À l’épreuve des médecins
La diffusion d’informations médicales dans la presse généraliste a suscité, au départ, quelques crispations. Aujourd’hui, elle est considérée, par tous, comme utile. À condition d’éviter certains pièges
Dans nos relations avec la presse, c’est un peu le “je t’aime, moi non plus”. On a besoin de vous, pour parler de certains sujets, des avancées technologiques par exemple, mais dans le même temps, on craint la vulgarisation, susceptible de dépouiller le message de sa substance scientifique, voire d’introduire des contresens. Aussi est-il tellement essentiel que nous établissions une relation de confiance avec le journaliste. » Préoccupé depuis longtemps par les questions éthiques (il a présidé l’Espace Ethique Azuréen), le Pr Dominique Grimaud admet que la tâche peut être très difficile… pour les médias. « Dans le champ de l’éthique notamment, les questions que l’on pose appellent des réponses tout en nuances, complexes… Parfois même, il n’y a tout simplement pas de réponse du tout ! Tout ça est très difficile à faire transparaître dans un article ! » LePr Grimaud se souvient ainsi d’un article paru dans ces pages et qui abordait la question délicate de l’eugénisme « caché » « L’impact des mots a été énorme… » En dépit de quelques réticences, le Pr Grimaud se réjouit de la place croissante de l’information médicale dans la presse. « C’est un vrai progrès par rapport à une époque où l’on ne communiquait pas du tout. Les médias ont notamment beaucoup participé à porter les questions éthiques sur la place publique. Aujourd’hui, les médias sont un outil, au sens positif du terme, dont on se « sert » volontiers ; vous êtes notre interface avec le public et c’est extrêmement utile. » Le journaliste serait-il ainsi « manipulé » pour diffuser les idées ? La question suscite une réaction immédiate. « C’est nous, médecins, professionnels de santé, qui sommes vulnérables… Vous pouvez faire de ce que l’on vous dit ce que vous voulez, grâce à vos habiletés, et d’autant plus facilement que le discours scientifique qui vous a été tenu n’était pas très clair ! »
Passé dans les moeurs
Le Pr Grimaud se souvient très bien du lancement des pages Santé. Et des réactions vives (empreintes de jalousie ?) que pouvait susciter une parution. « On pouvait se montrer très cyniques vis-àvis des professionnels qui avaient l’honneur de ces pages : « Il fait son épreuve de titres dans Nice-Matin !» se moquait-on, suggérant qu’il ferait mieux de passer son temps dans la littérature scientifique, plutôt que dans la vulgarisation. » Un discours qui, selon lui, ne s’entend plus du tout. « Communiquer sur ce que l’on fait, participe aujourd’hui de l’insertion de notre métier dans la citoyenneté. Notre devoir est de mettre les questions à hauteur du public et ça passe par la presse. »
Quelle est votre position concernant la diffusion d’informations médicales dans la presse grand public ?
Le conseil de l’ordre y est tout à fait favorable ; la presse d’une manière générale, et la presse quotidienne régionale (PQR) en particulier, peuvent être un outil extrêmement important de diffusion de l’information médicale au grand public. Par contre, il est essentiel de savoir faire le distinguo entre information et publicité. Le CNOM s’est exprimé sur ce point il y a un an en insistant sur la différence entre les deux.
Pouvez-vous illustrer vos propos ?
Au démarrage de ce supplément, nous, conseil de l’Ordre, recevions une cohorte d’appels de médecins mécontents. Ils se plaignaient que dans tel ou tel autre article, un confrère présentait une technique, une approche, en donnant le sentiment qu’il était le seul à la pratiquer. En « utilisant » le journaliste pour faire de la publicité déguisée sur sa propre activité. Ces temps sont révolus et il est devenu rare que nous recevions ce type d’appels. Il reste que chacun doit rester prudent : le journaliste dans la présentation qu’il fait de l’information, et le médecin, qui doit bien rester dans le champ de l’information, garder en tête les règles déontologiques de la profession, et ne pas communiquer ses coordonnées personnelles, ni le lieu où il exerce. Aujourd’hui, médecins et journalistes ont appris à communiquer et échapper au piège de la publicité.
Donc aucune restriction dans la diffusion d’une information médicale…
Dès l’instant où cette information est intéressante pour les patients, fiable, que l’on valorise bien une technique, un soin et pas un professionnel, il n’y a aucun doute concernant l’intérêt de