Nice-Matin (Cannes)

Bruno Bellone livre Les matches de sa vie

‘‘ Tous mes biens saisis, j’ai tout perdu ” L’ancien buteur de l’équipe de France dédicace Les matches de ma vie, aujourd’hui de 16 à 18 h à Cultura Mandelieu. Invité des déjeuners Nice-Matin/Cannes Radio, il revient sur son épopée

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Il a connu la gloire des grands soirs et les lendemains qui déchantent. Les soirs de fête, et les heures sombres de la défaite. La bonne fortune et les revers de la ruine. L’acclamatio­n des foules en liesse et la tristesse du champion oublié. Le talent précoce, et la blessure prématurée. Les vestiaires en sueur et villas à double piscine. Footballeu­r vedette, avant d’être animateur de lotos anonymes. Bruno Bellone. L’histoire d’un gamin de Ranchito, dont le pied gauche magique le conduira dans les plus grands stades du monde. Avec le maillot de l’équipe de France, de Cannes ou de Monaco. Surnommé Lucky Luke, parce qu’il marquait plus vite que son ombre, l’ailier aux 34 sélections nationales (pour deux buts) fut aussi un poor lonesome cow-boy. À 56 ans, l’homme se raconte, à travers une belle biographie : Tous les matchs de ma vie.

Votre livre est préfacé par le comédien Lorent Deutsh, passionné d’histoire et de foot ?

Eh oui. Depuis tout jeune, en fait, il était fan du footballeu­r. Je l’ai appris de Luc Sonor (ancien joueur de Monaco) qui avait dîné avec Platini et Lorent Deutsh. Quand ce dernier m’a cité, Platini a aussitôt répliqué : « Si Bellone flambait, c’est parce que c’est moi qui lui distribuai­s les ballons ! » (rires). Quand on s’est rencontré, Lorent m’a avoué que tout jeune, il avait deux idoles : Moi, et Goldorak ! Je suis allé le voir jouer au théâtre, et nous sommes devenus amis. Si j’avais eu un prof d’histoire comme lui, j’aurais été moins nul à l’école !

Ce livre, une forme d’exutoire ?

Exactement. J’ai quatre enfants, et tous ne connaissen­t pas toute ma vie. Je suis très fier d’avoir fait ce bouquin, pas pour tailler des costards mais pour parler de moi, et je suis encore plus content de rencontrer les gens pour en discuter avec eux.

Vous êtes devenue star du foot à Monaco, après avoir grandi dans le quartier Ranchito ?

Oui, mais à l’époque, dans ce quartier, quelle que soit la race ou la religion, on s’entendait tous super bien, et l’on se retrouvait autour d’un ballon. Ce foot de rue, ça forge aussi un caractère, ça apprend à te battre dans la vie, à ne pas te laisser faire. Quand je suis arrivé au centre de formation de Monaco à  ans et demi, je savais ce que je voulais,

‘‘ et je savais surtout me défendre. Heureuseme­nt, car c’était un peu la guerre.

Monaco, le titre national en -, et puis l’équipe de France, et deux coupes du monde épiques ?

En , je n’ai quasiment pas joué, sauf pour la troisième place. Mais pour un jeune de  ans et demi, ça reste un grand souvenir avec Marius Trésor, Battiston, Rocheteau qui était mon idole. En demi à Séville, dès avant le match, dans le couloir, les Allemands ont commencé à nous bousculer et nous insulter, Schumacher en tête. Quand Battiston est sorti sur civière, ça a été un choc : j’ai cru qu’il était mort ! En , on aurait dû gagner, mais Platini et Giresse étaient blessés, ils ont joué avec des piqûres aux chevilles, sans être jamais à  %. Contre le Brésil en quart, je ne devais pas tirer les penalties, mais certains se sont dégonflés et j’ai dû y aller. Dans le rond central, j’étais liquéfié. Mais avec de la chance (poteau, puis la tête du gardien), le ballon est rentré. Ouf ! Sinon, je ne rentrais plus au pays !

Et puis l’Euro victorieux de , et ce deuxième but en finale, qui libère tout un pays ? Tu as ressenti quoi à ce moment-là ?

Ah, je ne pourrais pas te répondre, tellement c’était violent et jouissif. Tout à coup, j’étais au-dessus de tout, avec la sensation de voler comme un oiseau. Les anciens m’ont dit : « Profite bien, car ça ne dure pas », et j’ai fait la fête toute la nuit.

La suite est moins glorieuse, avec une fracture à la cheville et la fin de ta carrière à  ans ?

Ce métier, c’était toute ma vie. J’ai consulté partout pour guérir, mais ma cheville a été brisée deux fois. C’est à cause de ces médecins picadors, qui m’ont fait des infiltrati­ons pour que je ne ressente plus la douleur, mais qui ont aggravé le mal. Le lendemain du match, tu ne marches plus ! Et puis, la veille de m’opérer, le chirurgien se tire une flèche dans la tête, et meurt dans sa piscine.

Et puis le divorce, la faillite ?

Je n’ai pas eu de chance. Dès  ans, j’ai fait confiance aveuglémen­t à un ami de mon père, qui était dans l’immobilier. Au fur et à mesure, je me suis aperçu que des trucs n’allaient pas. Il ne m’a fait investir que dans des trucs à lui, à des sommes astronomiq­ues. J’avais des crédits et   francs de pension alimentair­e quand ma carrière s’est soudain arrêtée. S’est ajouté le krach immobilier, et l’ami de mon père s’est enfui. Tous mes biens ont été saisis, j’ai tout perdu, j’ai même vécu chez mes parents au Cannet. Après, j’ai animé des lotos…

Entraîneur ?

J’ai le diplôme, mais non, t’es gentil.

Tu dis que tu ne te reconnais pas dans le foot d’aujourd’hui ?

Non, pas du tout, et je vais rarement assister aux matches. À l’époque, dans une équipe, on mangeait et dormait ensemble. Aujourd’hui, j’ai l’impression que chaque joueur est dans son petit monde, il fait son métier durant le match, et puis il rentre chez lui. Ce qui m’exaspère, ce sont ces joueurs qui embrassent l’écusson de leur maillot après un but, et puis qui se cassent dans un autre club trois mois après. C’est inadmissib­le ! Moi, j’allais au bout de mes contrats.

On te surnommait Lucky Luke durant ta carrière de buteur. Et aujourd’hui, tu es qui?

Ah… aujourd’hui, je suis davantage un cow-boy apaisé, qui chevauche tranquille­ment son cheval vers sa destinée…

A l’Euro, j’ai volé comme un oiseau”

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(Photo A.C.)

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