Nice-Matin (Cannes)

Jean-Pierre Leleux, l’âme vagabonde «Tout va trop vite»

L’actuel sénateur LR et ancien maire de Grasse a beaucoup bourlingué. Il écrit aussi des chansons et s’investit dans la défense du patrimoine vivant grassois

- THIERRY PRUDHON

Derrière son allure d’honorable sénateur cravaté et désormais chenu, Jean-Pierre Leleux cache bien son jeu. L’homme est bohème, il a l’âme vagabonde. À la fin de ses études et sa vie durant, il a sillonné le vaste monde, lancé dans des road trips de plusieurs mois, façon 4L et camping de fortune. Entre dix-huit et vingt-cinq ans, il a ainsi parcouru l’Asie, l’Afrique et l’Amérique du Sud. Des voyages de sept mois par-ci, trois mois par-là qui, au départ de Grasse, l’ont conduit jusqu’en Inde en passant par l’Afghanista­n et le Kaboul d’alors dont il garde un souvenir ému: «Les gens dégageaien­t une formidable joie de vivre. Ils vendaient trois fruits et ensuite ils jouissaien­t de l’existence. Un total contraste avec le fatalisme que j’ai ensuite découvert en Inde…»

Devenu maire de Grasse, il traduira son ouverture au monde dans une action de développem­ent en faveur de la commune de Legmoin, au Burkina Faso. Les voyages sont sa première boussole. La musique est la deuxième. Jouant de la guitare depuis l’adolescenc­e, M. le sénateur compose et écrit des chansons. Il a même déposé une cinquantai­ne de titres à la Sacem. «J’adore ça, j’ai toujours ma guitare dans mon bureau. En sept ou huit strophes, j’essaie de raconter une histoire, en m’inspirant de Jean-Pierre Leleux l’assume. Il est un homme politique un peu vieille école, hors d’âge, « atypique et anachroniq­ue » pour le dire avec ses mots. Il se sent en décalage avec un monde politique où « on fait d’abord pour communique­r et se valoriser soi-même, dans une agitation permanente. Moi, j’aime les choses qui sont bien faites, en prenant le temps. Aujourd’hui, tout va trop vite ». était l’homme qu’il fallait pour redresser la France. C’est quelqu’un d’assez fermé, mais nous avions besoin d’un Président, pas d’un copain qui vous tape sur l’épaule. » Brel et Brassens, qui ont imprégné ma génération. » Sa troisième balise, c’est évidemment Grasse. Il y est arrivé à l’âge de cinq ans, en provenance du Nord où ses parents (papa ardennais et maman belge) tenaient un atelier de vêtements. «Ils sont venus à Grasse pour remédier à l’asthme sévère dont souffrait mon père. Le climat a fait son oeuvre, il n’a plus jamais eu de crise. » Ses parents ont ouvert une épicerie-boulangeri­e dans le quartier de Saint-Jacques. « La moitié des gens parlaient encore le patois. Mon père, avec ses lunettes d’écaille, et ma mère, portant beau le chignon, ont d’abord été regardés comme des curiosités. »

Mais très vite, Jean-Pierre, à l’instar de ses deux soeurs aînées, va savourer son enfance dans une longue inspiratio­n. «Je restais des heures à observer ces champs qui passaient du blanc au vert sous l’effet d’une rangée de femmes courbées, panier à la taille ou tablier retroussé. De leurs doigts agiles, elles cliquetaie­nt les fleurs une à une, sans en altérer la superbe fragilité. Cette odeur m’enivrait. » Aujourd’hui, il porte à bout de bras le projet visant à faire inscrire par l’Unesco « les savoir-faire liés au parfum en Pays de Grasse » au Patrimoine culturel immatériel de l’Humanité, comme un précieux héritage commun. À l’issue d’un long processus entamé en 2008, ce pourrait être chose faite en fin d’année. Après une enfance imprégnée aussi par le scoutisme et le judo (il fut à 16 ans la plus jeune ceinture noire de France), des études en classes préparatoi­res maths sup et maths spé à Nice, une école d’ingénieur à Nantes et un service militaire en Tunisie, Jean-Pierre Leleux est arrivé à la politique au gré des hasards de la vie. Ayant dirigé le Centre internatio­nal de Grasse, il fait en 1983 son entrée au conseil municipal, alors dirigé par Hervé de Fontmichel. En 1995, sous l’étiquette RPF, il se présente contre son ancien mentor et le bat, ce qui lui vaut un temps d’être taxé de «Brutus».

Il raconte: «J’étais très proche d’Hervé de Fontmichel, je l’admirais, mais il avait une conception très personnell­e de la gestion communale. C’était ‘‘sa’’ ville. L’usure avait commencé à faire son oeuvre. Un an avant les municipale­s, lucide, il m’avait annoncé qu’il me céderait la place. Mais le moment venu, il a décidé de repartir. Je lui ai dit que je m’étais engagé et que j’irais moi aussi jusqu’au bout. » Jean-Pierre Leleux a retenu la leçon. En 2014, lui a promu son jeune lieutenant Jérôme Viaud. «Après dix-neuf ans comme maire, j’ai pris conscience du besoin de donner à la ville un ballon d’oxygène en régénérant les équipes. Trois mandats de maire, c’est l’idéal. Un de plus aurait été de trop.»

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Jean-Pierre Leleux dans sa chère ville de Grasse. Lors de la primaire de la droite, il fut un soutien de la première heure de François Fillon, alors très bas dans les sondages. Il ne le regrette pas. « Je pensais qu’il
 ??  ?? Une enfance scoutiste, ici en  (il est le premier rang, en partant de la droite). A Legmoin au Burkina Faso, en . Avec François, en . Entouré de ses enfants et petits-enfants. e au A un col frontière entre le Chili et l’Argentine, en ....
Une enfance scoutiste, ici en  (il est le premier rang, en partant de la droite). A Legmoin au Burkina Faso, en . Avec François, en . Entouré de ses enfants et petits-enfants. e au A un col frontière entre le Chili et l’Argentine, en ....
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