Le Carnaval de Nice est enfin roi de l’espace
Désormais les chars sont construits dans deux hangars dont un de 14 000 m2. Plus de place pour les carnavaliers qui mettent la dernière main au «Roi de l’espace» et à ses sujets
La conquête de l’espace. Durant des lustres, les acteurs du carnaval, carnavaliers en tête, l’ont souhaitée. Réclamée. Pendant des décennies, ils furent à des années-lumière de ce bien-être légitime. Et voilà que ce Graal, semble tout d’un coup, à portée de main. Entre la maison du carnaval, à Richelmi et la halle Spada, rue Denis-Séméria, carnaval peut vraiment s’appeler cette année «Roi de l’espace». Ce qui n’empêche pas la concentration des dernières semaines. Car Sa Majesté est sur la rampe de lancement. Prêt à s’envoyer en l’air durant quinze jours, du 17 février au 3 mars. Dans le hangar de Riquier, incroyablement aéré, Jean-Pierre Povigna évolue entre systèmes hydrauliques, ferraille, mousse fraîchement collée. «C’est mon 67e carnaval», murmure pensif, ce pilier de la fête niçoise. Il en a vu passer des cortèges. Il en a conçu des chars extraordinaires. Même si ses fils, Gilles et Pierre, l’assistent, le roi, c’est encore lui qui s’y colle. Il nous le présente version maquette papier, car le monarque n’est pas encore sur orbite. «Un roi astronaute, chevauchant une fusée à tête d’aigle niçois.» Casque ou couronne? «Les deux. La couronne sur le casque.» Au mur défilent les autres dessins. La reine, habillée de planètes et d’étoiles astrologiques. Carnavalon chevauchant un pan-bagnat, grand pas pour l’humanité gourmande. Les frères Bogdanoff en aliens. Le couple Macron, duo de toupies. Trump transformant le Coréen Kim Jong Un en homme canon. Galilée, Laïka, cinéma interstellaire de Méliès à Lucas… Ça vole haut. Au fond du hangar, Cédric Pignataro et son équipe s’activent sur les fondements de leurs trois chars encore embryonnaires. Nice tourisme universel dans sa soucoupe volante, Le trou noir gobant tous les déchets cosmiques, La planète des singes revisitée. On prend des mesures. On s’étale. On peut. Il y a toute la place qu’on veut.
Vide sidéral
À quelques encablures de là, c’est carrément le vide sidéral. Les carnavaliers se sont approprié une partie de la friche de 14000 m2. Les frères Povigna ont retrouvé une sérénité. «Ici, on fabrique tout en pièces détachées, mises sur des plateformes. Lorsque la motorisation et le début de l’habillage sont terminés, on part à Richelmi, où les sujets sont peints et les assemblages réalisés.» Spada? «C’est l’Ikéa niçois. Le carnaval en kit», commente Gilles Povigna. C’est surtout la terre promise. Françoise et les couturières des chars carnavalesques revivent. Jadis dans un cagibi, au premier étage de Richelmi. Désormais, sur un niveau immense et clair, fédérant une salle de stockage pour les rouleaux de tissu, une autre pour les tenues des mannequins colossaux et une pièce démente, où trône une table de plus de 10 mètres de long. Autrement plus adaptée à la tenue du roi. Car le souverain avoisine les 20 mètres d’altitude. Son vêtement n’en finit plus en longueur comme en largeur. Maintenant, il se confectionne d’un seul tenant. Autrefois, dans le cratère de Richelmi, c’était en petits morceaux. L’infini spatial ouvre d’autres horizons…