Nice-Matin (Cannes)

La vie en exil de Sarah et Hassan

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Sarah et Hassan ont fui l’Irak et la guerre avec leurs quatre enfants. «On avait peur.» Hijab coloré noué autour de son visage, Sarah cherche ses mots pour décrire la menace. «Ona mis le feu chez nous à Kirkouk.» Et puis, l’étau s’est resserré sur Hassan et les siens. « On est kurdes, pour nous, avec la police arabe là-bas, ça se passe mal» , résume Sarah. Alors, minovembre 2015, ils ont quitté leur pays. «On a pris le bus, pour éviter les contrôles de police.» Turquie, Grèce, Catalogne… Sarah décrit les étapes de ce long voyage. En bus, en bateau, à pied. La peur omniprésen­te. La fatigue. Son plus jeune fils sur le ventre. Au bout de 18 jours, après avoir déboursé 2000 euros pour les passeurs, ils parviennen­t à Metz où le frère d’Hassan, médecin, vit depuis 15 ans. Mais ils n’y restent pas. «On nous a envoyés ici, à Grasse.» En mai 2016, la famille, accompagné­e par la « Fondation de Nice - Patronage SaintPierr­e - Actes », s’installe place aux Herbes. Commence alors l’attente. Habitée par cette question qui les obsède jour et nuit : leur demande d’asile sera-t-elle acceptée ?

« On travaille avec eux, pas pour eux » Les enfants prennent le chemin de l’école. Et Hassan et Sarah suivent des cours de français. «À l’associatio­n Harjès et à l’école Gambetta. » Avec des gestes, Hassan explique ses difficulté­s pour tenter de s’accrocher à des mots inconnus. « Le niveau, il est là, dit-il en levant la main au-dessus de sa tête. Et moi, je suis là, » poursuit-il en la baissant à hauteur du genou. Mais ils s’accrochent et progressen­t. Peu à peu. Au coeur de la vieille ville de Grasse, les exilés croisent le chemin d’Adèle, Marion, Gaëtan et les autres. «On leur a proposé de participer à la vie de la cité, avec nous», pose simplement Adèle Malerba, fondatrice de l’associatio­n «D’une rive à l’autre de Grasse». «On travaille avec eux, et pas pour eux.» Hassan donne un coup de main à Gaëtan: l’aide à réparer des meubles, monter des jardinière­s, bouturer des figuiers. En quelques mots, un peu hésitants, l’exilé raconte cette vie d’attente rythmée par ces rendez-vous à l’atelier de Gaëtan. « Il est très gentil, c’est comme un grand-père», note Hassan. Ému par la générosité de ce bénévole fils d’immigrés siciliens. «Hassan est toujours partant pour aider: transporte­r des meubles, installer des manifestat­ions…» Gaëtan marque une pause avant de poursuivre. «Les barrières sont liées à nos peurs, mais quand on côtoie l’autre, elles tombent.» Une complicité s’est nouée entre les deux hommes. «Moi, je travaille avec Gaëtan et Sarah, avec Adèle,» glisse Hassan.

Sarah donne un coup de main à la boutique solidaire À la boutique solidaire située à quelques mètres de la place, Sarah aide en effet à la vente d’habits, qui finance l’associatio­n. Au début, c’était par des gestes qu’elle se faisait comprendre, puis peu à peu, elle a pris confiance en elle. « C’est bien pour parler français, confirme-t-elle. Je vais aussi aux ateliers, pour la couture. » Ils participen­t aux repas partagés, aux sorties… Quand on leur demande comment ils voient leur avenir, Sarah et Hassan peinent à répondre. Ils vivent au jour le jour, dans l’attente de leur demande d’asile. Mais les enfants eux, fourmillen­t de projets. Hivin, 13 ans, lâche: «Je veux être coiffeuse, avec ma copine italienne on a prévu de travailler ensemble.» A côté d’elle, Adem, son jeune frère, sera «maître d’école.» Chacun disserte sur sa vie de demain, dans un français maîtrisé, sans l’ombre d’un accent. Alors que Sarah couve ses enfants du regard, Hassen nous interroge, hésitant : « Leur français, il est bon ? »

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Sarah, Hassan et leurs enfants participen­t à la vie du quartier, dans le centre ancien de Grasse.
 ??  ?? Hassan retrouve Gaëtan à l’atelier de la place aux Herbes. Il l’aide à réparer des meubles, fabriquer des jardinière­s...
Hassan retrouve Gaëtan à l’atelier de la place aux Herbes. Il l’aide à réparer des meubles, fabriquer des jardinière­s...

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