Nice-Matin (Cannes)

Aux Liserons, les dealers recrutent encore à Paris

Une nouvelle fois, un jeune banlieusar­d a été interpellé dans ce quartier de Nice, en train de vendre de la drogue. Son supérieur hiérarchiq­ue a été condamné hier à quatre de prison

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Le phénomène est apparu en 2015 et ne se tarit pas, tant les besoins de main-d’oeuvre des trafiquant­s de drogue niçois sont permanents. Yanis, 18 ans, originaire d’Argenteuil (Val-d’Oise), a fui son lycée pour rejoindre le mois dernier l’impasse des Liserons, haut-lieu du marché des stupéfiant­s à Nice, avec deux de ses amis encore adolescent­s. La police, qui surveillai­t les allées et venues dans le hall B du bâtiment 7, les a interpellé­s ainsi que Taoufik Haddaji, 33 ans, leur supérieur hiérarchiq­ue , qui se chargeait de l’approvisio­nnement tout en encaissant l’argent.

 kg de drogue et des armes

La chance a souri aux enquêteurs puisque dans le bâtiment 5, ils ont découvert dans une valise de 5 kg de cannabis, 1 kg de cocaïne, 5 600 euros en petites coupures, deux pistolets avec des munitions. Une femme seule, quinquagén­aire vulnérable, était contrainte, selon le procureur de la République, Jean-Michel Prêtre, de « jouer la nour rice ». Autrement dit de garder chez elle la précieuse marchandis­e pour le compte de ce réseau. Haddaji, en état de récidive légale (il a été condamné à quatre ans pour des faits similaires) endosse l’entière responsabi­lité du trafic. Mais les magistrats ont de sérieux doutes sur sa postion hiérarchiq­ue. Lors du procès qui s’est tenu hier après-midi dans le cadre d’une comparutio­n immédiate, la présidente Laurie Duca interroge: « Comment, alors que vous n’avez pas d’argent, investisse­z-vous 53 000 euros ? » « J’ai commencé avec 3 000 euros gagnés aux paris sportifs », rétorque, sans convaincre, Taoufik Haddaji, sorti de prison il y a treize mois. Impossible non plus de savoir si les petites mains de la région parisienne prennent l’initiative de venir jusqu’à Nice ou sont sollicitée­s par une filière de recrutemen­t. Yanis prétend qu’il percevait 80 euros par jour. Là encore, la présidente n’y croit pas : « À ce tarif, faites du baby-sitting, c’est moins risqué ! »

Coquet chiffre d’affaires

Les « charbonneu­rs » (surnom des petits vendeurs de rue) sont généraleme­nt rémunérés 100 à 150 euros par jour. Le chiffre d’affaires de ce réseau est estimé par les enquêteurs à 4 000 euros minimum par jour. Malgré les efforts de la présidente, difficile de percer le rôle exact de chacun. Le procureur Jean-Michel Prêtre requiert six ans de prison à l’encontre d’Haddaji, «un chef d’équipe, plutôt qu’un chef d’entreprise. » Me Christian Scolari, avocat de la défense, fustige une enquête qui se résume à deux procès-verbaux. « Et les autres, et les autres ? », questionne le pénaliste en haussant le ton pour faire remarquer que son client n’est qu’un sous- fifre sans surface financière. Me David Antoine est persuadé que Yanis, élève en plomberie, inconnu à ce jour de la justice, a tiré les leçons du mois passé en prison: « Il a hâte de passer son bac. » Haddaji écope de quatre ans d’emprisonne­ment. Le jeune vendeur s’en tire, lui, avec huit mois dont quatre avec sursis, peine conforme aux réquisitio­ns. Les deux prévenus restent pour l’instant en détention puisque le tribunal a décerné contre eux un mandat de dépôt. Sûr que depuis leur incarcérat­ion, d’autres candidats ont déjà été recrutés…

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L’impasse des Liserons, au nord-est de Nice, attire des jeunes de la région parisienne. Ils savent que les trafiquant­s de drogue recherchen­t de la main-d’oeuvre. (Photo Laure Bruyas)

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