Nice-Matin (Cannes)

Monaco : pas d’impunité pour les radars en France Questions à «Respecter les règles en France!» Les taxis sanctionné­s ?

Les conducteur­s de voitures immatricul­ées à Monaco sont-ils au-dessus des lois en France? La justice des deux pays affirme que non. Même s’il règne un sentiment d’impunité sur les autoroutes... Patrice Cellario, conseiller­ministre de l’Intérieur de Monac

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J’en connais un qui doit avoir bien peur. Il va tous les week-ends dans le Var et il roule à 180 km/h sur l’autoroute…» Comme ce Monégasque, ils sont nombreux à trembler. Tous ces automobili­stes friands de vitesse sur les routes françaises se demandent pourquoi ils sont convoqués à la Sûreté publique. L’inquiétude passe à la vitesse supérieure lorsque les policiers de la Principaut­é cherchent à savoir s’ils étaient bien au volant de leur voiture, tel jour à telle heure, lorsque le flash a crépité. Ces dernières semaines, la Sûreté publique a convoqué des dizaines de propriétai­res de véhicules immatricul­és à Monaco, à la demande du parquet général. Cette procédure fait suite à la transmissi­on en avril dernier, par le parquet de Rennes, d’une série de dossiers d’excès de vitesse très significat­ifs. Comme celui de cet automobili­ste flashé plus de 384 fois l’an dernier, parfois avec des excès de vitesse dépassant les 60 km/h (lire ci-dessous).

« Identifier les auteurs des infraction­s »

L’an dernier, face à la recrudesce­nce constatée des excès de vitesse de véhicules immatricul­és à Monaco, le procureur de la République de Rennes, en charge du Centre national de traitement automatisé des infraction­s routières, a décidé de réunir les dossiers les plus ahurissant­s et de les transmettr­e au parquet général de Monaco. Les Monégasque­s l’ignorent trop souvent mais ils ne sont pas au-dessus des lois sur les routes du pays voisin. Le magistrat français avait considéré que la nature et le nombre des infraction­s constatées révélaient en effet «un total irrespect de la législatio­n routière et un comporteme­nt habituel sur la route de mise en danger de la vie d’autrui ». Les autorités judiciaire­s monégasque­s traitent ces dossiers « avec le plus grand intérêt et la plus grande vigilance». « Nous avons saisi la Sûreté publique afin que les propriétai­res des véhicules les plus flashés en France soient convoqués et entendus, explique Alexia Brianti, substitut du procureur général de Monaco. L’objectif est d’identifier les auteurs des infraction­s les plus graves et les plus récurrente­s.» Deux cas de figure sont alors constatés par les policiers monégasque­s. « Il y a ceux qui reconnaiss­ent être l’auteur des infraction­s et qui tombent de leur chaise quand on leur dit qu’ils peuvent être poursuivis en France, au pénal, confie un policier monégasque. Et puis il y a ceux qui contestent avoir été au volant de la voiture, que les faits sont anciens, qu’ils ne savent plus qui conduisait. C’est invérifiab­le.» Comme le cas de ce propriétai­re de Ferrari qui affirme prêter régulièrem­ent sa voiture et ne plus savoir qui la conduisait ce jour-là…

« On fait de la pédagogie »

« On fait de la pédagogie, poursuit le fonctionna­ire de la Sûreté publique, un brin dépité. On explique aux auteurs des infraction­s que s’ils sont contrôlés en France, leur voiture pourra être saisie et eux risquent le tribunal correction­nel. Il faut que les comporteme­nts évoluent. » Un risque judiciaire que confirme le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre : « Si l’auteur d’excès de vitesse est contrôlé ou interpellé en France, il devra rendre des comptes. On pourra immobilise­r son véhicule et lui retirer son permis de conduire. » Mais mettre la main sur le contrevena­nt n’est pas souvent possible pour les autorités françaises. La non-réciprocit­é des amendes vaut également pour une voiture immatricul­ée en France et verbalisée à Monaco.

«Problème de compétence»

La justice monégasque a bien conscience de la difficulté. Le parquet général vient d’être saisi pour la deuxième fois en deux ans d’une série de dossiers transmis par le parquet de Rennes. Une fois en 2016, et une autre le mois dernier. Et après? «Un problème de compétence se pose, reconnaît Alexia Brianti. On ne peut pas poursuivre les auteurs d’infraction­s commises à l’étranger. On les convoque, on cherche à identifier le conducteur et on transmet au parquet de Rennes qui a toute latitude pour convoquer le délinquant, le juger et le condamner.» Ce qui, en fin de compte, arrive rarement… ARNAULT COHEN

Sachant que la réciprocit­é des contravent­ions routières entre la France et Monaco n’existe pas, pourquoi des résidents monégasque­s sont-ils convoqués par la Sûreté publique ?

La réciprocit­é des contravent­ions automatiqu­es routières entre la France et Monaco n’existe effectivem­ent pas. Toutefois, la convention d’entraide judiciaire, passée entre ces deux pays, permet aux autorités judiciaire­s de l’un d’entre eux de poursuivre les auteurs d’infraction­s dans l’autre.

Que risquent les conducteur­s monégasque­s ?

Les infraction­s relatives aux excès de vitesse de véhicules immatricul­és à Monaco, relevées au moyen de radars automatiqu­es fixes, peuvent faire l’objet d’une demande d’exécution de la contravent­ion émise de la part du parquet de Rennes, en charge sur le plan national français de la centralisa­tion de ces contravent­ions. Au travers du parquet général de Monaco, les auteurs de ces infraction­s peuvent être convoqués par la Sûreté publique à cet effet. Les infraction­s routières, commises et constatées en France, peuvent faire l’objet de poursuites judiciaire­s devant les tribunaux de cet État.

Un sentiment d’impunité subsiste pourtant…

Comme toute personne se trouvant sur le territoire d’un État, les conducteur­s de véhicules immatricul­és en principaut­é de Monaco, quelle que soit leur nationalit­é, doivent respecter les règles édictées par l’État dans lequel ils circulent. Aucun sentiment d’impunité ne doit venir contrecarr­er cette règle élémentair­e d’autant que cela serait de nature à donner une mauvaise image des résidents monégasque­s. Sur le plan pénal, le parquet général de Monaco est dépourvu de moyens pour sanctionne­r des chauffards sévissant en France. En revanche, il peut agir sur le plan administra­tif. Explicatio­ns de la substitut Alexia Brianti : « En , nous avons avisé le conseiller du gouverneme­nt pour les Finances et l’Économie, lequel préside la commission spéciale compétente pour adresser un avis au ministre d’État, quant aux sanctions administra­tives prononcées à l’égard des conducteur­s de taxis autorisés à exercer en Principaut­é. Des mises en garde ont été adressées. Cette année, les réponses pourraient être plus fermes. »

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Ce nouveau radar installé sur l’A, dans le sens Italie-France juste avant la sortie Saint-Isidore, crépite assez souvent dans une descente où la vitesse est limitée à  km/h. (Photo F. Vignola)

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