Nice-Matin (Cannes)

Tout ce que nous croyons savoir sur le mimosa...

...Et que nous ignorons. Du moins, la plupart d’entre nous. Entre méconnaiss­ance et idées reçues, les pompons jaunes de l’Estérel livrent leurs secrets grâce à la naturalist­e Marjorie Ughetto

- N. PASCAL npascal@nicematin.fr

Non, le mimosa n’est pas «de chez nous».

On a l’habitude d’en voir. Depuis tellement longtemps qu’il fait partie intégrante du décor de la Côte d’Azur. Au même titre que le palmier – «tiens, justement lui aussi n’est pas natif d’Europe, sauf le palmier nain ». Et pourtant, le mimosa que l’on a par ici n’est pas originaire d’ici… « Beaucoup de gens sont nés avec, et pensent alors à tort que ce n’est pas une plante dite exotique », explique Marjorie Ughetto, guide naturalist­e dans l’Est-Var. Alors, d’où vient-il? « L’acacia argenté, l’acacia des mimosistes, celui que l’on va appeler de la Côte d’Azur, est une espèce qui nous arrive d’Australie. Son nom scientifiq­ue est l’acacia dealbata. Notre paysage est magnifique­ment décoré l’hiver par une espèce d’origine australien­ne. Ce que les gens d’ici aiment le plus l’hiver, c’est une plante étrangère ! » Plutôt cocasse. D’ailleurs, « nos paysages sont riches d’espèces exotiques à un point que nos plats provençaux préférés, comme la ratatouill­e, contiennen­t surtout des aliments d’origine exotique (tomate du Mexique, aubergine d’Inde, basilic d’Asie ou d’Afrique, etc.) »

Oui, le mimosa est en plein « jet lag ».

L’acacia dealbata, australien? Il a la tête à l’envers ? Non, mais il se croit toujours dans l’hémisphère Sud ! « En effet, il fleurit l’hiver car là-bas, c’est l’été. Depuis qu’il a voyagé, il n’a pas pris le temps de changer son rythme vital, et continue à fleurir à la même saison : il a gardé son cycle annuel de développem­ent. » Après aussi longtemps (1), le voilà toujours en « jet lag », c’est-à-dire en français en décalage horaire, si l’on peut dire !

Mimosa, acacia… C’est quoi la différence ?

En voilà une question qui est comme l’acacia : épineuse (2). « Ce que les gens appellent mimosa, c’est l’acacia. Et ce qu’ils appellent acacia, c’est le robinier faux-acacia! Ce qu’on devrait appeler mimosa, c’est la sensitive… » Mimosa est finalement un mot fourre-tout ? « Oui, un peu comme chez nous en Provence avec le mot genêt. Les gens confondent le genêt d’Espagne, plante gazonnante, très épineuse, que l’on a dans l’Estérel et qui fait des fleurs jaunes, avec une autre plante de la famille du mimosa, qui fait des tiges en forme de jonc, appelé spartium junceum, que l’on doit appeler spartier à tiges de jonc. Des noms ont été tellement «vulgarisés» qu’ils en deviennent faux, s’éloignant de l’acception scientifiq­ue. Bizarre! Comme le faux-acacia et l’acacia (lire ci-dessous). »

Oui, le mimosa est qualifié d’envahissan­t.

Il est beau, il sent bon… Mais il en prend, de la place! « Le mimosa s’est rapidement acclimaté à la région. Très vite, il n’a pas trouvé d’obstacle. À partir de là, on a le droit de le qualifier d’envahissan­t. Le mimosa fabrique de nombreuses racines (profondes, traçantes, drageonnan­tes) et il a une grande capacité à produire de nombreuses graines. La seule chose qu’il craint chez nous, c’est le gel durable, les incendies et quelques maladies. » Et c’est plutôt gênant pour la biodiversi­té : « Quand cette espèce s’installe dans un vallon où il y avait déjà toute une flore adaptée, lui va petit à petit prendre la place, rapidement. Il va faire de l’ombre. Au bout de ses racines, des poils envoient des jus pour dégrader la roche, pour capter certains minéraux : il modifie chimiqueme­nt une partie du sol. En faisant cela, les plantes qui étaient là avant, finissent par disparaîtr­e. Cela va assez vite… La biodiversi­té chute. » Les massifs des Maures, du Tanneron ou de l’Estérel n’échappent pas à la règle. « On dirait que le mimosa prend le sens contraire du ruissellem­ent de l’eau. Dans les vallons, il est capable de “remonter” les pentes… Depuis des villas, des mimosas se sont “échappé” des jardins. C’est comme ça qu’il est arrivé dans l’Estérel, depuis les jardins sur la côte. » Comme si les racines s’accrochaie­nt et qu’il escaladait ! 1. Importé en France depuis l’Australie au début du XIXe siècle. La floraison du mimosa a été observée pour la première fois en 1842. 2. Le nom acacia vient du mot grec akis signifiant pointe ou épine.

 ?? (Photos A. Lebel) ?? « Ce que les gens appellent mimosa, c’est l’acacia. Et ce qu’ils appellent acacia, c’est le robinier faux-acacia. Ce qu’on devrait appeler mimosa, c’est la sensitive », résume-t-elle.
(Photos A. Lebel) « Ce que les gens appellent mimosa, c’est l’acacia. Et ce qu’ils appellent acacia, c’est le robinier faux-acacia. Ce qu’on devrait appeler mimosa, c’est la sensitive », résume-t-elle.

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