Séries digitales : elles font bien «mauvais genre»…
Les dix séries « format court » destinées au marché numérique ont séduit à la fois par leurs qualités artistiques et leur liberté de ton. Un genre appelé à être de plus en plus prédominant
Depuis que Kyan Khojandi a fait Bref sur Canal +, on sait qu’il n’est nul besoin de faire long pour être bon. La sélection CanneSeries digitale en est la preuve. Maîtrise technique, audace formelle, liberté de ton décomplexée et références assumées au cinéma de genres, ces «short programmes» (jusqu’à 26 mn l’épisode ) ne sont pas des sous-séries. Destinées aux nouveaux modes de consommations (tablettes, smartphones...), elles en incarnent déjà l’avenir du genre. La plus applaudie, Atropia, nous emmène à bord d’un navire spatial en perdition, dans un espace temporel parallèle. Un héritage SF jouissif de Starwars à Doom. Côté horrifique et gore, Bite Size Horror frappe fort, avec des sketches aussi désopilants que cruellement méchants où mamie terreur, clone maléfique, motard zombie et monstre de baignoire (!) cohabitent joyeusement. Dans le même registre, mais avec sérieux, Memento Mori (Corée du Sud) lorgne vers Old Boy, Cube, et le huis clos Sartrien, avec cinq prisonniers qui se réveillent enchaînés dans un bas-fond ensanglanté, et cette inscription en lettres de sang pour seule explication: Souviens-toi du meurtre d’autrui… Frisson garanti! Dans If I were you, l’angoisse est savamment distillée: Alba, nouvelle venue dans un lycée, est le sosie parfait d’une élève récemment disparue. Une série interactive, où les internautes votent entre deux suites à la fin de l’épisode! Côté humour noir et rouge sang, la création a des accents hispaniques, avec Camionero (Colombie): pour offrir un «anniversaire de princesse» à sa fille et satisfaire aux caprices de sa femme, un camionneur se retrouve aux prises avec les narco-trafiquants, lors un convoi qui a tout du Salaire de la peur. Dans Cabeza Madre ,unCubain exilé revient sur sa terre natale pour découvrir sa mère… décapitée. Un parcours jubilatoire, sans queue ni tête, mais avec des gueules pas possibles. Plus poétiques, les marginaux sympathiques de Dominos, à l’accent québécois. Ou bien le rap battle d’un couple séparé qui se jette dans L’arène, sur une B.O. d’enfer. On sourit aussi d’Immature, une sorte de Titeuf en Inde. Mais la plus audacieuse s’intitule Bonding, où comment un jeune serveur new-yorkais devient l’assistant personnel d’une jeune maîtresse sadomaso! Sex in the city n’a plus qu’à aller se rhabiller !