Nice-Matin (Cannes)

«Je ne me vois pas régner très âgé»

-

Comment se prépare-t-on à devenir chef d’État ?

On ne s’y prépare pas. On apprend dans la durée. J’ai fait des stages dans différents services du gouverneme­nt, j’ai participé à beaucoup de réunions et d’entretiens. J’ai appris à bien connaître le pays, le fonctionne­ment des différente­s institutio­ns. L’apprentiss­age prend des mois, des années. Les études vous préparent un peu mais ce qui compte avant tout, c’est l’expérience du terrain et la connaissan­ce des personnes qui participen­t au fonctionne­ment de l’État.

Que ressent-on quand on prend la tête d’un pays ?

Une immense responsabi­lité, qui va être lourde et très prenante, quelquefoi­s difficile à assumer. Le sens du devoir, la nécessité de faire ce qu’on pense être le mieux pour le pays et ses habitants.

Comment allez-vous préparer votre fils à prendre un jour la relève ?

Ça se fera par les nombreuses conversati­ons que nous aurons. Il faudra qu’il s’imprègne en profondeur du fonctionne­ment du pays et des relations internatio­nales. J’ai beaucoup appris en dehors des salles de cours, que ce soit ici au lycée ou à l’université aux ÉtatsUnis.

Imaginons que vous deviez écrire aujourd’hui une lettre que le prince Jacques devrait lire le jour de son avènement. Quels conseils lui donneriez-vous, là, maintenant ?

Je donnerais les mêmes conseils à Jacques et à Gabriella. Je leur dirais d’être ouverts aux avis des autres mais de suivre leur idée. Et d’être prudent, de ne faire confiance qu’aux personnes qui en sont dignes, de se méfier de tous ceux qui sont là pour d’autres motifs, qui ne sont pas armés de bonnes intentions.

Par moments, n’avezvous pas envie de tout lâcher ?

Il y aura fatalement un moment où, j’espère le plus tard possible, l’usure se fera sentir. Il faut faire attention à ne pas aller audelà de ses capacités, même si l’esprit sportif est toujours là et qu’on a envie de repousser ses limites. J’espère qu’on aura l’honnêteté de me dire, quand le moment sera venu, qu’il est temps de se reposer.

La différence d’âge avec le prince Jacques pourrait compliquer le passage de flambeau…

Oui, bien sûr. Même si j’ai la chance d’avoir une longue vie, je ne veux pas gâcher la jeunesse de Jacques ou de Gabriella et les jeter trop tôt dans la fosse aux lions. Nous devrons trouver le bon équilibre. De toute façon, je ne me vois pas régner très âgé, en me déplaçant difficilem­ent…

 ans, c’est aussi le moment de jeter un regard sur sa vie. Quel est le meilleur souvenir de votre enfance ?

Mes premières visites aux États-Unis. Pas les toutes premières, j’étais trop petit. Je pense à celle de l’été , quand nous sommes allés en Californie et à Disneyland, avec mes parents et mes soeurs. J’avais  ans, je comprenais mieux les choses. La découverte de l’Amérique de la fin des années soixante, une période turbulente, m’a beaucoup marqué. Les voyages que nous faisions en famille étaient formidable­s – en Irlande, en Angleterre et en Jamaïque notamment – mais celui-là l’était particuliè­rement.

Ce devait être un sacré périple, à l’époque ?

Ce voyage a commencé au Canada. Nous avons fait la traversée en paquebot, depuis Liverpool, avant de remonter le Saint-Laurent jusqu’à Montréal. On a ensuite traversé le Canada en train pour arriver à Vancouver. De là, on a pris un avion jusqu’à Los Angeles.

Votre meilleur souvenir d’adulte, avant votre avènement ?

Je conserve une petite nostalgie de ma vie d’étudiant. C’était encore aux États-Unis. C’est une période de la vie qui marque. Elle se composait de moments extrêmemen­t sérieux et studieux, bien entendu, mais il y avait aussi un grand sentiment de liberté que je n’ai pas pu retrouver depuis. Chaque époque de la vie apporte de bons moments mais celle-ci est vraiment à part.

Et depuis douze ans que vous êtes à la tête du pays, quel est le meilleur souvenir que vous conservez à ce jour ?

À part la naissance de mes enfants et mon mariage ? L’avènement lui-même a été un moment très émouvant. Je garde en mémoire de nombreux moments forts, comme les premières visites officielle­s, les débuts de ma fondation, le lancement des premiers grands chantiers à Monaco. C’est difficile de retenir un moment particulie­r.

Une rencontre, peut-être ?

Nelson Mandela. Je l’ai rencontré avant de devenir chef d’État. Quand on rencontre une telle personnali­té, on se sent très privilégié.

Newspapers in French

Newspapers from France