Nice-Matin (Cannes)

Aimé Pellegrin: «Celui qui aura un terrain mangera» « Toutes les stars ont mangé nos asperges violettes »

Quartier de la Marigarde, la propriété agricole de la famille Pellegrin, connue pour ses asperges violettes, est rattrapée par l’urbanisati­on. Les légumes poussent adossés à la Zone d’activité

- MARIANNE LE MONZE

Derrière les serres et la ferme, les immenses hangars de l’enseigne « Briconaute­s ». D’ailleurs ne cherchez plus l’adresse de la ferme Pellegrin, elle a disparu avalée par la zone d’activité : « Avant, on était au 107, route de la Marigarde. Le numéro a disparu. Nous n’avons plus d’adresse », raconte Gilles Pellegrin, quinquagén­aire au visage de trentenair­e.

« Je me suis battu pour garder la terre »

Pourtant, voilà quatre génération­s que les Pellegrin travaillen­t cette terre, quartier de la Marigarde. Le père de Gilles, Aimé-Jean, dit Jeannot, 81 ans, a patiemment racheté et réuni quelque 2 hectares divisés par les legs successifs de la famille. « Je me suis toujours battu pour garder la propriété. Je pense qu’à l’avenir celui qui aura un terrain, mangera.» Un samedi, avant l’épisode neigeux, nous avons retrouvé les Pellegrin, Gilles et Aimé-Jean, droit comme un I en dépit de ses nombreux printemps, dans leurs champs au milieu des petits pois fraîchemen­t plantés et patiemment tutorés. Dans cette terre noire, en culture raisonnée, poussent les choux, les artichauts «qui sont délicieux », les blettes, les radis sous serres et surtout la reine du domaine encore enfouie au chaud pour l’heure : l’asperge violette. Une culture de niche qui fait la renommée internatio­nale des Pellegrin (voir ci-dessous). Depuis 20 ans, avec sa production multicultu­relle, Gilles, qui est aujourd’hui le chef de l’exploitati­on, se rend au marché Forville trois jours par semaine: «les mardi, vendredi et samedi. J’aime aussi la vente. Et le vendredi aprèsmidi, je vends en direct de la ferme à partir de 16 heures. Je suis les traces de mon père. On travaille encore ensemble ». Le dos cassé, les pieds et les mains dans la terre, les Pellegrin travaillen­t du point du jour au coucher du soleil. Les cultures varient selon les saisons. Et puis il y a aussi les arbres fruitiers sur Si à Grasse, la rose Centifolia est la reine de mai… Les asperges violettes des Pellegrin en sont les princesses. Elles s’arrachent sur les bonnes tables. « Toutes les stars ont mangé nos asperges ! affirme Jeannot avec fierté. Ses asperges, Jacques Chirac en raffole ! Il en a mangé lors du sommet européen, assure Aimé-Jean Pellegrin. Le patriarche les livrait sur La Croisette, à la Palme d’or, restaurant étoilé du Martinez, comme à l’Oasis, restaurant tout aussi huppé de Mandelieu-La Napoule. Aujourd’hui, son fils les livrent à l’Eden Roc, palace du cap d’Antibes. Les Pellegrin ont planté en février    pieds d’asperges violettes. « Les turions commencent à sortir de terre. » «On est deux ou trois à les faire dans la région, affirment place ou à St-Cézaire : cerisiers, oliviers, pruniers, abricotier­s, pêchers et figuiers, « A Cannes, l’été dernier, je suis descendu avec jusqu’à 125 kg de figues », se souvient Gilles Pellegrin qui a une fierté pour ses 45 figuiers, autant que pour ces 350 oliviers.

« On ne plante pas n’importe quoi n’importe où »

Gilles ne sait pas les choix que feront ses deux enfants, âgés de 22 et 16 ans. Mais il sait déjà que lui ne fera pas autre chose, même si c’est dur et que l’avenir n’est pas assuré : « Dans ce secteur quasi en centre-ville, on n’est plus que deux maraîchers », constate-t-il à regret. Et son père de bougonner après les grandes surfaces et les centrales d’achat «ces fossoyeurs ». Les deux hommes sont d’accord : il faut préserver l’agricultur­e maraîchère en priorité, mais à condition d’alléger les contrainte­s, « on nous interdit tout », de réduire le prix de l’eau et d’accompagne­r les jeunes. « On ne plante pas n’importe quoi, n’importe où. Et puis après, il faut savoir vendre aussi », rappelle Jeannot à qui on ne la fait pas.

Pour les chefs cette asperges, c’est le sommum ». Ce  mars, les agriculteu­rs recevront aussi les tomates, les courgettes, les radis noirs, les betteraves,etc...

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Jeannot et Gilles Pellegrin au milieu de leurs champs quartier de la Marigarde. On sent et voit dans leur dos la pression de l’urbanisati­on. (Photos Xavier Depoilly) les Pellegrin. Les asperges après tout ne représente­nt en surface que la moitié des...
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Une vieille photo montre l’étendue de la propriété dans le temps. Reste aujourd’hui dans les mains de Gilles Pellegrin deux hectares de bonnes terres dont il ne sait pour l’instant ce qu’il en fera l’heure de la retraite venue.

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