Aéroport: les animaux menacés par les rayons X?
Comme les bagages, les animaux doivent passer par le scanner à rayon X de l’aéroport niçois. Une mesure de sécurité qui peut s’avérer dangereuse si l’exposition est répétée. Enquête
Martine et Daniel Giler sont luxembourgeois. Chaque mois, ils quittent le Grand-Duché pour atterrir à Nice. Accompagnés de leur chienne Lana. Un schnauzer géant de 2 ans et demi. Habitués des transports aériens, ils sont moins coutumiers des mesures de sécurité de l’aéroport Nice-Côte d’Azur. « On nous oblige à faire passer notre animal dans une cabine à rayons X sur laquelle est expressément indiqué, par une étiquette apposée sur la machine, qu’aucun corps vivant ne doit passer à l’intérieur. Depuis le 13 novembre, nous tentons d’obtenir des réponses précises de l’aéroport de Nice sur l’innocuité des rayons X. » Sans succès.
« Il faut passages pour atteindre le seuil »
Déroutés, les voyageurs nous ont contactés pour y voir plus clair. Réponse de l’aéroport : « Les mesures de sûreté sont édictées par l’Union européenne et l’État français. La direction générale de l’Aviation civile [DGAC] est en charge de leur application opérationnelle. » Avec, en pièce jointe, un rapport tronqué du Service technique de l’aviation civile (Stac) sur « la faisabilité du passage d’animaux vivants dans les appareils radioscopiques utilisés pour le contrôle des bagages. » Verdict : « En matière de radioprotection, il n’existe pas de référence réglementaire applicable aux animaux. Y compris dans le domaine de la radiologie vétérinaire, les dispositions réglementaires portées à notre connaissance ne concernent que le personnel. » Or sur le rapport du Stac, il est écrit que « la faisabilité du passage des animaux vivants dans les appareils radioscopiques est donc appréciée vis-à-vis des textes, et donc des seuils, qui s’appliquent à la protection des personnes contre les effets des rayonnements ionisants ». Sauf que, jusqu’à preuve du contraire, les passagers ne montent pas sur le tapis roulant destiné à l’inspection des bagages de cabine ou de soute. Ils sont contrôlés par des scanners de sûreté n’utilisant pas de rayonnements ionisants (1). Toutefois, en conclusions du rapport, il est stipulé que « la dose reçue lors d’un passage dans un appareil est toujours inférieure à la valeur du seuil, pourtant placé très bas, de protection du public. En d’autres termes, il faudrait 250 passages dans un appareil RX classique pour atteindre le seuil annuel d’exposition toléré pour le public. » « Ça peut provoquer une cancérogénèse » Par conséquent, « les valeurs présentées précédemment montrent sans ambiguïté que le passage d’un animal dans un appareil de contrôle des bagages du type de ceux utilisés sur les aéroports ne présente aucun risque pour sa santé. » On a pris la tension du côté de l’Ordre régional des vétérinaires. Le vice-président, Pierre Romantzoff, qui a également été contacté par le couple Giler a émis des doutes : « Les sources de rayon X sont hypercontrôlées dans le monde médical, notamment chez le vétérinaire. L’exposition est d’environ un centième voire quatre centièmes de seconde maximum. Or, à l’aéroport, le scanner dure au moins une seconde. On ne sait pas si ça relève du rayon X médical ou industriel. On ne sait pas quelle est la formation des employés. Il y a un défaut de communication qui nous paraît gênant. » Gênant et quelque peu inquiétant. Car, ces radiations ionisantes ne sont pas inoffensives. « Une exposition prolongée ou répétée peut provoquer des mutations cellulaires, développer un risque de cancérogénèse du sang, des os et des organes », fait valoir le vétérinaire. Nice-Matin a sollicité des éclaircissements auprès de la délégation Côte d’Azur de la DGAC, basée à l’aéroport. Ces derniers n’ont pas été en mesure de répondre sur le risque encouru par les animaux, renvoyant la balle au fournisseur des scanners. Fournisseur dont on a voulu obtenir le nom… sans succès.
L’aéroport peut choisir le mode de contrôle
Même si nous avons perdu le signal, la DGAC nous a tout de même indiqué la direction du journal officiel de l’Union européenne. Sur le règlement concernant les aéroports, on peut lire : « Lorsque le transport d’un animal est autorisé dans la cabine d’un aéronef, cet animal doit être soumis à une inspection/filtrage comme un passager ou comme un bagage de cabine » (2). L’aéroport est libre de choisir quel contrôle de sûreté faire passer aux animaux. En l’occurrence, au Luxembourg, les propriétaires n’ont aucune obligation de passer leur animal au crible. Contrairement à Nice, où il est précisé que les compagnons à quatre pattes doivent être «contrôlés dans les machines de sûreté avec l’accord du passager ». Accord que ne veulent pas donner Martine et Daniel Giler qui tentent d’obtenir une dérogation permanente. Inquiets de la santé de leur chienne qui est exposée tous les mois. Étonnés de l’omertà sur l’innocuité, ou pas, des scanners à rayons X. (1) Règlement CE n° 2015/1998, article 1, paragraphe 3, alinéa 1. (2) Règlement CE n° 2015/1998, article 4, paragraphe 1, alinéa 1.