Nice-Matin (Cannes)

SIGNÉ ROSELYNE

La semaine de Roselyne Bachelot

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Mardi

La remise des prix de l’humour politique par le Press Club est toujours un moment réjouissan­t. La sélection était particuliè­rement relevée cette année et François Hollande a reçu le Grand Prix pour l’ensemble de son oeuvre et répondu par un petit speech profond et drôle, défendant le droit à l’humour : « Un hommage m’est rendu. Il était temps… » En effet ! Je ne vais pas vous refaire l’ensemble du palmarès mais je décerne mes deux prix personnels. Le premier va à Alain Juppé : « J’aime bien aller à la messe. Pendant une heure, personne ne vous emmerde. » Et à Emmanuel Macron, parlant du PS et des Républicai­ns : « Les deux grands partis sont des amicales de boulistes, mais sans l’amitié et sans les boules. » Je crains d’ailleurs qu’il n’y ait même plus de joueurs. Certaines personnali­tés qui se sont distinguée­s ces derniers jours auraient vraiment mérité de monter sur l’estrade. Je vais donc décerner une mention spéciale à Edouard Philippe qui a raconté comment, lors de sa nomination comme Premier ministre, il est arrivé à l’Elysée caché sous une couverture, tel Cléopâtre enroulée dans un tapis pour s’offrir à Jules César ; un prix du Jury à Thierry Solère pour avoir annoncé qu’il resterait questeur de l’Assemblée coûte que coûte pour renoncer dès le lendemain, et un prix d’Interpréta­tion dans un rôle de compositio­n à Olivier Dussopt, le nouveau ministre issu du PS, qui est allé, lundi dernier, au Sénat défendre

un budget contre lequel il avait voté la semaine dernière. Comme le disait Edgar Faure, prix de l’Humour politique en  : « Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent ! »

Mercredi

Jacques Chirac a  ans. L’affection dont il jouit chez les Français, y compris chez les politiques qui l’ont toujours combattu, ne cesse d’étonner. Ils lui pardonnent ses friponneri­es dans la conduite des affaires de la ville de Paris ou du RPR. Ils lui pardonnent d’être un énarque, pur produit de l’aristocrat­ie technocrat­ique. Ils lui pardonnent ses foucades et ses arrangemen­ts tactiques. Les raisons de cette tendresse pourraient donner à réfléchir à bien des responsabl­es actuels. Jacques Chirac était ancré dans ces territoire­s que les experts appellent « la France périphériq­ue » et il savait très bien, lui, qu’il fallait plus de deux heures pour aller de la Souterrain­e à Ussel… Au motif de valoriser la société civile et de non-cumul des mandats, nous avons des élus hors sol, des députés absents de leurs circonscri­ptions, des ministres sans poids politique, un président brouillé avec les élus locaux. Jacques Chirac avait aussi une incroyable empathie pour les gens simples et les personnes en difficulté ou en grand chagrin. Il était toujours là quand nous étions confrontés à la maladie ou à la perte d’un être cher. Doué d’une culture encyclopéd­ique

et profondéme­nt originale, il n’en faisait jamais état, étant éloigné de toutes formes de snobisme et de morgue et témoignait d’un profond respect pour tous les peuples et les civilisati­ons. Surtout, il a su être le symbole de l’unité nationale dans des circonstan­ces majeures – la lutte contre l’extrémisme ou le refus de la guerre en Irak – et sur des dossiers emblématiq­ues : comment oublier qu’il est à l’origine de toutes les grandes lois sur le handicap ou de la Charte de l’environnem­ent ? Aujourd’hui atteint par le crépuscule de l’âge et de la maladie, il est l’objet d’une affection filiale et respectueu­se. Les paltoquets jugeront que tout cela, c’est de la vieille politique ; ils feraient bien parfois de méditer les leçons de Jacques Chirac, cela leur éviterait quelques déconvenue­s.

