Sébastien Leroy contre-attaque
Le maire de Mandelieu, mis en cause dans Complément d’enquête, livre sa version et règle quelques comptes
Vous étiez devant votre télé jeudi soir ?
Oui.
Votre sentiment sur ce reportage qui vous vise directement ?
Je ne pensais pas que le journalisme d’investigation était aussi faible en termes de travail. J’ai été très surpris des accusations dont j’ai fait l’objet parce qu’elles démontrent soit une incompétence totale en matière d’urbanisme, soit une malhonnêteté intellectuelle extrêmement prononcée.
Que voulez-vous dire ?
Dans le reportage, en résumé, on accuse mes parents d’avoir monté une société pour être complices d’un détournement de fonds à mon avantage. En contrepartie, je dois quant à moi modifier les règles d’urbanisme afin de permettre la réalisation d’un projet de plusieurs centaines de millions d’euros. Or, si les journalistes de France et de Médiapart avaient fait un travail d’investigation a minima, ils auraient démontré que ces accusations et les propos tenus lors de l’émission sont d’une fantaisie extrême.
Pourquoi donc ?
Pour deux raisons... Concernant la situation de mes parents, ils sont médecins depuis ans. En , ils ont eu connaissance par mon intermédiaire d’une start-up de Sophia Antipolis spécialisée dans la conception d’appareils médicaux d’aide respiratoire pour les patients atteints de mucoviscidose. Celle-ci était portée par un inventeur qui, après avoir travaillé dix ans sur son affaire, a « cramé » (sic) toutes ses économies ainsi que celles de sa famille. En , cette société allait fermer. Mon père a compris qu’il y avait un intérêt très important pour les patients et leur suivi. Il a validé le résultat médical et la société LRD a été créée pour aider à trouver des fonds afin de sauver ce projet.
La présence d’Iskandar Safa au sein de LRD ? Mon père est son médecin depuis ans. Il a fait appel à lui, l’idée encore une fois étant de regrouper des fonds au travers de cette société pour les réinjecter dans la start-up de Sophia et lui permettre de poursuivre ses recherches. Ce que je peux vous dire, c’est que depuis cinq ans, mes parents n’ont pas touché le moindre euro que ce soit en frais, en remboursement de sandwiches ou en notes d’essence. Tout a été reversé à la société. Et les investisseurs, qu’il s’agisse d’actionnaires ou d’administrateurs, n’ont rien touché non plus.
C’est un projet altruiste ?
C’est un projet lié à une start-up dans le but de l’aider à se développer. Aujourd’hui, on essaie d’instrumentaliser cela par le biais de gens très bien intentionnés qui m’accusent de manquer aux règles d’urbanisme.
De qui parlez-vous ?
C’est l’opposition qui a monté tout ça. J’ai la preuve, à travers le reportage diffusé jeudi soir et les discussions sur les réseaux sociaux que l’opposition a trouvé les documents et les a fournis aux journalistes. En plus, elle s’en vante : elle dit avoir découvert un scandale. Et ce scandale consiste à salir mes parents pour me salir moi, en faisant abstraction de tout ce qui pourrait contredire cette version pour aboutir à ce fameux projet immobilier. Pour vous dire à quel point les journalistes n’ont pas fait leur travail : il a été dit que la société n’avait jamais déposé les comptes. Il suffit d’aller sur infogreffe et d’entrer le nom de la société pour récupérer les comptes
‘‘ déposés chaque année. Pour en venir à l’accusation portée contre moi, et qui émane de Monsieur Desens, je vais vous dire deux choses : il est un menteur et il est un manipulateur. C’est un menteur parce qu’il dit, en gros, que je m’apprête à déclasser les terrains, plusieurs centaines d’hectares. Or, ceux-ci sont soumis à deux contraintes. D’abord, ils se situent en zone naturelle inscrite, donc totalement inconstructible. Vous allez me dire, oui mais ça peut changer... Et bien non. Parce que ces terrains sont affectés, en plus, d’une inscription en zone rouge du risque incendie, le PPRI, qui empêche toute évolution d’urbanisme. Et là où je dis qu’il tient des propos mensongers, c’est quand il fait croire que le maire peut changer leur destination. Parce qu’il faut savoir que le PPR incendie est une compétence exclusive du ministère de l’Environnement, donc de l’État et du préfet. Il n’y a que le préfet qui peut modifier cela sur avis conforme de la DDTM. Et c’est tellement inimaginable, fantaisiste et même grotesque que je peux vous garantir que dans un siècle, ces terrains seront toujours aussi protégés. Ça n’évoluera jamais et si ça devait évoluer, ce n’est pas de la compétence du maire. Et aller dire devant les caméras que je suis payé pour faire changer cela, c’est de l’incompétence ou une pure malhonnêteté intellectuelle.
