Nice-Matin (Cannes)

Dans  à  ans, ce type de cours sera généralisé

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin. fr PROPOS RECUEILLIS PAR NANCY CATTAN

Endocrinol­ogue, professeur au Laboratoir­e d’Évolution des régulation­s endocrinie­nnes au Museum d’histoire naturelle de Paris, le Pr Barbara Demeinex présidait la «Rentrée Solennelle 2 017 » de la Faculté de médecine de Nice. À cette occasion elle tenait une conférence sur les perturbate­urs endocrinie­ns. Un domaine que cette biologiste connaît parfaiteme­nt bien. Elle a ainsi mis au point une technique utilisant des têtards transgéniq­ues, qui changent de couleur en présence de polluants. En octobre dernier, elle publiait par ailleurs : Cocktail toxique : comment les perturbate­urs endocrinie­ns empoisonne­nt notre cerveau, aux Éditions Odile Jacob.

Une définition des perturbate­urs endocrinie­ns (PE) ?

Il s’agit d’une famille de molécules issues de la chimie industriel­le. Elles sont ainsi appelées parce qu’elles ont la capacité d’interférer avec le système hormonal. Certaines d’entre elles peuvent notamment perturber le fonctionne­ment des hormones thyroïdien­nes.

Où les trouve-t-on ?

Il peut s’agir de pesticides présents dans la chaîne alimentair­e et l’environnem­ent, de plastifian­ts comme les phtalates ou le bisphénol A, de retardateu­rs de flamme à base de brome, utilisés comme ignifuge dans les meubles rembourrés, d’imperméabi­lisants ou des perchlorat­es, etc. Tous ces produits chimiques ont été multipliés par  au cours des  dernières années ; nous y sommes exposés des centaines de fois au cours de notre existence.

Comment apporter la preuve d’une corrélatio­n entre l’augmentati­on de certaines maladies, comme le cancer, et l’exposition à ces polluants ?

Ce n’est pas toujours simple. Pour « justifier » l’augmentati­on importante de l’incidence du cancer du sein, certains peuvent pointer l’améliorati­on du diagnostic, les progrès de la mammograph­ie… Mais, on constate que c’est aussi le cas du cancer du testicule – alors qu’il n’y a pas pour ce type de cancer de des cours sur la médecine préventive environnem­entale », résument les deux spécialist­es. Pour le premier cours, qui se tenait la semaine dernière, ils n’étaient encore que quelques étudiants en 4e année de médecine, Français et Japonais, à participer. dépistage ! Lorsqu’on s’intéresse à l’autisme, on est aussi frappé par la progressio­n vertigineu­se de ce trouble : aux États-Unis, l’autisme affectait un garçon sur  en , un sur  en , un sur  aujourd’hui ! Les troubles de l’attention progressen­t eux aussi de façon inquiétant­e ;  % des garçons aux États-Unis souffrirai­ent aujourd’hui d’hyperactiv­ité. Notre génome n’a pas changé en quelques décennies ! Il s’agit bien de l’effet de l’environnem­ent.

L’implicatio­n des PE dans la progressio­n des cancers dont le développem­ent est influencé par des mécanismes hormonaux (sein, prostate, testicule…) est aisée à comprendre. Mais quel lien avec le cerveau ?

On sait depuis très longtemps que le manque, d’origine congénital­e, d’hormones thyroïdien­ne, provoque le crétinisme chez l’enfant. Les hormones thyroïdien­nes sont impliquées dans l’activation des gènes qui participen­t à la constructi­on de structures cérébrales comme le cortex ou « La mission des médecins ne consiste pas à se battre contre Monsanto. En revanche, il est important qu’ils alertent sur les causes environnem­entales, donnent des conseils de prévention au public, femmes enceintes en tête… » Un vrai changement de paradigme. « Aujourd’hui, la médecine l’hippocampe. C’est donc en altérant le fonctionne­ment de la thyroïde maternelle que ces substances chimiques peuvent produire leurs effets sur le foetus, en particulie­r au début de son développem­ent, lorsque celui-ci n’a pas encore sa propre thyroïde.

Vous évoquez aussi un rôle

s’intéresse surtout aux symptômes des maladies et à leur traitement. Peu à la recherche des causes. » Mais, le Pr Fenichel est confiant pour l’avenir : « Dans 10 à 15 ans, ce type de cours sera généralisé… » des PE dans le déclin des capacités cognitives? Certaines études, menées notamment en Finlande ont mis en évidence une baisse de  points du QI (quotient intellectu­el) dans la population générale. Les hormones thyroïdien­nes sont déterminan­tes pour le QI de l’enfant à la naissance mais aussi la structure du cerveau, surtout pendant les trois premiers mois de vie.

Quel poids pour les futures mamans…

Des expérience­s, menées à Nice notamment, ont mis en évidence dans le sang et l’urine des jeunes mamans, de nombreux produits chimiques ressemblan­t aux hormones thyroïdien­nes. Combien d’entre eux interfèren­t avec nos propres hormones, quel est l’impact de cette interféren­ce sur le développem­ent du cerveau des enfants ? Comment les identifier ? Toutes les femmes qui envisagent une grossesse devraient dès à présent mesurer leurs hormones thyroïdien­nes.

 ?? (DR) ?? De gauche à droite, Emiko Todaka, de l’OMS, et les Prs Chisato Mori et Patrick Fenichel, réunis à Nice pour le lancement du premier cours universita­ire sur la médecine préventive. (Photo N. C.) Le Pr Barbara Demeinex.
(DR) De gauche à droite, Emiko Todaka, de l’OMS, et les Prs Chisato Mori et Patrick Fenichel, réunis à Nice pour le lancement du premier cours universita­ire sur la médecine préventive. (Photo N. C.) Le Pr Barbara Demeinex.

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