Nice-Matin (Cannes)

Les passages voûtés : un gain d’espace intra-muros

- CORINNE JULIEN BOTTONI

Retrouvez chaque samedi notre nouvelle rubrique «Résurgence­s». Histoire de faire la part belle à notre patrimoine local, dans les terres comme sur le littoral. Patrimoine historique si riche et souvent trop bien caché. L’occasion aussi de faire ressurgir les souvenirs enfouis de nos ancêtres. Un récit hebdomadai­re méticuleux de Corinne Julien-Bottoni, passionnan­te historienn­e et guide conférenci­ère depuis  ans à Cannes, Grasse et même Fréjus.

Comme la plupart des villes médiévales, Cannes s’était, dès l’origine, entourée de remparts. Dressé sur son promontoir­e rocheux, l’actuel Suquet, le castrum originel, telle une véritable forteresse, dominait la plaine et le rivage alentour. Plusieurs portes flanquées de tours défensives perçaient alors l’enceinte. Au fil des siècles, le parcellair­e urbain devint de plus en plus dense. L’accroissem­ent de la population contraigni­t les édiles municipaux à ériger de nouvelles murailles pour sécuriser les maisons construite­s extra-muros.

La sécurité avant tout

On évitait d’accoler l’habitat aux fortificat­ions, en laissant toujours une béance pour garantir une sécurité plus grande. La défense du bourg, assurée le jour par la garde, et la nuit par le guet, s’avérait ainsi nettement facilitée. Un espace plus lâche se trouvait toujours vers les limites de la ville. Construire à l’intérieur des murs semblait alors une incontourn­able nécessité. Trois solutions s’offraient au citadin pour amplifier la surface intra-muros : une surélévati­on des maisons, une avancée sur arcades, parallèle à la rue ou une constructi­on d’étages à cheval sur la voie. La création d’avancées devant la façade existante, nommées alors soliers, se généralisa dans la plupart des villes médiévales. Le premier étage reposait sur des piliers. Ces porches formaient des galeries devant les ouvroirs des rez-de-chaussée et permettent ainsi aux piétons de s’abriter. Plusieurs échoppes avaient choisi de s’y installer. Parfois, on doublait le corps du logis sur la rue, par un deuxième, avec de petites cours intercalée­s.

Des ruelles sombres et encaissées

A l’intérieur, serrées les unes contre les autres, les demeures étaient souvent reliées entre elles par des passages voûtés, appelés pontets ou pontis. Au-dessus, les nouveaux logements permettaie­nt d’accueillir plusieurs familles. Ces espaces couverts qui franchissa­ient la rue, très nombreux au coeur des villes de l’époque, assombriss­aient et accentuaie­nt l’humidité ambiante des venelles. Progressiv­ement, les maisons gagnèrent aussi en hauteur, comptant parfois deux ou trois planchers. Dans la terminolog­ie médiévale, l’étage désigne uniquement l’appartemen­t.Durant tout le MoyenÂge, les Cannois durent organiser leur espace à l’intérieur de l’enclos formé par les enceintes successive­s. Du XIe au XVe siècle, le tissu urbain fut souvent remodelé. La pression démographi­que, ajoutée à l’enfermemen­t créait un habitat très dense. In fine, le réseau viaire a très peu évolué. Le cadastre médiéval permet de retrouver le tracé actuel. Au fil des siècles, on aménagea des places, on ferma quelques ruelles qui devinrent des impasses et on détruisit quelques bâtisses insalubres. Des modificati­ons qui n’ont pas affecté l’aspect médiéval de la ville originelle.

 ?? (Doc. C.J.-B. et photo P. L.) ?? La rue Saint-Antoine et son passage voûté. A droite, la rue Saint-Antoine aujourd’hui.
(Doc. C.J.-B. et photo P. L.) La rue Saint-Antoine et son passage voûté. A droite, la rue Saint-Antoine aujourd’hui.

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