Vous parliez aussi de manipulation...
Oui, parce qu’en tant qu’élu, JeanValéry Desens a eu connaissance le octobre dernier du projet de plan local d’urbanisme de la ville, qui est le document qui va définir les droits à bâtir pour les prochaines décennies. Et ce PLU prévoit que ces terrains resteront en zone naturelle inconstructible et en zone rouge du PPR Incendie. Trois mois plus tard, il vient devant les caméras prétendre que je suis payé pour faire quelque chose que je ne peux pas faire. C’est de la manipulation d’opinion.
N’auriez-vous pas eu intérêt à accorder une interview à France pour exposer tout cela ?
On vient me trouver en pleine cérémonie de la Fête du mimosa ; je suis dans une salle de personnes, avec des invités et, au moment de monter sur scène, une reporter de France vient brandir sous mon nez les statuts de la société dont mon père est président en me disant : “Monsieur le maire, vous êtes corrompu. C’est ça le prix pour vous acheter ?” Vous imaginez bien que, passé la première surprise, je n’ai pas eu tellement envie de la recevoir pour lui expliquer quoi que ce soit. Je lui ai dit : “C’est n’importe quoi, si mes parents avaient voulu se dissimuler sous des noms d’emprunt, rien n’aurait été plus facile dans le cadre d’une société anonyme. Mais ce n’est pas le cas. Ils sont dans des statuts constructifs, c’est public et ils se montrent en plein jour.”
On peut comprendre l’intérêt de votre principal opposant à vous atteindre. Mais quid des journalistes ?
Je ne dis pas qu’ils veulent me nuire. Je dis qu’ils relaient une information sans vérifier les propos. Diffuser l’interview d’un opposant politique notoire dont les comparses passent leur temps à m’insulter sur Internet, qui témoigne en prétendant que je veux changer la destination des terrains, c’est n’importe quoi. Je peux accepter la calomnie à mon égard, mais pas contre mes parents. Les voir pourchassés dans la rue, le soir, alors qu’ils sortent de leur cabinet, ça ne fait pas plaisir. Je sais que je le dois à ces gens-là et je ne l’oublierai pas.
Vous allez déposer plainte ?
Oui. Je vais entamer toutes les voies de recours et procédures qui seront nécessaires et je vais déposer plainte.
Vous pensez que la personnalité d’Iskandar Safa a amplifié l’aspect médiatique de cette affaire ?
On l’a associé à beaucoup de choses mais il n’a jamais été condamné. Comme il a de gros moyens, les gens se nourrissent du fantasme qu’il va faire des choses... qu’il ne fait pas.
Vos relations avec lui ?
Je ne commente pas mes relations à titre personnel. Et de toute façon, elles ne changeront rien à mes relations en tant que maire. Je peux être le meilleur ami de quelqu’un, il n’aura aucun passe-droit et sera peutêtre même jugé plus sévèrement que les autres. Je prends toutes les précautions. C’est dans ma nature : je ne siège pas en commission d’appel d’offres volontairement et je ne signe pas non plus de permis de construire.
Quel était l’intérêt d’Iskandar Safa de racheter ce vaste domaine, si c’est pour ne rien y faire ?
Barbossi, c’est son lieu de vie. Il vit là. Il a construit des écuries, rénové des bâtiments existants et c’est tout. C’est son lieu de travail et de résidence.
Vous ne vous attendiez pas à tout ce qui vous arrive aujourd’hui ?
Non pas du tout. J’ai été stupéfait jeudi. Mais j’ai battu un record du monde : élu en novembre et déjà dans Complément d’enquête en mars !
Desens est un menteur et un manipulateur ”