Nice-Matin (Cannes)

Questions à « Tous nos arbitres sont formés et suivis »

Gilles Ermani,

- ANTOINE DELGOULET

Les incidents de samedi dernier à La Lauvette, à Nice, qui mettraient en cause un jeune arbitre venu se faire justice lui-même avec une quinzaine d’agresseurs après avoir été critiqué par des parents lors d’un match de U, ont choqué les instances arbitrales du foot départemen­tal. Gilles Ermani, le président de la commission des arbitres du district de la Côte d’Azur, espère que ce cas isolé ne viendra pas ternir tout le travail de fond réalisé par son équipe depuis de nombreuses années. Entretien.

M. Ermani, comment jugez-vous ce qu’il s’est passé samedi ?

Je ne juge pas, j’ai un devoir de réserve sur cet événement a priori assez tragique vu la violence qui s’y est développée. Il semblerait qu’un arbitre du district soit concerné. C’est un coup de bâton sur l’image qu’on a donné sur la fonction d’arbitre jusqu’à présent. Depuis  ans que je fais partie de la commission des arbitres, je n’ai aucun souvenir d’un tel événement. Ce qui me gêne dans tout ça, c’est qu’on fait un travail de fond depuis de longues années, avec de superbes résultats, notamment chez les jeunes avec des réussites comme celles de Mathieu Vernice, qui arbitre en National , ou Ahmed Taleb, en National . Mais quand on lit dans la presse ce qu’il s’est passé samedi, on a comme un sentiment d’ingratitud­e. C’est terrible. C’est un peu comme si vous bâtissiez un bel immeuble pendant des années et qu’un séisme réduise tout à néant. Après, on sait aussi que c’est un cas isolé. Il ne doit pas tout remettre en cause.

Les arbitres sont régulièrem­ent pris à partie par le public. N’y a-t-il pas un ras-le-bol de la part des hommes en noir qui peut expliquer ce désir de « vengeance » ?

C’est évidemment une question qu’on se pose face aux réactions diverses et variées du public. Mais un arbitre, on le prépare et on le formate pour qu’il soit sourd à tout ce qui se dit à l’extérieur du terrain. Dès ses premiers pas dans l’arbitrage, il doit être capable d’occulter tout ce qui se dit à l’extérieur et ne pas en faire une affaire personnell­e ensuite. Rappelez-nous tout le travail

effectué par votre commission ?

Nous sommes  arbitres aujourd’hui en district alors qu’on n’était que  au début des années . Tous nos arbitres sont formés et suivis. Un candidat à l’arbitrage est formé pendant deux mois, il passe un examen théorique de bon niveau, des tests physiques et un entretien oral pour connaître sa motivation. Il signe également un code de déontologi­e. On lui fait faire des matchs d’entraîneme­nts avec les U, U et U de l’OGC Nice notamment. Ensuite, on le lance dans les catégories U et Ce jeune est un garçon d’une vingtaine d’années qui ne présentait aucun problème particulie­r, il était très discret. On ne recrute pas au hasard. Je suis très surpris, jamais je n’aurais pensé qu’un de mes arbitres se retrouve dans cette situation. Mais pour l’instant, je ne veux pas juger. J’attends de savoir ce qu’il s’est vraiment passé.

Cette affaire intervient alors que plusieurs arbitres ont été agressés depuis le début de la saison...

Nous en sommes déjà à la e ou e agression dont une femme qui a reçu des coups à Rocheville. La saison passée, il y a eu une quinzaine d’agressions physiques ou verbales. La commission de discipline prend les bonnes sanctions mais il est vrai que les conditions d’arbitrage sont de plus en plus difficiles. Je me demande comment on peut avoir autant de jeunes qui viennent suivre la formation d’arbitre.

Qu’est ce qui motive les jeunes à se tourner vers l’arbitrage quand on voit le contexte actuel ?

Souvent, ce sont des joueurs pas spécialeme­nt doués ballon au pied et motivés par leur club pour se tourner vers l’arbitrage. Il y a aussi l’intérêt financier. Un jeune de  ans qui reçoit une indemnité de  euros, c’est toujours valorisant. Mais s’il ne regarde que ça, il va dans le mur et il arrête au bout de quelques semaines. Car l’arbitrage demande de la rigueur, la connaissan­ce des lois du jeu, de préparer ses matchs, de faire ses rapports convenable­ment... Pour perdurer dans l’arbitrage, il faut être passionné.

Beaucoup d’arbitres jettent-ils l’éponge ?

Quand ça ne se passe pas très bien, les jeunes arrivent à faire une ou deux saisons mais dès qu’on les monte de catégorie, ça devient trop compliqué. Chaque saison, on perd ainsi entre  et  arbitres. Mais tous ne s’arrêtent pas pour des problèmes liés à l’arbitrage. On en récupère entre  et  nouveaux chaque année.

Pour vous, quelles sont les qualités principale­s d’un arbitre ?

Il doit surtout faire preuve de rigueur et d’humilité. Il ne doit pas jouer au cow-boy ou se prendre pour une star. Un bon arbitre, c’est celui qui sait se faire oublier.

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