Police aux frontières : une note interne jette le trouble « Tous citoyens ! » en appelle au préfet et au ministre de l’Intérieur
L’hebdomadaire Politis a révélé l’existence d’une note manuscrite, au poste de Police aux frontières de Menton, semblant attester le renvoi direct de migrants mineurs en Italie
Je ne ferai pas de commentaires sur la question. » Jean-Philippe Nahon, directeur départemental de la Police aux frontières, n’a voulu hier ni confirmer, ni infirmer les révélations de l’hebdomadaire Politis. L’hebdo a accompagné, ce samedi 31 mars, Michèle Rivasi, eurodéputée EELV du Grand SudEst, qui a fait irruption par surprise dans les locaux de la Paf de Menton pour observer les pratiques « d’accueil » des migrants. Au cours de son reportage, la journaliste de Politis est tombée sur une note affichée au mur et qui semble, à première vue, contredire les déclarations officielles selon lesquelles aucun mineur n’est renvoyé manu militari à la frontière.
«Si presse sur place ...»
La journaliste décrit une « pièce annexe » et des documents officiels affichés au mur, notamment des modes d’emploi, des consignes. Elle prend la photo. Sur l’un des papiers, une « Réquisition à transport réacheminement ». La journaliste indique : « La date a été L’association Tous citoyens ! a réagi hier matin aux révélations de l’hebdomadaire Politis. Pour l’association, cette note manuscrite est d’un « cynisme absolu ». Elle commente : « Cette note résume à elle seule toute la situation : la Paf bafoue quotidiennement le droit à la frontière italienne et ne fait mine de le respecter que si des journalistes sont présents ! » Tous citoyens !, présidée par David Nakache, s’insurge et souligne que « la Police de l’air et des frontières devrait faire respecter la loi et non l’enfreindre. (...) Le préfet des Alpes-Maritimes, qui a vu deux fois ses procédures concernant Plus de 415 000 vues sur Facebook en l’espace d’une semaine. 8 800 partages de la vidéo. Et un déluge de commentaires indignés. L’interpellation houleuse d’une famille de migrants, à Menton, suscite un vif émoi. Cette scène violente avait déjà choqué les témoins, le 16 février, à bord d’un train immobilisé en gare de Garavan. Décryptage.
Ce que montre la vidéo « Vous allez descendre. Descendez », enjoignent les CRS « Pourquoi m’arrêtez-vous ? M’avez-vous demandé si j’étais un criminel ? Je suis avec ma femme, elle est enceinte », rétorque, en anglais, le passager noir de peau. Il refuse de tendre ses papiers d’identité. Le ton monte. Les policiers entreprennent d’extraire cette famille partie de Vintimille. La scène vire à l’empoignade. Les cris fusent. « Ne touchez pas ma femme, elle est enceinte ! », hurle le père de famille. « Donnez-moi votre enfant », répètent les CRS. Dans la confusion, des passagers s’offusquent : « S’il vous plaît, il y a des enfants... les majeurs condamnées par le tribunal administratif de Nice a vu également deux fois ses services condamnés par la même instance pour avoir refoulé illégalement à la frontière des mineurs isolés étrangers. Il s’agit là non pas d’une entrave au droit d’asile mais d’une atteinte à la protection de l’enfance puisque ces mineurs, du fait de leur vulnérabilité, doivent être protégés jusqu’à leur majorité. »
possible », pratiques qu’elle confirme ». » Les auteurs de la vidéo sont à leur tour contrôlés. Puis la mère enceinte, manifestement prise de malaise, est évacuée sur le quai, tenue par les bras et les jambes.
Quelles sont ses coulisses Ces images ont été tournées au téléphone par Gaspard Flamand, Ulysse Goldman et Philémon Stines. Trois étudiants en 1re année à l’IUT de Cannes, qui rentraient d’un reportage à Vintimille auprès des associations d’aide aux migrants. Ils ont vu la scène dégénérer pour ce couple, accompagné d’une jeune femme et de deux enfants en bas âge. «Les CRS sont montés par chaque entrée. Ils ont repéré les personnes de couleur et les ont contrôlées. Mais face à une famille et une femme enceinte, ils se sont contentés d’appliquer le protocole, sans aucune humanité, assènent les jeunes apprentis journalistes. C’était absurde de les voir aussi menaçants et violents ! La plupart des passagers étaient choqués. Certains ont quitté le wagon ; ils ne voulaient pas voir ça... »
Les internautes s’indignent Faire voir, c’est le but de Gaspard, Ulysse et Philémon, « pour interpeller sur la frontière franco-italienne, montrer que ça se passe parfois mal, voire très mal ». Une fois montée, la vidéo est envoyée à l’Observatoire national des violences policières. Le 27 mars, elle est postée par un internaute, puis partagée par l’association Roya citoyenne. « Inimaginable... Inhumain... Insupportable... » : un vent d’indignation se répand.
La préfecture réplique « S’il y a des violences sur cette vidéo, elles ne sont pas du côté de la police, masquée et une note ajoutée au crayon à papier : “Si presse sur place, pas d’embarquement de mineurs dans les trains pour Vintimille ” ». Un point d’exclamation, dessiné à la main à côté, semble indiquer que la consigne est importante. Et la journaliste de s’interroger : « Des mineurs auraient été – ou seraient – donc renvoyés directement de l’autre côté de la frontière, sans même passer par la Paf ? ». Une polémique qui intervient alors que la préfecture des Alpes-Maritimes a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour ce genre de pratiques, par le tribunal administratif de Nice. L’ONG Amnesty International avait dénoncé dans un rapport, le 8 février dernier, la présence d’enfants « traités comme des adultes. Bien souvent, ils ne font l’objet d’aucune mesure d’identification pour savoir s’il s’agit d’enfants ou de jeunes majeurs ». Hier (voir ci-contre), l’association Tous citoyens ! en a officiellement appelé à l’intervention du ministre de l’Intérieur sur ce dossier. réplique-t-on du côté de la préfecture des Alpes-Maritimes. C’est l’attitude anormale des personnes interpellées qui a conduit les forces de l’ordre à faire un usage proportionné de la force. » La violence de la scène peut légitimement semer le trouble. Et la présence de bébés, expliquer des réactions à vif. « Il n’y a pas eu de violation flagrante des droits des personnes », insiste-t-on en préfecture. Si l’incident lui avait été rapporté, c’est à cause de... « ce qui s’est produit après. Une fois sur le quai, une des femmes avait jeté un enfant sur les voies. Et les CRS sont descendus le récupérer. Mais ça, la vidéo ne le montre pas... » Le préfet Georges-François Leclerc, pour sa part, « renouvelle sa confiance la plus totale et entend défendre l’honneur des forces de l’ordre qui agissent sous son autorité à la frontière franco-italienne ».