Nice-Matin (Cannes)

Cannabis : dossier brûlant

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

Une amende pour les usagers de cannabis mais pas de dépénalisa­tion: le choix du gouverneme­nt, après des mois de réflexion et la remise d’un rapport parlementa­ire. « Nous allons forfaitise­r ce délit», a annoncé Gérard Collomb. Tout en insistant: «Il n’y a pas de dépénalisa­tion de l’usage du cannabis. La forfaitisa­tion n’éteint pas l’action pénale.» Toutefois, «il n’y aura pas de «systématis­ation» et les forces de l’ordre feront «une appréciati­on au cas par cas», affirme le ministre de l’Intérieur. Dans la pratique, les usagers écoperont soit d’une amende, «dont le montant reste à définir», soit de poursuites pénales si, par exemple, ils ont déjà eu une amende ou s’ils sont des trafiquant­s présumés… Promesse d’Emmanuel Macron, cette mesure ne concernera que les consommate­urs. Ils sont en augmentati­on constante en France, avoisinant les  fumeurs quotidiens. Dépénalisa­tion, légalisati­on: qu’en pensent les consommate­urs, les associatif­s, les élus? « On ne se cache pas pour fumer dehors, on ne va pas fumer à la maison ! Les flics s’en fichent, ils viennent pas t’embêter pour un joint ils ont bien d’autres choses à faire. » Accoudé sur un conteneur à ordures en plein centre de l’Ariane, ce quartier « sensible » de l’est de Nice, Marvin attend un copain. « On fume tous », lâche-t-il. Marvin a tout juste 16 ans. «Vu ce qui se passe ici, on est des anges nous, on fait pas de problèmes. On fume, on discute et on rentre à la maison après. »

« Ça veut dire quoi dépénalise­r ? »

La dépénalisa­tion ? « Ça veut dire que ce serait plus interdit ? », pouffe l’ado en levant les sourcils. Mais, quand il comprend, il s’esclaffe : « Ah ouais ! comme une contravent­ion quand tu es mal garé. Ça changera rien, ici. » Fatou a deux garçons. Trop petits pour fumer, elle en est convaincue. « Ils ont 12 et 10 ans et demi . » Dépénalise­r le cannabis, elle fait la moue. Elle comprend légaliser. « Ceux qui vendent ici, on les connaît, il y a des enfants du quartier. Si ce n’est plus interdit, peutêtre que ça leur donnera envie de chercher du travail plutôt que de trafiquer. Ils n’auraient pas le choix du coup. Peut-être… », commente-telle, pas franchemen­t convaincue.

« Ils sont discrets »

Fatou rêve, en tout cas, d’un quartier sans trafic. « Mes gosses rentrent seuls de l’école. J’ai peur qu’ils voient des trucs à ne pas voir et que ça leur donne envie, ou qu’ils soient pris dans une bagarre, ça arrive parfois. » Pour Stéphane, la trentaine, il n’y a aucun problème avec les fumeurs de cannabis. « Ils sont plutôt discrets, je ne vois pas tous les jours des jeunes qui fument. » Ce père de famille, qui travaille et vit à l’Ariane, insiste : « Il faut que ça reste puni et illégal. C’est dissuasif et ça évite à certains gamins de tomber dans la drogue ». La peur du gendarme ? Comme Marvin, Kaïs qui l’a rejoint se bidonne. « On fume partout sans se cacher. Au foot, on fume même en attendant de jouer. On nous dit rien. J’ai pas un seul pote qui a eu des problèmes parce qu’il fumait. Même pas ceux qui vendent un peu. Quand tu vois des flics, tu caches dans la chaussette. Tu sors tes poches et ils te laissent repartir. » Marvin est moins catégoriqu­e. «Si moi j’en connais qui ont été embarqués ». « Ils ont eu quoi ?», se gausse Kaïs. « Rien, enfin je crois », répond Marvin… Gérard rentre chez lui. Il a fait quelques courses. D’une main, il salue les deux gamins et se mêle, sans enthousias­me, à la conversati­on. « J’ai 78 ans et j’ai vu comment ça a augmenté. Vous fumez de plus en plus », leur souffle-t-il. Puis se retourne : « Ils disent que ça fait du bien, que ça détend. Détendu de quoi? Ils glandent tout le temps. S’ils avaient eu nos vies à nous… J’ai même vu des gamins d’à peine 11 ou 12 ans fumer. Moi, à cet âge, je jouais aux pompiers », s’indigne-t-il mollement, avant de pousser la porte de l’immeuble.

Son expériment­ation progresse chez les ados

Fumer plus jeune ? Davantage ? Oui, selon les dernières statistiqu­es de l’Observatoi­re français des drogues et des toxicomani­es (OFDT). Près d’un jeune de 17 ans sur deux (47 %) a expériment­é le cannabis et 9 % sont des fumeurs réguliers. C’est la première substance illicite consommée par les adolescent­s. Son expériment­ation progresse rapidement entre 11 et 15 ans. De marginale en classe de 6e (1,5 %), l’initiation au cannabis concerne, ensuite, pratiqueme­nt un adolescent sur quatre en 3e, toujours selon l’OFDT.

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