Le Château de Crémat vient de changer de main Nice Des projets pour « faire du grand vin »
Au terme d’une liquidation judiciaire, ce domaine de 7 hectares de vigne à Bellet a été racheté par Daniel Derichebourg, P.-D.G. du groupe éponyme, spécialisé dans le recyclage
Ancré sur la colline de Bellet, le château de Crémat et son vignoble, l’un des fleurons de l’AOC, propriété depuis l’an 2000 du Néerlandais Cornelis Karmerbeek, vient de changer de main au terme d’une procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité. L’affaire s’est jouée, début décembre, à la barre du TGI de Grasse. Parmi les cinq solliciteurs, candidats à la reprise de la société civile d’exploitation agricole (SCEA) Château de Crémat, le tribunal a choisi Daniel Derichebourg, P.-D.G. du groupe éponyme, l’un des leaders mondiaux dans le recyclage des métaux et la collecte de déchets.
milliards d’euros de chiffre d’affaires
Créée en 1956 en région parisienne, cette affaire familiale spécialisée dans la collecte des ferrailles est devenue en un demi-siècle une société cotée en bourse, brassant plus de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. C’est en son nom propre, que Daniel Derichebourg, actuel P.-D.G. du groupe, s’est porté acquéreur. Et le tribunal a tranché en sa faveur. « Pour le château et le domaine de 7 hectares de vignes plantées, il a mis 9 M€ sur la table, quand d’autres ont en proposé 7,3 M€» souffle une source proche du dossier. « La candidature de M. Derichebourg « Continuer à produire des vins de qualité alors que notre grande maison était placée sous liquidation judiciaire a été une épreuve difficile. Sans aucun coup de fil de soutien des vignerons de Bellet », souffle Bruno Lutz, ex-cogérant nommé par le repreneur, directeur général de ce vignoble qu’il connaît bien. Une traversée du désert au goût amer pour les sept salariés de ce Domaine au bord de la faillite. Malgré les M€ d’investissements «pas toujours judicieux » effectués en quinze ans par l’ancien propriétaire «mal conseillé», le passif du Château atteint les M€. Qui sera épongé par le repreneur choisi par le TGI de Grasse. Mais pourquoi, cet homme d’affaires pesant plus de milliards d’euros s’intéresse-t-il à ce minuscule vignoble urbain ? Pour ce vaste château, fantaisie architecturale qui surplombe la baie des anges ? « Non, rigole Bruno Lutz, la valeur ce sont les hectares de terre en AOC, dont a été retenue par le tribunal parce qu’elle présentait les meilleures garanties pour assurer une pérennité du Domaine et le maintien de l’emploi » explique Me Xavier Huertas, administrateur judiciaire, chargé du dossier du Château de Crémat. Lui, s’est occupé de la procédure de sauvegarde, sont plantés de cépages niçois : du braquet, folle noire, grenache aux rolle et chardonneret. Un terroir dont s’est épris M. Derichebourg, passionné de vin qui possède un domaine dans le Bordelais. Ayant des sociétés dans le secteur de Carros, il est venu plus d’une fois au Château de Crémat pour visiter ses caves. » puis a mis en place et suivi la liquidation judiciaire du domaine, avec poursuite d’activité. Jusqu’au jugement.
« Apurer le passif et moderniser… »
Dans le vignoble de Bellet, l’annonce du nouveau propriétaire du Château de Crémat Creusées par les Romains, ces m de caves modernisées, parfois à l’excès, par son ancien propriétaire, constituent l’autre valeur sûre du Domaine. Avec une salle dédiée aux fûts en chêne pour l’élevage, une autre pour la vinification dans des cuves géantes en inox thermorégulées dont un tiers seulement est utilisé. a été bien accueillie, même si des questions se bousculent sur le repreneur. Sur sa passion pour la viticulture, ses intentions pour redresser le Domaine qui boit l’eau avec des comptes dans le rouge. « Cela fait partie des garanties exigées par le tribunal, explique Me Xavier Huertas. « Parce que le Château de Crémat n’est pas une usine à vin ! s’exclame Bruno Lutz. Avec ses à bouteilles par an, il est, en volume, le e producteur derrière le Château de Bellet et le Clos Saint-Vincent. » Un chai que le repreneur entend moderniser par l’ajout de cuves en chêne, comme autrefois. Pour Bruno Lutz qui a le nouveau propriétaire « très régulièrement au téléphone » , la feuille de route est tracée : « Faire du grand vin. Pour cela, il faut varier les techniques, faire un mix de tout pour ne pas uniformiser le goût, décryptet-il. Cela passe par des modifications par petites touches de la cave et du vignoble. » Sur les hectares du Domaine, sont exploités en culture bio. Pour l’instant. D’autres planches devraient l’être. « Il nous faut d’abord renouveler une partie du matériel. Car la terre, ici, c’est du poudingue, mélange de galets et de sable, dur à travailler. Tout cela sera mené à temps, pas à pas, en gardant les pieds sur terre. » Des investissements seront effectués par le propriétaire pour apurer le passif, moderniser le vignoble, tout en maintenant les sept emplois salariés. Tout cela a été prévu avec une enveloppe financière suffisante. » Daniel Derichebourg ne serait pas un nouveau venu dans la viticulture, puisqu’il possède, entre autres, un domaine dans le Bordelais. Président du syndicat des vignerons de l’AOC de Bellet, Gio Sergi se félicite de l’arrivée de sang neuf sur la colline de Bellet, plus petit vignoble urbain de France, l’un des plus anciens aussi. « Nous sommes neuf vignerons à faire vivre notre appellation. Or depuis plusieurs années, elle a baissé un peu en terme de réputation, pointe-t-il. Pour booster notre AOC, il faut être plusieurs leaders, afin de la faire connaître davantage des grandes tables françaises et internationales. » C’est seulement l’un des nombreux défis qui attend le repreneur du Château de Crémat.