Nice-Matin (Cannes)

Le poids du mensonge

- de PATRICE MAGGIO Directeur adjoint des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

Il s’était enfermé dans une cage de mensonges. Des paroisses épaisses et lisses, résistant pendant des mois à tous les interrogat­oires. Au point de semer le doute dans l’esprit de certains témoins qui soutenaien­t cette semaine avoir croisé Maëlys, après le départ de Nordahl Lelandais, le soir de sa disparitio­n. Et puis une microgoutt­e de sang est apparue dans l’enquête. En une après-midi, le système de défense s’est écroulé. La vérité a jailli. Maigre consolatio­n. Si la souffrance se mesurait au gramme, de quel poids a-t-il allégé celle des parents, en avouant, enfin? Dix grammes? Un kilo? Certes, le mensonge n’est plus là (ou commence à s’éloigner), mais reste la disparitio­n, le meurtre, la mort, l’absence. Avant Nordahl Lelandais, un autre menteur avéré-meurtrier présumé a récemment défrayé la chronique en choisissan­t cette stratégie de l’esquive : Jonathann Daval n’était-il pas touchant lorsqu’il pleurait à chaudes larmes

sur Alexia, sa bien aimée, improvisan­t la scène du compagnon éploré à chaque mouvement de caméra des chaînes d’informatio­n en continu. Les tribunaux regorgent de ces hommes, de ces femmes, qui ajoutent à leur faute, des plus vénielles aux plus impardonna­bles, le sacrifice de la vérité. Sans que l’on sache toujours, sans que l’on sache vraiment, si c’est pour échapper à la justice ou au reflet dans leur miroir. Pourquoi cela nous met-il autant en colère ? Parce qu’ils refusent d’assumer leurs actes ? Probableme­nt. Plus sûrement, sommesnous blessés d’avoir été bernés, incapables d’avoir décelé dans leur regard, dans leur voix, l’ombre de ces mensonges qui pourrissen­t tout, font douter de tout, et pas seulement dans la rubrique des faits divers. En s’enferrant dans le déni, Nordahl Lelandais a perdu tout crédit. Sa parole ne vaut plus rien. Ses excuses sont couchées sur du papier démonétisé. Et par un effet pervers, il réveille l’espoir des familles des victimes qu’il aurait pu croiser. Puisqu’il sait si bien mentir, se disent-elles, n’est-il pas un émule de Francis Heaulme, ce routard du crime resté si souvent silencieux – une variante du mensonge – face aux tribunaux qui l’ont condamné ? La famille de Maëlys attend, elle, des aveux rapides, complets et circonstan­ciés. Le chagrin restera. Mais le deuil sera moins difficile, peut-être.

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