La semaine de Roselyne Bachelot
« Ce qui est accablant est bien le vide idéologique sidérant du quarteron de rescapés candidats à la présidence de LR. »
Mardi
Jean Rochefort est mort. Il était le témoin de ce vieux monde dont, paraît-il, les Français ne veulent plus, celui de l’élégance sans paillettes, du beau parler qui fait des mots autant de trésors que l’on déguste par petites bouchées, de la préciosité qui ne dédaigne pas la truculence, installant Marivaux comme le fils de Rabelais, de cette inimitable « touche française » qui a fait notre charme pendant des siècles. Pardonnezmoi cette nostalgie qui sent la ringardise à plein nez, je n’ai pu m’en empêcher. Adieu et merci, cher Jean Rochefort.
Mercredi
Sordide. Écoeurant. Révoltant. On ne sait quel mot utiliser pour qualifier le « parcours » sexuel du producteur Harvey Weinstein, un des hommes les plus puissants d’Hollywood, celui qui faisait et défaisait les carrières des stars et se faisait fort de vous faire obtenir un oscar à condition d’y mettre le prix. Nous l’avions vu derrière Michel Hazanivicius et Jean Dujardin quand ils avaient obtenu les prestigieuses statuettes pour le film The Artist et les professionnels du cinéma savaient bien que sans lui, il est peu probable que, nonobstant leurs indéniables qualités, le réalisateur et son comédien eussent été couronnés. C’est dans le New Yorker que Ronan Farrow a révélé hier l’enquête ahurissante qu’il a mené sur les crimes sexuels qu’aurait commis Weinstein. Ce sont des dizaines d’actrices qui auraient été agressées ou violées puis intimidées pour qu’elles ne portent pas plainte. Des acteurs, parmi les plus célèbres comme Matt Damon, Ben Affleck ou Russel Crowe, se seraient entremis pour acheter le silence de victimes. Les révélations se multiplient, la liste des personnes violentées ne cesse de croître. Quentin Tarentino, David Lynch ou Martin Scorsese peuvent raccrocher les gants : ils n’auraient jamais pu imaginer un scénario aussi nauséabond. Mais les horreurs continuent, sous le sceau de l’anonymat, plusieurs témoins affirment qu’au Festival de Cannes chacun connaissait les turpitudes de Weinstein – dénommé « Le Porc » par les habitués, ce qui en dit long sur son ignoble réputation – et que les parties fines qu’il organisait sur des yachts avec open bar d’alcool et de cocaïne réunissaient le tout-cinéma du monde entier. L’actrice Jessica Chastain confirme à son tour le classique « Tout le monde savait » mais ajoute que c’était aux victimes de dénoncer les agissements du prédateur. Hé bien non ! Je redis avec force qu’on ne peut reprocher aux personnes ainsi brutalisées et humiliées de s’être réfugiées dans la honte et le silence. Par contre, il convient de rappeler à tous qu’un viol est un crime et que l’article du Code pénal est parfaitement clair: la non-dénonciation d’un crime est elle-même un crime puni de trois ans d’emprisonnement
et euros d’amende. A bon entendeur, salut.
