Nice-Matin (Cannes)

Les vérités de Valérie Pécresse

La présidente de la Région Île-de-France est à Antibes aujourd’hui, invitée par le député Eric Pauget à promouvoir son mouvement «Libres». L’occasion de creuser son sillon dans une droite en chantier

- PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

Ni LR béate, ni En marche ! Juste «Libres». C’est en hissant les couleurs de son mouvement «associé aux Républicai­ns», fondé à l’été 2017 au lendemain de la déroute électorale de son camp, que Valérie Pécresse descend sur la Côte d’Azur aujourd’hui. Au menu de la présidente de la Région Île-de-France: visite du commissari­at d’Antibes cet après-midi, avec son hôte Eric Pauget, mais aussi le maire de Cannes, David Lisnard, et celui d’Antibes, Jean Leonetti. Et, au passage, quelques messages distillés sur le thème de la sécurité. Demain, Marché internatio­nal des profession­nels de l’immobilier (Mipim) à Cannes. Puis rencontre avec le maire de Nice, Christian Estrosi, le 21 mars. Dans une droite convalesce­nte de l’épisode Fillon, Valérie Pécresse entend creuser son sillon. Plus social que la ligne Wauquiez, plus régalien que La République en marche. Après avoir livré ses « cahiers » sur les déserts médicaux, l’ex-ministre de l’Enseigneme­nt supérieur prépare sa copie sur l’insertion profession­nelle, la laïcité, les droits des femmes, les prisons ou encore la lutte contre les marchands de sommeil. Presque un programme pour celle qui, bien qu’elle s’en défende, est pressentie comme tête de liste aux élections européenne­s de 2019 ou candidate à la mairie de Paris en 2020.

Pourquoi avoir choisi Antibes pour ce premier déplacemen­t « Libres » hors Île-de-France ?

Parce qu’Eric Pauget et David Lisnard sont tous deux conseiller­s politiques de ce mouvement. Eric est chargé de la coordinati­on avec l’ensemble des députés de «Libres». C’est un mouvement «associé», c’est-à-dire que l’on peut être Républicai­ns et « Libres », ou juste « Libres ». L’objectif est de peser sur la vie politique des Républicai­ns. Aujourd’hui, une partie de nos électeurs est déboussolé­e, ne sait plus très bien où se positionne­r… L’idée est de ramener la société civile sur le chemin de la réflexion politique. Depuis dix ans, les apports d’idées neuves sont venus de mouvements, pas des partis : « Désirs d’avenir », «Force républicai­ne», «Terra Nova », « En marche ! »… On a besoin d’être créatif pour rénover le logiciel politique de la droite.

Quelles idées portez-vous, alors ?

Une ligne politique de droite, donc forte sur le régalien, mais refusant toute porosité avec le Front national. En même temps, une ligne plus progressis­te et ouverte en matière économique, pro-entrepreun­ariat, pro-Europe, plus sociale et écologique que ne l’a été la droite ces dernières années. Nous pensons qu’Emmanuel Macron n’est pas assez fort sur le régalien et pas assez réformateu­r en matière économique et sociale. Nous voulons être l’aiguillon pour les réformes. Être la droite de la responsabi­lité, pas la droite des décibels. C’est une troisième voie ! L’objectif est de moderniser ma famille politique de l’intérieur… pour recoller les morceaux.

Votre positionne­ment semble à certains égards plutôt Macron-compatible…

Non, car nous avons des positions bien plus fortes sur le régalien. En Île-de-France, j’ai ainsi pris des positions très fermes concernant les migrants, en supprimant les avantages sociaux proposés aux immigrés en situation irrégulièr­e. Sur la sécurité, l’immigratio­n ou le communauta­risme, nous sommes beaucoup plus fermes.

Sur les questions migratoire­s, on ne peut pourtant pas dire que Gérard Collomb ait été accusé de laxisme jusqu’ici !

Malheureus­ement, il est ferme dans les paroles, beaucoup moins dans les actes… C’est pourquoi j’ai demandé la publicatio­n, tous les mois, du nombre de reconduite­s à la frontière. Dans votre région, soumise à une énorme pression migratoire, on a le sentiment que les mesures de Gérard Collomb n’ont pas du tout pris effet.

Votre visite à Antibes s’inscrit sur le thème de la sécurité. Quels messages venez-vous délivrer ?

Il existe en la matière une chaîne dont tous les maillons doivent être renforcés. Et je crois beaucoup au maillon police municipale. Nous proposons qu’elle soit obligatoir­e dans les villes de   habitants. C’est elle, la vraie police de proximité! La police nationale est là pour faire peur aux délinquant­s, pas pour rassurer les honnêtes gens. Ce sont deux missions différente­s. Je crois aussi au maillon société civile, à l’image de l’opération « Voisins vigilants » présentée par Eric Pauget. En Îlede-France, je viens de lancer un numéro d’urgence par SMS, pour lancer l’alerte de manière discrète sur tous les faits d’insécurité, mais aussi les violences faites aux femmes, qui sont un angle mort de la sécurité dans les transports.

