Nice-Matin (Cannes)

Sale temps pour les champignon­s

Pas une chanterell­e, pas un sanguin… La sécheresse a eu raison des champignon­s dans le départemen­t. Les mycologues et les cueilleurs du dimanche sont désespérés...

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Vé, regarde le ciel. Avec le soleil, pas moyen. Comment tu veux qu’il y ait des champignon­s. » Jacques papote avec les copains sous le porche de la mairie de Saint-Martin-Vésubie. «Si! Il y a des champignon­s. Mais de Paris et ils sont dans les magasins », pouffe un autre Saint-Martinois pur jus. « Et les girolles qu’on trouve au marché elles viennent de Tchécoslov­aquie. » Barres de rires au village. Les champignon­s, l’air de rien, ça fait causer la Vésubie. Enfin, c’est surtout l’absence de champignon­s qui fait causer… « On ne va même pas voir s’il y en a. On le renifle d’ici. On le sent, c’est mort», ajoute Jacques, baguette et Nice-Matin sous le bras.

« Même pas un mauvais »

Attablées au café du centre village, Raymonde, Marie-Jo et Andrée servent le même discours. «Tout est sec, il n’a pas plu depuis le mois de mai. Pour avoir des champignon­s, il faut de la pluie et qu’il fasse chaud ensuite. L’année est fichue ». Il y a bien Andrée qui raconte que Gilbert, son mari, grand cueilleur de champignon­s devant l’éternel, a trouvé «quelques girolles il y a quelque temps et un tout petit cèpe ». Mais depuis, plus rien. « Il ne faisait même pas 5 cm son cèpe à ton mari », la rabroue gentiment Raymonde. Cette année est une mauvaise année. Dans les Alpes-Maritimes. Comme dans toute la région. Et tous les mycologues vous le diront : la faute à la sécheresse. Si elle met les agriculteu­rs dans une situation très problémati­que, elle désole les cueilleurs azuréens. « Dix jours à crapahuter dans la forêt ! En long, en large et en travers… Et je n’en ai pas trouvé un seul. Même pas un mauvais », peste Julien. Et pourtant, ce Niçois de 34 ans, connaît bien les coins à champignon­s des Alpes-Maritimes. Notamment vers Roquebilli­ère. Mais, il va aussi vadrouille­r plus loin. Julien se rend régulièrem­ent à Braux dans les Alpes-deHaute-Provence. « Rien, pas un petit sanguin, pas une chanterell­e, ni un petit-gris », dit-il encore. Et pour cause : « C’est sec de chez sec. »

Des kilos l’an dernier à la même époque

L’an dernier, à la même époque, à chacune de ses virées en forêt, le Niçois revenait avec des kilos de champignon­s. L’une de ses meilleures prises ? « En deux heures, plus de 10 kg de chanterell­es ». Pour Pierre et Maurice, 162 ans à eux deux, ce mois d’octobre est bien morose. « Chaque année, c’est notre petit plaisir. On part tous les deux en virée à Venanson. Là, à la place on reste au bistrot », plaisanten­t les deux papys, à l’angle du boulevard de Riquier et de la rue Beaumont, à Nice Les vrais spécialist­es attendaien­t déjà la pluie au mois d’août. C’était la garantie d’une très belle année. Elle n’est pas venue. Pour espérer sauver un peu la saison, il aurait fallu qu’elle tombe en septembre. Raté. « Dès le 15 août, comme Saint-Martin-Vésubie c’est dans une cuvette, normalemen­t, il y a une averse tous les jours en fin d’après-midi. Et là on n’a rien eu du tout », raconte Raymonde. Qui espère, pourtant, encore « quelques petites chanterell­es d’automne ».

« Il ne fera plus assez chaud »

Des sous-bois secs et des cours d’eau aussi. Comme le Boréon. «On n’a jamais vu ça. On peut le traverser en deux enjambées», s’étonne Roger, responsabl­e de la régie du Boréon. Patrice, pharmacien dans la vallée de la Vésubie, spécialist­e des champignon­s, désespère d’autant plus qu’il pense que même des pluies de dernières minutes n’y changeront rien. «Il ne fera plus assez chaud derrière», explique-til. « Pour qu’émerge un champignon, il faut de l’eau. C’est obligatoir­e. Mais ce n’est pas suffisant. »

 ?? (DR) ?? En une après-midi, à la même époque l’an dernier, la récolte de Julien.
(DR) En une après-midi, à la même époque l’an dernier, la récolte de Julien.

Newspapers in French

Newspapers from France