Jeudi
Ils seront donc quatre. Quatre à briguer la présidence du parti Les Républicains après la plus inconcevable bérézina politique qu’on puisse imaginer. La débâcle frappe les personnes, les organisations, les idées. Les leaders historiques, Sarkozy, Fillon, Juppé ont été balayés, la garde montante, Baroin, Bertrand, Pécresse, Estrosi se sont repliés sur leurs duchés, d’autres comme Le Maire, Philippe ou Darmanin ont largué les amarres, restent Wauquiez, que tout le monde déteste, et trois comparses auxquels on a trouvé des parrainages bidons pour faire croire qu’il y a une compétition démocratique. Le parti est menacé de ruine et le pire est à craindre avec les procédures judiciaires qui minent toute perspective. Le groupe parlementaire à l’Assemblée nationale est inaudible faute de personnalités ayant un minimum de charisme, le Sénat apparaît comme un bastion de repli d’élus locaux préoccupés surtout de défendre des chefferies clientélistes en bramant contre la diminution des subventions et des emplois aidés qu’ils réclamaient à cor et à cri pendant la campagne présidentielle. Mais tout cela ne serait qu’un inévitable mauvais moment à passer après une sévère défaite et le parti centro-néo-gaulliste en a connu d’autres. Non, ce qui est accablant est bien le vide idéologique sidérant de ce quarteron de rescapés. « Une droite bien à droite», mais à la droite de quoi et de qui ? « La défense de nos valeurs », quelles sont les valeurs
qui les distingueraient précisément des autres partis républicains ? « La préservation de l’identité nationale », celle de Renan, de Braudel ou de Renaud Camus ? « Le cancer de l’assistanat » ,cene seraient pas plutôt la paupérisation et la relégation qui seraient un cancer ? Ah, pardon, la main sur le coeur et les yeux fixés sur la ligne bleue des Vosges, « le refus de toute alliance avec le Front national » ! Encore heureux que ces redoutables stratèges refusent de s’allier avec ceux qui ont juré leur perte. Les Français et le « peuple de droite » attendent des réponses précises et argumentées sur le rôle de l’Etat dans l’équilibre entre sécurité et liberté, l’économie et la répartition des richesses, l’égalité des chances et la reconnaissance du mérite, sur le rôle de la France dans la nécessaire rénovation de l’Union européenne et des alliances qui structurent notre politique internationale depuis un demi-siècle. Ce qui nous attend est indicible: la révolution copernicienne de la production de valeur, les nouvelles technologies d’une puissance superlative, l’allongement massif de la durée de la vie, l’épuisement des ressources naturelles et tout particulièrement des hydrocarbures, l’explosion démographique de l’Afrique et je ne suis pas exhaustive. Les Républicains ne reviendront pas au pouvoir avant des années : à défaut de trouver des solutions, nommer les enjeux serait déjà un premier pas.
Vendredi
Le Premier ministre Edouard Philippe et la ministre de la Santé Agnès Buzyn sont en déplacement à Châlus en Haute-Vienne pour
présenter le plan gouvernemental de lutte contre les déserts médicaux. La ministre a eu raison de rappeler que la notion de désert médical mérite d’être revisitée à la lumière des réalités d’un pays richement doté en professionnels et en structures de soin : % des Français vivent dans un commune où exerce au moins un médecin généraliste et , % peuvent consulter en moins de minutes. Les difficultés d’accès aux soins concernent l’absence de spécialistes dans certains secteurs surtout dans des spécialités «courantes» comme l’ophtalmologie, la pédiatrie ou la psychiatrie. Quant aux dépassements d’honoraires insupportables pour nos compatriotes les plus modestes, ils sont cantonnés pratiquement exclusivement dans la prothèse dentaire, les lunettes et l’audioprothèse et ne sauraient faire oublier que nous avons le taux de prise en charge solidaire parmi les plus élevés du monde. Ceci posé, il convient aussi de se projeter dans l’avenir d’un pays vieillissant, d’une demande forte de « santé » et pas seulement de « soin », des souhaits des professionnels de mieux concilier exercice et vie privée, des exigences de maîtrise des comptes publics. Le plan présenté a le mérite de la cohérence et ne contient aucune mesure originale. Tant mieux! Depuis vingt ans, tous les ministres de la Santé ont voulu renforcer l’offre de soins, préparer la révolution numérique, mieux organiser les professions de santé, et faire confiance aux acteurs de terrain, quatre axes qui sont ceux définis à nouveau par madame Buzyn. On ne peut que se réjouir de ce manque d’originalité puisqu’en la matière, il existe déjà dispositifs (!) qu’il s’agit de faire vivre et accepter plutôt que de réinventer l’eau sucrée. En ce domaine – comme dans beaucoup d’autres – la continuité et la persévérance font plus que force ni que rage.