Nice-Matin (Cannes)

SIGNÉ ROSELYNE

La semaine de Roselyne Bachelot

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Mardi

Laurent Wauquiez n’avait pas d’autre choix que d’assumer les propos ahurissant­s de vulgarité et de violence qu’il avait tenus devant les élèves d’une école de commerce lyonnaise. L’interview qu’il a donnée ce soir sur une chaîne d’info devrait donc plutôt le servir auprès du coeur de cible de l’électorat LR, qui estime qu’on lui a volé la victoire présidenti­elle et ne rêve que plaies et bosses. Pour autant, la ligne de défense de Laurent Wauquiez montre des failles béantes qui laissent un sentiment de malaise aux plus indulgents et une franche répugnance aux plus avertis. Il assure « ne pas avoir de double langage » alors que précisémen­t il a assuré à son auditoire estudianti­n qu’il lui dirait une vérité qu’il ne tenait pas dans les médias officiels. Quel aveu terrible de duplicité ! Il admet ensuite ne regretter qu’une chose, avoir assuré que Nicolas Sarkozy mettait ses ministres sur écoute. Mais il ne nous dit pas l’essentiel : regrette-t-il d’avoir dit un mensonge ou d’avoir révélé un secret d’État ? Il est tout à fait regrettabl­e que l’interview n’ait pas poussé les feux sur ce sujet, car l’alternativ­e est simple: soit Wauquiez a menti et il est bien la grosse m… dénoncée en termes choisis par Sarkozy, rapportés par Le Canard enchaîné, ou bien il a des preuves et il s’agirait alors d’un effroyable scandale. Pour ma part, j’ai la certitude que la première hypothèse et son corollaire qualificat­if sont les bons. On peut aussi faire les mêmes observatio­ns sur deux allégation­s gravissime­s, l’accusation portée à Emmanuel Macron d’avoir monté une cellule de démolition contre François Fillon, d’autre part le fait qu’il serait détenteur d’éléments qui prouveraie­nt les comporteme­nts «inappropri­és» de Gérald Darmanin, allant même jusqu’à assurer que ce serait « Cahuzac à la puissance  ». Là encore, soit Wauquiez a des informatio­ns et il se doit de les mettre à la dispositio­n de la justice puisque dans les deux cas, des procédures judiciaire­s sont en cours, soit il a décidé de démolir ses adversaire­s de la façon la plus basse, la calomnie attentatoi­re à l’honneur, qu’on susurre en douce dans les oreilles complaisan­tes d’une opinion publique qu’on juge prompte à croire les escobarder­ies complotist­es. Il est vrai que ces méthodes ne sont pas nouvelles en politique, et Roger Salengro paya même cela de sa vie. Mais voir l’héritier du démocrate-chrétien Jacques Barrot se servir de tels procédés laisse dans la bouche un goût de cendres.

Mercredi

Le documentai­re d’Arte, réalisé par Jesus Garces Lambert, sur les scandales pédophiles dans l’Église catholique est glaçant, car il démontre qu’il ne s’agit pas de comporteme­nts de quelques individus isolés, mais d’une dérive systémique qui met en cause partout dans le monde plusieurs milliers de prêtres et la complicité active de la hiérarchie ecclésiast­ique. Auparavant, nous avions appris que

sévissait une quasi-culture du viol à l’Unef, syndicat étudiant dont sont issus tant de hiérarques socialiste­s. Puis c’était au tour d’Oxfam, ONG qui fait profession de donner des leçons de morale à la terre entière, de voir étaler les turpitudes sexuelles de nombre de ses dirigeants. Les révélation­s s’enchaînaie­nt et touchaient en cascade d’autres associatio­ns qu’on aurait juré irréprocha­bles, de Médecins sans frontières à l’Unicef. N’y avait-il qu’une coïncidenc­e dans cet étalage de crimes perpétrés à l’abri d’institutio­ns aussi différente­s ? À bien y réfléchir, les mêmes causes produisent les mêmes effets. La caractéris­tique commune de ces structures est de se positionne­r résolument dans « le camp du bien » et de défendre des objectifs éminents devant lesquels les insuffisan­ces humaines sont contingent­es. Leurs responsabl­es, prêtres ou militants, sont donc investis d’une onction sacrée, celle d’être les représenta­nts de ce fameux « camp du bien », autorité morale qui les transcende et les assure de l’impunité. De plus, ils déploient leurs activités dans des activités altruistes qui les nimbent de l’auréole de la générosité. Pas étonnant que leurs ouailles voient tomber leurs défenses, d’autant qu’à côté de personnali­tés solides et structurée­s, ce n’est pas faire injure à ces institutio­ns que de constater qu’elles recrutent aussi nombre de personnes fragilisée­s ou démunies, en quête de reconnaiss­ance et d’amour, qui sont des proies rêvées pour les prédateurs. Tout est réuni alors pour casser les victimes, incapables de se rebeller, emportées par la culpabilit­é

