Rue d’Antibes : du chemin de terre à l’ancienne RN 7
Retrouvez chaque samedi notre rubrique « Résurgences ». Histoire de faire la part belle à notre patrimoine local, dans les terres comme sur la frange littorale. Patrimoine historique si riche et souvent trop bien caché. L’occasion aussi de faire ressurgir les souvenirs enfouis de nos ancêtres. Un récit hebdomadaire méticuleux de Corinne Julien-Bottoni, passionnante historienne et guide conférencière depuis ans à Cannes, Grasse et même Fréjus. Un rendez-vous agrémenté de clichés anciens présentés en miroir avec une photo du site actuel.
Du Moyen-Âge à la fin de l’AncienRégime, la rue d’Antibes n’était qu’un chemin sablonneux parsemé d’ornières. Impraticable par temps de pluie, l’endroit devenait en été, une piste caillouteuse nimbée de nuages de poussière quand chevaux et pataches l’empruntaient. Au début du XIXe siècle, la voie prit le nom de Route Impériale 97, un axe important pour l’époque, qui reliait Cannes à Toulon. Les abords de ce grand chemin étaient entièrement déserts, et seuls, des champs marécageux et des dunes le longeaient.
Cinquante centimes le mètre carré !
Parallèle à la Croisette, la sente s’étirait d’abord de l’avenue Félix-Faure à l’actuelle rue des Etats-Unis. Il fallut attendre le milieu du XIXe siècle pour que le secteur commençât à s’urbaniser progressivement. La municipalité entreprit alors de paver la route pour faciliter une circulation qui s’intensifiait de jour en jour. En 1852, le nouvel axe s’étendait sur un kilomètre environ. Des immeubles composés de deux étages commencèrent à s’élever de part et d’autre de la rue qui se fondit alors dans le parcellaire urbain, sous le vocable de rue d’Antibes. De nouveau prolongée, elle atteignit in fine le pont des Gabres, érigé à l’orée du siècle dernier, pour remplacer le passage à niveau de 1863. Les terrains sablonneux se vendaient alors cinquante centimes le mètre carré ! Les autochtones qui trouvaient le sol inculte, assuraient que rien ne pouvait y pousser, à part de petits roseaux, les « pitchoun canèu» et quelques pauvres plantes.
Une envolée sous la Troisième République
Avec l’arrivée de riches hivernants, la rue d’Antibes se para de luxueuses demeures, de magasins et d’établissements bancaires. Très passante et commerçante, son essor devint particulièrement sensible sous la Troisième République. A la veille du premier conflit mondial, l’habitat se déployait déjà de part et d’autre de la chaussée, jusqu’au pont des Gabres. De somptueux négoces choisirent de s’y installer, pour répondre aux besoins d’une clientèle cossue qui recherchait nombre de produits luxueux. Maroquiniers, orfèvres, bonneteries, chemiseries, parfumeurs et autres salons de thé se multiplièrent durant cette période. Dès 1863, un service d’omnibus à chevaux desservit les immeubles d’habitation et les différentes échoppes. La confiserie Nègre, dont la fabrique se trouvait à Grasse, créa en 1865, au numéro vingt de la rue, une belle succursale qui reçut de 1880 à 1910, les têtes couronnées du monde entier. On trouvait sur les étals du salon de thé, des violettes et des grains de mimosa en sucre, des chocolats, des liqueurs et autres douceurs qui faisaient la joie des visiteurs. La célèbre nationale 7 dont Charles Trenet avait tant vanté les charmes, suivait le tracé de la rue d’Antibes. Aujourd’hui, la rue a conservé sa vocation commerciale et ses élégantes vitrines attirent toujours le regard des passants. Avec la Croisette, elle demeure un des fleurons incontournables de la cité des Festivals.