Le néroli «patrimoine
Une demande a été formulée auprès de l’Unesco par la coopérative Nérolium
Les derniers cultivateurs de bigaradiers ont eu les yeux rivés sur le ciel. Jolis les flocons qui sont tombés récemment, mais il ne faudrait pas que le froid perdure et que la neige prenne ses aises. Renée Pugi, présidente de la coopérative Nerolium, qui rassemble les derniers producteurs d’orangers de Vallauris mais aussi de Bar-sur-Loup et la Gaude, soit environ une cinquantaine, est rassurée. Mais quand même... « La floraison a déjà commencé, on est en avance, car janvier a été doux...» Là, on vient d’achever la récolte des oranges vertes, celles à partir de laquelle seront confectionnées, dans le laboratoire de la coopérative, de délicieuses confitures. Il faut croiser les doigts jusqu’à la période, dite normale, de la cueillette des précieuses fleurs blanches, entre la mi-avril et la mimai. On distillera la fleur d’oranger et surtout son huile essentielle, le néroli. Le « nectar », produit phare de la coopérative qui entre dans la composition de très grands parfums, comme le Chanel n°5. Vallauris est assis sur un trésor !
Unique en France
Un patrimoine qui ne demande qu’à retrouver de la vigueur et à croître. « C’est une production unique en France. Le néroli produit ici, de manière ancestrale, a une qualité particulière...», rappelle Renée Pugi. Sa famille a veillé sur près de 500 arbres ! La dynamique présidente a pris le relais de son grand-père, tout en exerçant une activité professionnelle. « Ce sont mes racines ». Certes, on est loin de l’époque dorée où la « pomme d’or », le nom que les Grecs donnaient aux orangers, selon le mythe d’Hercule et des Hespérides, offrait des récoltes de plusieurs milliers de tonnes de fleurs, 2 467 en 1912. Aujourd’hui, on avoisine les 15 tonnes. La raison ? Les gels successifs sont passés par là et surtout les terres agricoles ont été grignotées puis avalées par l’urbanisation galopante (1). Mais, aujourd’hui, la demande est là ! Dire que les acheteurs de néroli se bousculent aux portes de la coopérative est un brin exagéré, mais si peu... « Nous avons eu la concurrence notamment des pays du Maghreb. Les grandes maisons ont fait produire là-bas, parce que c’était moins coûteux...». Aujourd’hui, elles reviennent à Vallauris, car l’expérience a déçu. On vous le dit, le néroli d’ici est unique ! Son secret ? « Le bigaradier pousse dans certains quartiers uniquement. Il y a les collines, vers la mer et plus à l’intérieur. Il y a le soleil, le sol est bien irrigué. Nous bénéficions d’un microclimat », souligne Renée Pugi.
kg de fleurs pour kg de néroli
Sans oublier ce savoir-faire de celles et ceux qui se sont accrochés à leurs racines et ont continué à prendre soin de leurs arbres. Qui dit produit unique, dit protection et reconnaissance. Ainsi, une demande d’inscription auprès de l’Unesco a été déposée pour déclarer le néroli « patrimoine vivant ». Tout ne demande qu’à repartir. Et, c’est plutôt bien engagé. Mais il faut la matière ! Il faut 1 000 kg de fleurs pour un kilo de néroli. C’est dire sa rareté. « Il y a une volonté politique de la mairie et du conseil départemental. Une convention va être établie pour la mise à disposition de terrains. Des arbres seront plantés. La coopérative fait actuellement des semis pour obtenir des porte-greffes. Il faut compter au moins cinq ans pour obtenir les premiers résultats...».