« Regardez-nous, on existe »
Employés, amis, famille ou clients, ils étaient hier plus d’une centaine à répondre au cri du coeur lancé par le collectif de salariés des établissements privés des plages du Soleil
Allongés sur le sable. Comme morts. Tombés sous le coup du Décret plage, gisant sur les vestiges des établissements, les emplois perdus, les souvenirs envolés. Et tout ce que cela représente. Hier, c’était un cri du coeur, de détresse qui a résonné sur le sable de Golfe-Juan lancé par les professionnels du secteur. Parce que Tétou, Nounou et Vallauris Plage sont bien plus que des établissements. Ils sont leurs patrimoines. Leur histoire. Alors, ils ont décidé de le raconter, de le clamer haut et fort. Eux? Ce sont les patrons, les employés, les clients, la famille, les collègues de Juanles-Pins, les amis ou de simples habitants. Eux? Ce sont plus d’une centaine de personnes qui ont répondu à l’appel lancé par un collectif de salariés des établissements privés de la plage du Soleil, condamnés par le tribunal administratif de Nice à être démolis. « Je ne sais pas si cela va changer les choses. Mais au moins, on dit ce que l’on pense », lâche à la foule Florence, à l’origine de « cette manifestation pacifique ».
« Réveiller les consciences »
Par cette action, les anciens salariés veulent montrer qu’ils existent. Et qu’au-delà de la loi, il y a leurs emplois, leur vie. Et que la disparition des plages privées va impacter toute l’économie locale. « J’espère que cela va réveiller les consciences car beaucoup de personnes ne réalisent pas les conséquences de tout ça, assure Florence. Il faut que l’on continue de se battre. Car le combat n’est pas fini, il se poursuit… » Tôt, hier matin, les employés et les amis se sont rendus devant les établissements pour accrocher des banderoles. Leurs messages. « La loi c’est la loi mais au détriment de nos emplois », peuton notamment lire. Ou encore « Qui pense à nos emplois pense aussi à l’économie. » « Macron se bat pour les emplois, nous aussi… », lance avec ironie Frédéric Allieri à l’origine, avec Florence, du rassemblement. « Cela fait vingt ans que je bosse chez nous Nounou. C’est la moitié de ma vie. On ne tient pas compte des employés, c’est déplorable. C’est pour cela que l’on se réunit aujourd’hui. Pour interpeller les gens. » Tee-shirt noir sur les épaules, Ridha est maraîcher à Golfe-Juan (Les fruits et légumes de Camelia). Lui aussi est impacté par la démolition des plages. Solidaire, il est venu donner un coup de main. « Tous les jours, je livre le restaurant. Mon chiffre d’affaires va s’en ressentir forcément. Oui, je suis inquiet, cela va être un manque à gagner important. Ces plages nous font travailler! Je ne comprends pas pourquoi l’Etat fait ça! » « Près de soixante employés vont se retrouver au chômage. Et 250 indirectement », s’emporte Eric Alain de Vallauris Plage. À côté de lui Yvan, 52 ans, chef de cuisine depuis un an et des cernes sous les yeux. « Ici, j’avais un emploi saisonnier et j’étais logé. En février, je vais dormir dans ma voiture… Je suis très inquiet. Mais de voir toutes ces personnes venir nous soutenir. Cela donne un peu d’espoir. »
« Ce n’est pas notre dernier cri »
Après la décision du Tribunal administratif de Nice en octobre dernier de les condamner à démolir, les plagistes ont fait appel de la décision et ont déposé un référé-suspension. Selon la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), les trois établissements doivent être démolis début février. Le 15 janvier, les serrures ont été changées. Une opération qui a été constatée par un huissier et le permis de démolition, délivré par la Ville, placardé. Une attitude « cavalière » qui énerve Danièle Missud, propriétaire de Vallauris Plage .« On nous met dehors alors que la procédure n’est pas terminée. On ne comprend pas la volonté de l’Etat de nous détruire ! » Fatiguée par quatre ans de combat, Danièle Missud, à l’image des autres ne compte pas pour autant baisser les bras. « Aujourd’hui, ce n’est pas le dernier cri du condamné. Il y en aura d’autres. On n’a pas fini de se battre. »