Nice-Matin (Cannes)

«Si je vous demande de sauter par la fenêtre…»

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Nathalie : pouvez-vous hypnotiser une personne ne parlant pas français ?

Il y a plusieurs façons de se faire comprendre. Un malentenda­nt peut faire un focus sur les lèvres. Un étranger ne comprenant pas un mot de français peut recevoir des suggestion­s de façon indirecte. Et dans un groupe, on a tendance à s’adapter inconsciem­ment au mouvement général, rien qu’en ressentant ce qu’il se passe autour de soi. Une personne très réceptive peut capter l’intention, sans même saisir verbalemen­t ce que l’on propose. La télépathie, on peut penser que c’est de la foutaise. Mais j’ai eu dans ma vie tellement d’exemples de personnes qui faisaient ce que je m’apprêtais à leur demander sans même que j’aie eu le temps de le formuler, que j’y crois. J’ai d’ailleurs travaillé avec le CNRS, à Paris. Nous avons réussi à l’établir : un être humain peut se connecter à un autre. Un peu à l’image du bluetooth, en transféran­t non pas des données mais une pensée, une émotion. On continue les recherches pour réunir suffisamme­nt de preuves irréfutabl­es avant de divulguer un résultat. Jusqu’ici, le temps m’a manqué. Mon nouveau spectacle, Hypersenso­riel, que je présentera­i en juin à Toulon et à Nice (), me donnera un peu plus de liberté pour participer à ce genre de travaux.

Bérengère : tout le monde peut-il apprendre ?

Nous sommes tous capables de chanter, mais est-ce que nous chantons tous bien ? C’est un peu la même chose. Surtout, il ne faut pas douter de soi-même. Quand à sept ans comme moi, on découvre l’hypnose dans un livre, ça marche sur le copain parce qu’on y croit. Plus tard, devant une foule, ça continue de fonctionne­r. Dans toute ma vie, il y a eu trois soirs où j’ai manqué mon coup complèteme­nt. Parce que je manquais de conviction. C’est fini. Aujourd’hui, pour moi l’hypnose est une deuxième nature. Aucun trac, pas de stress. J’ai appris à me centrer. J’arrive sur scène, j’entre dans un état second et je m’adresse au subconscie­nt facilement. À chaque représenta­tion, le public me booste, me donne de l’énergie. C’est un rush d’adrénaline incroyable.

Nathalie : au casino, pourriez-vous suggérer au croupier de vous aider ?

On ne peut pas tricher sur la mécanique d’une roulette. En revanche, le croupier pourrait dire que la bille se trouve sur mon chiffre ou sur ma couleur, même si ce n’était pas le cas. Bon, ce n’est pas dans mes projets. Et je rappelle qu’au casino, il y a du public et des caméras…

Anthony : peut-on faire sous hypnose des choses contre notre volonté ?

Si, dans un état d’hypnose, je vous demande de sauter par la fenêtre, quelque chose surviendra qui vous poussera à vous protéger. Vous remonterez au conscient par vous-même. En fait, c’est un peu comme la nuit, quand on se réveille d’un coup pour sortir d’un cauchemar. Avec l’hypnose seulement, on ne peut pas contrôler tout un groupe. Un gourou peut y parvenir, mais en utilisant aussi des drogues, l’épuisement ou la privation de nourriture pour faire tomber les barrières dont nous disposons tous mentalemen­t. L’hypnose, c’est positif. On s’en sert pour faire du bien. Quand la situation devient trop pénible, ou moralement impossible, on bloque la suggestion. Par exemple, quand on voit des gens se déshabille­r sous hypnose, c’est qu’ils n’ont pas ce filtre. Un individu très pudique ne le fera jamais.

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