Nous avons contacté plusieurs iconographes dans le département et nous avons choisi la talentueuse Odette Germi », explique Roger Guignard, trésorier de l’association. L’heureuse élue – comptable d’origine qui a fait une école d’art sacré il y a presque vingt ans – reçoit un appel en février dernier. Plus de feuilles d’or nécessaires
« Au début, je ne comprenais pas ce qu’on attendait de moi parce qu’on me parlait de parfum, de fleurs. Tout ce que je ne sais pas représenter. Et puis, je travaille dans la tradition russe et on ne dessine pas de fleurs sur des icônes. » Le cahier des charges est précis et lourd à respecter. Contente mais affolée par le travail énorme qu’on lui demande, l’artiste enchaîne les nuits d’angoisse. « Ils voulaient une vierge de tendresse entourée de fleurs cultivées en Pays de Grasse. » Celle qui vit à Paris jusqu’à ses trente ans envoie donc de nombreuses esquisses aux membres de l’association. « Je ne voulais faire que la rose et le jasmin mais Jean-Pierre Leleux souhaitait que je les représente toutes : jasmin, rose, violette, oranger, olivier et fleur de Lys. » Pendant six mois, l’artiste, qui travaille uniquement avec des produits naturels, s’attelle à la création, quinze à vingt heures par jour. L’image sacrée est écrite sur une planche en bois de tilleul de 60x50 cm. Douze couches de levka (la base de l’oeuvre) et sept de terres d’arménie plus tard, 300 feuilles d’or jaune et 30 d’or rouge sont posées avant que les fleurs soient peintes. Le résultat final, magnifique, est à découvrir samedi à 11 h 15 pendant la messe célébrée au sanctuaire. Ensuite, « des milliers de personnes prieront devant l’icône que j’ai faite, c’est impressionnant», souffle, pleine d’humilité, Odette Germi.