Nice-Matin (Cannes)

Sulfoxaflo­r : un juge niçois au chevet des abeilles?

Le juge des référés du tribunal administra­tif de Nice a examiné hier le recours déposé par une ONG contre un insecticid­e suspecté de tuer les abeilles. Sa décision est attendue aujourd’hui

- BENOIT GUGLIELMI bguglielmi@nicematin.fr

L’annonce avait fait l’effet d’une bombe (agricole). En septembre, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail) avait délivré une autorisati­on de mise sur le marché (AMM) de deux insecticid­es, le Closer et le Transform, commercial­isés par le géant américain Dow AgroScienc­es, dont le siège français est basé à Sophia-Antipolis. L’associatio­n de défense de l’environnem­ent Génération­s Futures avait alors saisi la justice pour suspendre cette décision. L’audience s’est tenue hier devant le juge des référés du tribunal administra­tif de Nice. Résumé en 5 questions.

C’est quoi le sulfoxaflo­r ?

Il s’agit du principe actif de deux pesticides censés lutter contre les « insectes piqueurs suceurs », au premier rang desquels le puceron. Ce produit est présenté par son fabricant comme une alternativ­e aux néonicotin­oïdes, des pesticides qui devraient être interdits l’an prochain en France en raison de leur toxicité pour les abeilles.

Pourquoi l’Anses l’a-t-elle autorisé ?

Françoise Weber, la directrice générale adjointe de l’Anses qui a signé les autorisati­ons, a assuré hier au juge niçois avoir eu « toutes les informatio­ns nécessaire­s » pour «évaluer les risques» du sulfoxaflo­r. «Un insecticid­e est forcément toxique. La question est de savoir si, dans les conditions d’emploi et le dosage prévus, les abeilles seront particuliè­rement exposées.» Les différents «comités d’experts» qui ont planché pour le compte de l’Anses ont estimé que sa mise en vente pouvait être autorisée.

Pourquoi l’ONG

réclame son retrait ?

Génération­s Futures estime que le produit menace la sûreté des abeilles. Après avoir rappelé l’inquiétant déclin depuis vingt ans de ces indispensa­bles pollinisat­eurs, l’avocat de l’ONG, Me François Lafforgue, a clamé qu’il existait «un doute sérieux » et qu’il y avait « urgence » à suspendre l’utilisatio­n du sulfoxaflo­r. « Sa toxicité est certes moins importante que celle des néonicotin­oïdes, mais elle existe. Et personne ne la nie. »

Quel argumentai­re développe Dow ?

Les avocats de la firme américaine, Mes Julien Moiroux et Eric Nigri, ont tenté de démontrer que «le sulfoxaflo­r n’est pas un néonicotin­oïde » mais une alternativ­e, autorisée dans 41 pays, dont les États-Unis et le Canada. « Sa persistanc­e dans l’environnem­ent est de quelques jours, contre plusieurs centaines de jours pour les néonicotin­oïdes », ont-ils plaidé. Et de rappeler : «La loi interdit les néonicotin­oïdes, mais pas le sulfoxaflo­r. Si on le retire du marché, que restera-t-il ? Les néonicotin­oïdes. »

Qu’attendre de la décision de justice ?

Le juge des référés ne statue pas sur le fond – qui fait l’objet d’un autre recours – mais peut suspendre l’AMM à deux conditions: qu’il existe un doute sérieux sur sa légalité, et que le caractère d’urgence soit établi. Il devrait rendre sa décision dans la journée.

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