Des lunettes pour ne plus s’endormir au volant
La somnolence au volant est la première cause d’accidents mortels en France sur les autoroutes. Un Azuréen a décidé de s’attaquer au problème
La solution qu’on a trouvée pour prévenir l’endormissement au volant, c’est un objet de la vie quotidienne, 70 % des personnes en portent. Ce sont
des lunettes. » Mais pas n’importe lesquelles, celles-là vous ont à l’oeil. Philippe Peyrard joint la parole au geste, en désignant les montures qu’il porte sur le nez. Si à première vue elles ressemblent à toutes les autres, ces lunettes sont un concentré de technologie. Polo blanc aux couleurs de sa startup Ellcie-Healthy, l’entrepreneur sort d’une boîte une paire transparente. Ce modèle de démonstration dévoile la technologie embarquée dans ces montures (1). « À l’intérieur on loge 150 composants dont une quinzaine de capteurs qui permettent de récupérer des données physiques, physiologiques et environnementales. »
Voyant et sonnerie pour réveiller le conducteur
Baillements, clignements d’yeux, micro-chutes de tête sont ainsi détectés. Comment ? « Des leds infrarouges envoient de la lumière vers les yeux, explique un ingénieur. Si la paupière est fermée, elle renvoie plus de lumière vers les capteurs. Ça nous permet donc de savoir combien de temps la personne a fermé les yeux. » Ces données sont analysées à l’intérieur de la paire de lunettes, dans une petite puce logée dans l’une des branches. « Tout ça permet de déceler les incidents. Par exemple, si des paupières restent trop longtemps fermées, un buzzer va sonner et des leds rouges vont clignoter de façon à réveiller le conducteur. Pour éviter qu’il ne continue sur la pente de l’endormissement. » Si de nouvelles alertes se produisent, elles déclenchent un message sonore sur le smartphone. « Alerte endormissement veuillez vous arrêter dès que possible », invite l’appli couplée aux montures high-tech. «Un système communautaire se met en place : si vous avez d’autres personnes à bord, ils seront réveillés par un message ou la sonnerie
de leur téléphone. » Les passagers pourront ainsi s’assurer que le conducteur ne replonge pas dans le sommeil. «Si vous êtes seul, la solution est couplée avec un système d’assurance. Un message est envoyé à une société d’assistance. Un téléacteur va vous appeler, pour vous parler et vous tenir éveillé jusqu’à la prochaine aire de repos si elle est à 5 km. Là vous pourrez soit vous reposer, soit bénéficier d’un service de taxi si vous n’êtes pas trop éloigné de votre domicile. »
Test dans une entreprise de transport routier
Depuis quelques jours, ces lunettes anti-endormissement sont testées par deux chauffeurs de la société Transcan à Carros. En ce jeudi matin glacial, Damien s’apprête à prendre la route, direction Valence. Il chausse ses lunettes. « Elles sont légères, et surtout c’est un plus pour la conduite. Je roule le jour et la nuit. Le côté traître de la somnolence c’est qu’on ne s’en rend pas compte. Là, si je ferme les yeux un peu plus longtemps, ça sonne. Du coup je suis plus confiant, je pars plus sereinement. » Et s’il se risquait à baisser les yeux pour pianoter un sms sur son smartphone, les lunettes le rappelleraient aussi à l’ordre. Pour améliorer la sécurité de ses conducteurs, Christophe Debrabandère, directeur général de la société compte bien généraliser l’équipement auprès des 50 conducteurs. « Certains d’entre eux travaillent la nuit, avec ce que ça peut comporter de risque de somnolence. Ces lunettes les protègeront et permettront aussi qu’ils ne mettent pas en danger les autres automobilistes. »
En vente en avril chez les opticiens
Ces montures intelligentes, « made in France », seront en vente en avril, dans le réseau Optic 2000. Le prix : à partir de 220 euros la monture. Elles seront disponibles dans une vingtaine de modèles différents, associées à des verres avec ou sans correction. « Une fois que les montures sont appareillées, on peut configurer sur son smartphone, le niveau sonore des notifications, le seuil d’alerte… On pourra aussi faire sonner ses montures pour les localiser. » (1). Une innovation qui est le fruit d’une collaboration avec l’Inria, le laboratoire d’électroniques, antennes et télécommunications (Leat) de Sophia-Antipolis, mais aussi le CNRS, et le laboratoire motricité humaine éducation sport santé (Lamhess) de Nice.