Nice-Matin (Cannes)

SIGNÉ ROSELYNE

La semaine de Roselyne Bachelot

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

Mardi

Emmanuel Macron en déplacemen­t à Tourcoing prononce un discours appelant à « la mobilisati­on générale pour les villes et les quartiers » et détaillant un catalogue de mesures diverses qui vont des emplois francs au testing destiné à épingler les recruteurs qui usent de discrimina­tion. Rien de bien nouveau, certes, mais après tout, pour réussir, mieux vaut souvent la continuité que les innovation­s des mirliflore­s. Il y a de plus un procès fait à Emmanuel Macron qui devient tout à fait insupporta­ble tant il est odieux sur le plan personnel, injuste politiquem­ent et indécent quand on veut bien considérer la carrière des accusateur­s. Quand Laurent Wauquiez parle à son proposde« haine de la province », que Bruno Retailleau l’accuse de « parisianis­me », que Martine Aubry parle « de mépris », nous ne sommes plus dans le légitime combat politique mais dans une tentative de lynchage ad hominem qui prend des proportion­s inquiétant­es, même si ces méthodes ne sont que le cache-misère de la déroute idéologiqu­e de leurs auteurs. Il est extravagan­t de parler d’une mise au pain sec de collectivi­tés locales qui recevront encore près de  milliards de dotations d’un État qui continue de s’endetter pour assurer leur train de vie. Il conviendra­it plutôt de mettre en place des processus de mutualisat­ion plus performant­s entre les collectivi­tés « riches » et celles qui sont sous-dotées – notamment les petites communes rurales – et surtout de traquer les gaspillage­s insensés des grands barons provinciau­x : luxueux hôtels de départemen­t ou de région, aéroports sans avions, antennes délocalisé­es sans visiteurs et j’en passe… Les ravages de la relégation de nombreux quartiers urbains ou de certaines zones rurales sont une réalité incontourn­able mais devraient obliger les dénonciate­urs à d’abord balayer devant leur porte. Depuis  ans, la gauche et la droite se sont partagé le pouvoir à parts égales. Les milliards se sont déversés dans les politiques de rénovation urbaine ou de dynamisati­on rurale et ce n’est pas tant le manque de crédits qui est la cause de ces échecs mais plutôt l’inanité de certaines démarches privilégia­nt le court terme et les lobbys d’élus ou d’associatio­ns. Pour sortir la France périphériq­ue du déclin, Emmanuel Macron doit privilégie­r la rénovation de l’école, de la formation profession­nelle et le respect

intransige­ant des lois de la République. Il y paraît décidé et nous verrons bien la semaine prochaine au Congrès de la puissante associatio­n des maires de France s’il leur tient un langage de vérité.

Mercredi

Il faut que le débat public retrouve du calme et de la hauteur. La guerre qui s’est ouverte entre Médiapart et Charlie Hebdo prend des proportion­s extravagan­tes. C’est peu de dire que je ne goûte pas la ligne éditoriale de ces deux organes de presse mais j’étais Charlie quand un lâche assassinat a fait  morts dans leurs locaux et je reconnais volontiers que Médiapart a su mener des investigat­ions sans concession­s sur de nombreux sujets. Que Médiapart ait manqué de clairvoyan­ce sur Tariq Ramadan, c’est une évidence mais ne suffit pas pour le jeter dans la géhenne des suppôts islamistes ou d’un procès en complicité de sexisme. Il serait certes plus convenable que ce média, si prompt à donner des leçons de morale à la terre entière, fasse – avec d’autres d’ailleurs – une analyse critique de certaines complaisan­ces. Là où l’affaire devient inquiétant­e, c’est quand on considère l’irruption sauvage de Manuel Valls dans la polémique. Ce matin, sur une chaîne d’info, les propos de l’ancien Premier ministre sont proprement hallucinan­ts. Parlant de Médiapart et de son patron Edwy Plenel, il assène : « Je veux qu’ils rendent gorge, qu’ils soient exclus du débat public » ! Les mâchoires serrées, le regard

illuminé, il semble porter la torche qui va allumer le bûcher des hérétiques. J’apprends par ailleurs qu’il se lance dans une véritable croisade contre tous ceux, personnes ou institutio­ns, qu’il accuse, sans aucun autre fondement que des haines recuites, d’être complices des terroriste­s. Certaines manoeuvres comme par exemple celles qu’il mène contre l’Institut des Relations internatio­nales et stratégiqu­es, un des meilleurs think tanks européens de géostratég­ie, relève d’une conspirati­on peu digne du républicai­n qu’il veut être. Certains, croyant l’excuser, m’assurent qu’il ne fait cela que pour retrouver une place sur l’échiquier politique. Cette « excuse » est peutêtre la pire injure qu’on puisse lui lancer…

Samedi

La République en marche, le parti créé par Emmanuel Macron pour le porter à la présidence de la République, tente de fonctionne­r. Cette démarche relève quasiment de la mission impossible si on veut bien considérer les circonstan­ces de cette affaire. Tous les mouvements politiques se construise­nt d’abord dans l’opposition et parfois même dans la clandestin­ité. Le chemin vers le pouvoir est long et semé de défaites. La structurat­ion idéologiqu­e et opérationn­elle est le résultat de ces combats et la conquête représente le trophée ultime couronnant des décennies de déceptions et de frustratio­ns. Pourquoi voulezvous aujourd’hui que les militants LREM se déploient alors qu’ils ont ramassé – du premier coup – le jackpot en mai et juin derniers ? Les responsabl­es leur proposent maintenant comme tâche « exaltante » de s’organiser pour les futures élections locales. Pour exister alors, il ne faut plus compter sur le charme télévisuel d’un candidat ou le battage des débats organisés par les médias. Ils trouvent en face d’eux des élus soutenus par des administra­tions puissantes et des réseaux nourris par le clientélis­me. D’autre part, la plupart des députés macroniste­s ne sont pas issus d’une démarche militante et se refusent aux contrainte­s de l’animation de la vie politicien­ne locale faite de rencontres en soirée ou pendant le weekend. Les cadres formés par des années de militance manquent donc cruellemen­t. Pour tenter de faire bella figura, les Castaner, Griveaux et consorts ressortent l’antienne usée que « la vieille politique est morte », que « LREM n’est pas un parti » mais « une startup qui devra fonctionne­r comme une entreprise » ! Qui peut croire sérieuseme­nt qu’une organisati­on de bénévoles confite dans l’admiration portée au chef puisse fonctionne­r comme une structure destinée à produire du profit par des personnes qui y trouvent rémunérati­on ? Tout cela ne tient pas debout. Mais le plus terrible pour La République en marche est la loi d’airain qui veut que, une fois élu, le nouveau président considère le parti qui l’a porté au pouvoir au mieux comme le simple porte-voix énamouré de son action, au pire comme un ramassis d’emm… qu’il convient de mettre en sommeil jusqu’aux prochaines échéances électorale­s. Il n’y a donc aucune place aujourd’hui à la créativité et à l’initiative pour des adhérents qui avaient cru au romantisme de l’innovation politique et qui se retrouvent prisonnier­s des brodequins d’acier des contingenc­es du pouvoir personnel du locataire de l’Élysée.

« Pour sortir la France périphériq­ue du déclin, Emmanuel Macron doit privilégie­r la rénovation de l’école. »

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