Un sénateur russe arrêté à Nice
Souleyman Kerimov, représentant du Daghestan à la fédération de Russie, et richissime oligarque, a été arrêté à Nice dans le cadre d’une enquête pour « blanchiment de fraude fiscale »
Le Kremlin a immédiatement émis des protestations. L’arrestation de Souleyman Kerimov frise déjà l’incident diplomatique. Ce richissime oligarque qui a bâti sa fortune dans la potasse est aussi sénateur à la fédération de Russie où il représente le Daghestan, son pays natal. Ce qui n’a pas pour autant empêché son arrestation dans la nuit de lundi à mardi. Souleyman Kerimov a été «cueilli» à sa descente d’avion, à l’aéroport de Nice.
Du caïd de l’Ariane à l’avocat fiscaliste
Le juge Alexandre Julien veut en effet l’entendre dans le cadre d’une vaste affaire de blanchiment de fraude fiscale qui secoue la Côte d’Azur depuis plusieurs mois (lire nos éditions des 9 septembre et 13 mars 2017 ainsi que celle du 2 novembre 2015). Tout commence en 2015 par une banale filature. À cette époque, les enquêteurs de la police judiciaire de Nice et du groupe d’intervention interrégional s’intéressent surtout à l’argent de la «came». Ils sont en planque devant un restaurant du centre-ville de Nice censé appartenir en sous-main à un caïd de l’Ariane. C’est bien tout autre chose qu’ils vont découvrir au cours de leurs surveillances. Chaque semaine une femme passe la porte de cet établissement et vient régler en liquide une partie du salaire des employés. Une petite main du trafic de stupéfiants? Il n’en est rien. Les enquêteurs découvrent qu’il s’agit en fait de la secrétaire d’un cabinet d’avocat. Celui de Me Stéphane Chiavérini. Ce juriste installé à Antibes est spécialisé en droit fiscal. Les investigations vont démontrer que l’avocat met en réalité ses talents de fiscaliste à élaborer d’obscurs montages offshore qui n’auraient d’autre but que d’échapper à l’impôt français.
millions d’euros de biens au Cap d’Antibes
C’est ainsi que Me Chiaverini aurait participé à la vente d’une coquette propriété au Cap d’Antibes, la villa « Hier ». Montant de la transaction: 35 millions d’euros. Si ce n’est qu’un dessous-de-table de près de 90 millions d’euros aurait été versé en parallèle sur les comptes suisses du vendeur. L’acheteur qui se serait prêté à cette transaction douteuse serait un homme d’affaires suisse, Alexander Stuldhater. Sauf que les enquêteurs ont acquis la conviction qu’il ne s’agit là que d’un vulgaire homme de paille. Derrière lui se cacherait en fait Souleyman Kerimov, le sénateur russe arrêté hier. Celui-ci aurait acquis, pour la bagatelle de 500 millions d’euros, plusieurs propriétés au Cap d’Antibes. Du moins officieusement. Car ces demeures ne figurent pas dans sa déclaration de patrimoine en Russie. Reste que la justice française semble avoir amassé suffisamment d’éléments à charge pour démontrer le contraire. Comme nous le révélions récemment, le juge niçois Alexandre Julien et les enquêteurs se sont rendus cet été en Suisse afin de décortiquer le montage financier de l’achat de la villa «Hier»... entre autres biens de luxe sur la Côte d’Azur. Le sénateur Souleyman Kerimov, placé en garde à vue, doit désormais en répondre personnellement.