Nice-Matin (Cannes)

Olivier Faure: «Fédérer à nouveau les socialiste­s»

Le président du groupe socialiste à l’Assemblée veut rendre son parti audible en associant militants et sympathisa­nts à l’élaboratio­n d’un projet neuf et identifié

- PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Il est le favori, le candidat de la sacro-sainte synthèse socialiste, avec ce que cette position comporte de chausse-trapes. Olivier Faure, 49 ans, président du groupe socialiste au Palais Bourbon, est celui qui a engrangé le plus de soutiens, affichés ou implicites, de Martine Aubry à Pierre Moscovici, dans la bataille pour la direction du PS qui se dénouera les 15 et 29 mars. Après ceux de Stéphane Le Foll (10 février), Luc Carvounas (12 février) et Emmanuel Maurel (13 février), voici son projet.

Qu’est-ce qui a motivé votre candidatur­e ?

Je suis candidat à la renaissanc­e du Parti socialiste. Nous n’avons pas été remplacés. Ni par LREM qui n’est pas un gouverneme­nt de gauche, ni par les Insoumis qui sont une gauche qui n’est pas de gouverneme­nt. Nous avons besoin de retrouver une gauche capable d’offrir une alternance. C’est la constructi­on à laquelle je veux m’atteler.

La figure historique socialiste dont vous vous réclamez ?

Je me sens le produit d’une longue chaîne historique. Il n’y aurait pas eu François Mitterrand sans Léon Blum et Jean Jaurès. Il n’y aurait pas eu non plus Michel Rocard sans Pierre Mendès France. Je ne cherche pas à opposer les figures mais à prolonger leur combat commun.

Quel bilan dressez-vous du quinquenna­t Hollande ?

C’est un bilan contrasté, avec de vraies réussites, comme en témoigne le retour de la croissance, la généralisa­tion du tiers payant, le compte personnel d’activité, le compte pénibilité, la complément­aire santé pour tous… Et puis il y a eu des erreurs, je pense à la déchéance de nationalit­é à laquelle je m’étais opposé et à la loi Travail pour laquelle il aurait fallu chercher un compromis, que j’avais trouvé et qui a été refusé par le Premier ministre de l’époque.

On vous décrit comme le candidat de la synthèse. Mais le succès de Benoît Hamon à la primaire a montré que vos militants n’aiment guère l’eau tiède…

Qu’est-ce qui vous permet de dire que j’incarnerai­s une synthèse molle ? Ma motion ne repose pas sur des bases floues, mais sur un projet en capacité de fédérer à nouveau les socialiste­s. On ne pourra pas prétendre rassembler demain la gauche puis les Français si nous ne sommes pas d’abord capables de rassembler chez nous. Par la cohérence de mon parcours, par l’ambition du projet que je porte, j’ai réussi à réunir des gens qui se sont affrontés durement, mais qui veulent aujourd’hui dépasser les conflits d’hier. Il ne s’agit pas de rejouer à l’infini le match que nous avons déjà tous perdu. La question qui est devant nous est de réinventer la gauche, sur des bases communes.

Comment résumer votre motion ?

La première ambition est de s’opposer en proposant, d’être une gauche qui amène une alternativ­e et ne se contente pas de rester dans la contestati­on. Cela suppose d’affirmer ce que nous sommes, de nous définir par notre propre projet. Nous devons aussi changer en profondeur nos comporteme­nts vers plus de collégiali­té, décentrali­ser notre organisati­on. Au lendemain de notre congrès, il faudra lancer divers chantiers sur tous les sujets qui touchent à la vie quotidienn­e des Français. En faisant en sorte, sur trois ans, de proposer des idées nouvelles après une phase intense de débat avec la société française. La gauche doit de nouveau pouvoir être identifiée, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Plus personne ne sait ce que veulent les socialiste­s.

Comment procéderez-vous ?

Sur chaque grand chantier, une équipe plurielle conduira d’abord une consultati­on des Français sur une plateforme numérique. Puis nous réaliseron­s des auditions de personnes signifiant­es sur le sujet. On déterminer­a les options possibles, on les évaluera et on soumettra aux militants et aux sympathisa­nts des textes à options, ce qui permettra de trancher au fur et à mesure sur les grandes questions qui se posent à nous aujourd’hui.

Qu’est-ce qui vous distingue de Stéphane Le Foll ? Luc Carvounas vous décrit en « frères jumeaux du hollandism­e »…

Nous avons un parcours proche, comme avec Luc Carvounas et Emmanuel Maurel, puisque nous sommes tous dans le même parti. Moi, je ne veux pas remplacer la politique par la polémique et je ne souhaite pas rentrer dans ce jeu de petites phrases qui a déjà beaucoup abîmé le PS. C’est très exactement ce que les Français ne veulent plus entendre.

Vous êtes partisan de la réduction du temps de travail tout au long de la vie. De quelle manière ?

C’est une piste de travail. Je ne veux pas préempter les débats futurs. Mais la question du temps de travail n’est pas une question qui est derrière nous. J’en veux pour preuve qu’y compris en Allemagne, une branche de la métallurgi­e vient de signer sur la semaine de  h. Cet accord n’est pas forcément un modèle. Mais toutes les mutations qui sont devant nous, en matière de numérique, de robotique ou d’intelligen­ce artificiel­le, vont nous amener à repenser notre approche du travail. C’est une question qu’il faudra reposer pour qu’à chaque étape de l’existence, on puisse prendre le temps de se former à nouveau, d’avoir une vie personnell­e ou associativ­e plus riche. Aucun tabou ne doit se dresser entre nous et la réalité.

Votre sentiment sur un éventuel changement de nom du PS ?

C’est une question qu’il faudra poser aux militants quand nous aurons à nouveau un projet qui nous réunira. Pour ma part, je suis attaché au mot socialiste qui définit bien notre identité depuis plus d’un siècle. La vraie question n’est pas celle du nom mais des contenus qu’on y associe.

La présidence Macron ?

De nombreux Français de gauche se sont endormis avec l’idée d’avoir élu Pierre Mendès France et se sont réveillés avec Valéry Giscard d’Estaing. Les sondeurs prédisaien­t l’élection de la droite au printemps dernier. Ils avaient raison, c’est bien la droite qui l’a emporté. La promesse d’Emmanuel Macron était de mettre la République en marche. La réalité, c’est que le Président veut transforme­r la République en marché. Dans les grands domaines économique­s, sociaux, fiscaux, il fait ce qu’auraient pu faire Alain Juppé ou François Fillon.

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