Jeudi

Dernier jour de la tournée africaine du chef de l’Etat. La ridicule polémique franco-française surgie au détour d’une plaisanter­ie anodine lors de la rencontre avec des étudiants à l’université de Ouagadougo­u est consternan­te de vacuité. Entendre certains parler de racisme est affligeant et le combat politique exige mieux que ces piteuses accusation­s. Emmanuel Macron, bien au contraire, a parlé à ces jeunes d’égal à égal, sans afféterie et cet échange a été un vrai succès : réussir à tenir trois heures un amphi surchauffé – dans tous les sens du terme – relève d’une vraie performanc­e et ses détracteur­s, confrontés à une telle épreuve, en seraient sortis en lambeaux. Non, ce qui est beaucoup

plus inquiétant est bien la perte d’influence de la France en Afrique, perte d’influence politique, économique et culturelle. La Chine y est devenue le premier intervenan­t étranger et les élites utilisent l’anglais comme langue véhiculair­e. Il y a de plus dans de nombreux pans de la société africaine – en particulie­r les jeunes – une véritable francophob­ie qui voit dans la colonisati­on l’origine de toutes leurs frustratio­ns. Le dossier du franc CFA est à cet égard emblématiq­ue. Certes, il n’est pas douteux qu’il s’agit d’une survivance coloniale. Pour autant, l’adossement du franc CFA à l’euro n’est pas sans avantages pour les quatorze pays africains qui l’utilisent : cela assure sa convertibi­lité, sa stabilité et la fluidité des échanges monétaires dans la zone, trois garanties indispensa­bles à la crédibilit­é des acteurs économique­s qui s’y déploient. Il a néanmoins l’inconvénie­nt d’être lié à une monnaie forte et d’empêcher les dévaluatio­ns. Mais est-ce vraiment un inconvénie­nt ? Ses opposants font valoir qu’en échange,  % des réserves de change sont déposés au Trésor français et que les Etats ne peuvent donc en disposer pour mener des politiques de relance. On peut discuter du bien-fondé de cette allégation, la juger hasardeuse et relever d’une facilité « one shot », mais après tout, pourquoi pas, si toutefois, certains ne déposent pas cet argent sur un compte en Suisse ou aux Caïmans… Il convient toutefois de rappeler que la France n’est aucunement arc-boutée sur le maintien du CFA et qu’à Bercy, beaucoup ne verraient même que des avantages à sa disparitio­n, rappeler aussi qu’un pays peut à tout moment sortir du dispositif et même y revenir, comme l’a fait le Mali par exemple, rappeler que la création d’une union monétaire en Afrique de l’Ouest et du Centre relève de négociatio­ns menées entre les Africains et eux seuls. Pour l’instant, on ne peut pas dire que les responsabl­es politiques de ces pays aient fait montre de l’amorce du début d’un commenceme­nt d’une démarche sur ce sujet… Emmanuel Macron a dit amicalemen­t mais fermement aux jeunes Burkinabés qu’ils tenaient leur avenir entre leurs mains sur ce dossier comme sur tous les autres, ce qui est bien le contraire de la démarche néocolonia­le qui lui est indûment reprochée.

Vendredi

Coucou, revoilà Notre-Dame-des-Landes ! L’affaire m’a accompagné­e toute ma vie politique d’élue de la région des Pays de la Loire et je regarde avec sympathie Nicolas Hulot tenter de se dépatouill­er de ce dossier cauchemard­esque. En mirliflore de la défense de l’environnem­ent, il avait tenu des propos définitifs sur l’inanité de cet aéroport. Vieilli de dix ans en six mois, le ministre de la Transition écologique et solidaire tente de se sortir de ce guêpier. Finaudemen­t, le gouverneme­nt avait choisi des experts jugés opposés au projet pour pouvoir ainsi reculer face aux élus locaux de toutes obédiences politiques et à la population de Loire-Atlantique qui s’est prononcée par référendum favorablem­ent sur la nouvelle infrastruc­ture. Il faut dire que tous ceux qui ont vu les aéronefs décoller et atterrir en pleine ville de l’aéroport de Nantes-Atlantique sont plus que réservés sur les arguments développés par les défenseurs des zones humides de Notre-Dame-des-Landes. Patatras ! Aux dernières nouvelles, il semblerait que ces fameux experts rendraient un rapport équilibré renvoyant la patate chaude entre les mains du gouverneme­nt. Mes amis, en ces temps de contestati­on permanente, il vaut mieux être président d’une fondation que ministre…

« L’affection dont [Chirac] jouit chez les Français, y compris chez les politiques qui l’ont toujours combattu, ne cesse d’étonner. »

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