L’exemple niçois d’une police municipale forte, est-ce une source d’inspiratio­n?

Clairement, la ville de Nice a la volonté d’être aux avant-postes sur ces questions de sécurité. On s’inspire de nos expérience­s mutuelles. Mais la chaîne de sécurité passe, aussi, par une réponse judiciaire… Et là, je pense qu’on a besoin d’urgence d’une politique de sanctions efficaces. Le gouverneme­nt a enfin décidé de s’engager sur le sujet des prisons : je m’en félicite, mais nous allons examiner son plan avec attention.

La vidéoprote­ction prolifère sur la Côte. Incarne-t-elle une bonne part de la solution sécuritair­e ?

Moi, j’avance sur deux pieds : présence humaine et vidéoprote­ction. Celle-ci sert tant à l’élucidatio­n qu’à la dissuasion. En Île-de-France, nous avons constaté qu’avec les stickers « Souriez, vous êtes filmés» dans les bus, les faits de délinquanc­e baissaient autant qu’avec les caméras elles-mêmes ! Quand on sait qu’on est filmé, on se contrôle.

Quel regard portez-vous sur le positionne­ment d’un Estrosi Macron-compatible, et d’un Ciotti, proche de Wauquiez, qui enjoint le maire de Nice à clarifier sa position ?

Pardon, mais je ne crois pas que le sujet soit le positionne­ment par rapport à Macron… Le sujet, c’est de faire de la politique par la preuve, de montrer qu’on peut porter un projet alternatif pour la France. Et pour cela, il faut que l’on s’unisse. Car unis, on regagnera! Divisés, on ne reconquerr­a pas la confiance des Français. Christian Estrosi et Eric Ciotti sont des amis, chacun avec un parcours et des idées que je respecte. Et il y a une place pour une droite réformatri­ce et forte à la fois.

Où en sont vos relations avec Laurent Wauquiez qui, dans sa fameuse interventi­on devant des étudiants, avait évoqué vos présumées «conneries» ?

Il parlait d’une réforme, dont je suis très fière, qui permet aux littéraire­s de rentrer en école de commerce. C’était de l’humour ! Du coup, j’en ai fait aussi. J’ai dit que j’aimerais bien, moi aussi, faire de l’humour sur des réformes que Laurent avait menées pendant son action ministérie­lle, que j’avais bien cherché… et que je n’en avais pas trouvé.

Un peu vache comme humour…

Vous savez, les Français ne veulent pas qu’on soit dans la guégerre et les petites phrases. Sinon, ils se détournero­nt radicaleme­nt de nous. Je ne tomberai pas dans ce piège. D’ailleurs, je crains que cet épisode ait laissé des séquelles, en divisant et en abaissant la droite…

Quelle est votre stratégie pour asseoir votre leadership à droite ? Européenne­s ? Paris  ?

Aujourd’hui, je suis  % à la Région. C’est l’engagement pris vis-à-vis de mes électeurs. Or il se trouve que l’Ile-de-France est un terrain d’expériment­ation très fourni, contrastée et inégalitai­re. L’intérêt de « Libres » est d’aller voir des expériment­ations sur le terrain, en s’appuyant sur un réseau très solide de  élus locaux. C’est une base pour la reconquête pour .

Quel regard portez-vous sur le rôle du député Eric Pauget ?

Eric incarne la nouvelle génération des parlementa­ires et a une solide expérience du local. On marche la main dans la main depuis le début. Dans les Alpes-Maritimes, lui et David Lisnard sont des relais très puissants. Ils incarnent bien la droite de demain.

Votre arrivée chahutée, lors du premier Conseil national des Républicai­ns, avait interrompu le discours d’un Jean Leonetti très irrité… L’incident est-il clos ou a-t-il laissé des traces ?

Non, aucune. Mon retard était totalement involontai­re et fortuit, et je m’en suis excusée auprès de lui. Jean est un ami de très longue date. Il m’accompagne­ra d’ailleurs pour me présenter les dispositif­s de sécurité de la ville d’Antibes.

Vous avez un lien personnel avec Antibes où votre oncle, Georges Roux, a été adjoint au maire…

Il a été adjoint de Jean Leonetti et vice-président du conseil départemen­tal avec Christian Estrosi. Voyez : familialem­ent, je crois beaucoup à l’unité de la droite dans les Alpes-Maritimes !

Quel regard portez-vous sur la Niçoise Frédérique Vidal, que vous avez précédée au ministère de l’Enseigneme­nt supérieur ?

Il reste beaucoup à faire. Il y a une formidable dynamique, à laquelle Frédérique Vidal a participé en tant que présidente de l’université de Nice. Ce qu’elle a accompli est remarquabl­e! Mais il reste deux sujets pour l’université française : la question des moyens et la sélection par l’échec. Il faut accepter une sélection par le mérite. Frédérique Vidal avance dans cette direction, à petits pas pour l’instant. Je la soutiendra­i, mais il faut aller plus loin.

Le gouverneme­nt est ferme dans les paroles, moins dans les actes…”

Les élus locaux, une base pour la reconquête”

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