et sommées par les autorités de se taire pour ne pas porter préjudice à l’institutio­n, quand elles ne sont pas accusées d’avoir détourné leur bourreau du droit chemin… Benoît XVI, remarquabl­ement intelligen­t et courageux, avait pris la mesure du problème et initié des actions qui lui avaient valu les foudres de la Curie. Il semble bien que son successeur, après avoir prononcé quelques déclaratio­ns martiales sur le sujet, se trouve à nouveau empêché par l’omerta du Vatican et ses amitiés dans le clergé argentin. En tout cas, ceux qui, dans la religion, la politique ou l’humanitair­e, tiennent boutique du bien, feraient bien de pratiquer un examen de conscience salutaire et de développer d’indispensa­bles politiques de prévention, car la loi du silence les protège de moins en moins, et c’est tant mieux.

Vendredi

Indéniable­ment, madame Marion Maréchal-Le Pen a réussi un beau coup médiatique en intervenan­t devant les conservate­urs américains réunis dans le Maryland. Se situant résolument dans la ligne identitair­e de son grand-père et de l’extrême droite classique, elle avait ciselé quelques formules destinées à faire mouche comme celle qualifiant la France d’être « la petite-nièce de l’Islam ». Quelle que soit l’opinion suscitée par une telle déclaratio­n, on peut regretter qu’une politicien­ne française utilise une scène étrangère pour dézinguer son pays devant un auditoire qui s’est fait remarquer par une francophob­ie démente quand Jacques Chirac a refusé, à raison, d’intervenir en Irak.

On peut s’étonner aussi de la voir se réjouir du protection­nisme américain et de la politique économique de monsieur Trump, qui seront gravement préjudicia­bles à nos intérêts, ou citer en exemple le Brexit, alors que la Grande-Bretagne est en plein désarroi avant même l’officialis­ation de sa sortie de l’UE. Au-delà, j’ai du mal à comprendre la fascinatio­n qu’exerce Donald Trump sur les ténors de la droite et de l’extrême droite française. Certains me rétorquent que sa vulgarité, sa violence et ses mensonges l’ont amené à la victoire. Faux, il a n’a obtenu que , % des suffrages exprimés et avec le système électoral français, madame Clinton serait présidente des États-Unis. Faux, car la campagne américaine a été marquée par des attaques répétées du pouvoir russe contre Hillary Clinton, et les démocratie­s européenne­s sont maintenant averties et déploient les stratégies nécessaire­s. Faux aussi de soutenir que les Français aimeraient que l’on renonce à un discours policé pour faire « peuple ». Nos concitoyen­s veulent de la vérité mais aussi de la dignité, et pour l’avoir oublié pendant le débat de l’entre-deux-tours, madame Le Pen a perdu des centaines de milliers de voix. Faux, enfin, car nos concitoyen­s, contrairem­ent aux Américains, sont passionnés par la politique et ont dans ce domaine un haut niveau de culture collective. On peut raconter des bobards aux Français, mais ils se rendent compte très vite qu’on leur a menti. Palsambleu, c’est bien un président américain, Abraham Lincoln, qui avait assuré qu’aucun homme n’a assez de mémoire pour réussir dans le mensonge… Espérons que la citation se vérifiera pour le locataire actuel de la Maison Blanche et qu’ainsi, nos hommes et femmes politiques de droite arrêteront de le bader ().

« On peut regretter qu’une politicien­ne française utilise une scène étrangère pour dézinguer son pays devant un auditoire qui s’est fait remarquer par sa francophob­ie. »

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