Aux Liserons, les dealers recrutent encore à Paris
Une nouvelle fois, un jeune banlieusard a été interpellé dans ce quartier de Nice, en train de vendre de la drogue. Son supérieur hiérarchique a été condamné hier à quatre de prison
Le phénomène est apparu en 2015 et ne se tarit pas, tant les besoins de main-d’oeuvre des trafiquants de drogue niçois sont permanents. Yanis, 18 ans, originaire d’Argenteuil (Val-d’Oise), a fui son lycée pour rejoindre le mois dernier l’impasse des Liserons, haut-lieu du marché des stupéfiants à Nice, avec deux de ses amis encore adolescents. La police, qui surveillait les allées et venues dans le hall B du bâtiment 7, les a interpellés ainsi que Taoufik Haddaji, 33 ans, leur supérieur hiérarchique , qui se chargeait de l’approvisionnement tout en encaissant l’argent.
kg de drogue et des armes
La chance a souri aux enquêteurs puisque dans le bâtiment 5, ils ont découvert dans une valise de 5 kg de cannabis, 1 kg de cocaïne, 5 600 euros en petites coupures, deux pistolets avec des munitions. Une femme seule, quinquagénaire vulnérable, était contrainte, selon le procureur de la République, Jean-Michel Prêtre, de « jouer la nour rice ». Autrement dit de garder chez elle la précieuse marchandise pour le compte de ce réseau. Haddaji, en état de récidive légale (il a été condamné à quatre ans pour des faits similaires) endosse l’entière responsabilité du trafic. Mais les magistrats ont de sérieux doutes sur sa postion hiérarchique. Lors du procès qui s’est tenu hier après-midi dans le cadre d’une comparution immédiate, la présidente Laurie Duca interroge: « Comment, alors que vous n’avez pas d’argent, investissez-vous 53 000 euros ? » « J’ai commencé avec 3 000 euros gagnés aux paris sportifs », rétorque, sans convaincre, Taoufik Haddaji, sorti de prison il y a treize mois. Impossible non plus de savoir si les petites mains de la région parisienne prennent l’initiative de venir jusqu’à Nice ou sont sollicitées par une filière de recrutement. Yanis prétend qu’il percevait 80 euros par jour. Là encore, la présidente n’y croit pas : « À ce tarif, faites du baby-sitting, c’est moins risqué ! »
Coquet chiffre d’affaires
Les « charbonneurs » (surnom des petits vendeurs de rue) sont généralement rémunérés 100 à 150 euros par jour. Le chiffre d’affaires de ce réseau est estimé par les enquêteurs à 4 000 euros minimum par jour. Malgré les efforts de la présidente, difficile de percer le rôle exact de chacun. Le procureur Jean-Michel Prêtre requiert six ans de prison à l’encontre d’Haddaji, «un chef d’équipe, plutôt qu’un chef d’entreprise. » Me Christian Scolari, avocat de la défense, fustige une enquête qui se résume à deux procès-verbaux. « Et les autres, et les autres ? », questionne le pénaliste en haussant le ton pour faire remarquer que son client n’est qu’un sous- fifre sans surface financière. Me David Antoine est persuadé que Yanis, élève en plomberie, inconnu à ce jour de la justice, a tiré les leçons du mois passé en prison: « Il a hâte de passer son bac. » Haddaji écope de quatre ans d’emprisonnement. Le jeune vendeur s’en tire, lui, avec huit mois dont quatre avec sursis, peine conforme aux réquisitions. Les deux prévenus restent pour l’instant en détention puisque le tribunal a décerné contre eux un mandat de dépôt. Sûr que depuis leur incarcération, d’autres candidats ont déjà été recrutés…