Sous les pavés Belle histoire et triste fin du couvent des Cordeliers
Tous les mardis, en alternance avec notre chronique le passé redevient d’actualité
Quiconque se penche sur l’origine du mot cordelier pense immédiatement et, à juste titre, au mot corde. Ce sont des religieux de l’ordre de SaintFrançois d’Assise, autrement dit des Franciscains qui portent pour ceinture une corde à trois noeuds symbolisant obéissance, pauvreté et chasteté avec comme objectifs, secourir les pauvres, les miséreux, les vieillards et recueillir les enfants abandonnés. À Antibes, on note leur présence dès le XVIe siècle. Leur installation date du 8 mai 1516, hors la ville dans le quartier de Laval. Les pères Cordeliers de l’Observance y construisirent leur couvent et leur église « sur une éminence à 800 pas de la ville » : Notre-Damedes-Anges, le plus souvent désignée par les gens du pays par Notre-Dame-d’Entrevignes, sans doute en raison de l’abondance de pieds de vigne dans son environnement. Il existe d’ailleurs encore dans ce secteur une avenue Notre-Dame-d’Entrevignes. On retrouva des ruines de ces bâtiments lors des travaux de construction du chemin de fer et de la route de la gare. Les moines s’installèrent alors sur le plateau de la Garoupe dans la tour en 1520 avant de commencer la construction de leur couvent, le couvent des Cordeliers, à l’intérieur des remparts sur une zone bordée de marécages (place de la Poste actuelle ). L’édification des bâtiments, église, clocher, cloître et dépendances, salle du chapitre (lieu où se discutent toutes les affaires touchant à la communauté), réfectoire, bibliothèque, infirmerie, caveau pour les morts, commencera en 1552. La construction du clocher débutera le 7 juin 1564 et sera achevée le 7 septembre suivant. La ville fournira 60 livres pour payer la grosse cloche fabriquée à Avignon. L’installation de la confrérie dans ces locaux intra-muros se fera en 1582. La ville s’impliquera à maintes reprises pour les aider : en 1634, elle donna 100 livres pour le pavement des dortoirs, en 1642, elle a fait recouvrir tout le couvent «eta fait faire l’année suivante la garderobe de la sacristie, le tout ayant coûté 200 livres. »
Le mal vient du Nord
En 1649, fut commencé le retable du maître-hôtel pour la façon duquel la communauté, par une délibération du Conseil, octroya une somme de 600 livres qui sera complétée l’année suivante par 400 livres rajoutées par la Ville et 200 livres d’aumônes. Le 22 juin 1688, « la grosse cloche s’étant cassée, fut jetée dans la fonte par Maître Pierre Jourdan, fondeur de la ville de Marseille aux frais de la communauté. » La nouvelle cloche qui pesait 4 quintaux de plus, coûta à la Ville la somme de 675 livres. En remerciement de leur aide, les généreux consuls ont été les parrains de la cloche lors de sa bénédiction. En 1689 la communauté donna encore 150 livres pour faire construire le dôme du clocher. L’église était orientée dans la direction Nord-Sud, alors que tous les édifices chrétiens sont habituellement dirigés vers le soleil levant, c’està-dire l’Est. En cette période, on considérait que le mal venait du Nord et cette orientation permettait de l’affronter. Elle abritera les sépultures des notables antibois et sans doute celles des Grimaldi. Les bâtiments conventuels terminés impressionnent par leur taille. Ils se dressaient, longeant l’actuelle rue de la République (autrefois rue du Lauzat, puis Grande-Rue) depuis la voie dénommée le Cornillon de Lacan (actuelle rue Lacan), à l’actuelle rue Championnet !
Caserne, hôpital, arsenal
En 1723, la confrérie comptait douze religieux aidés par deux domestiques. En raison du nombre restreint de religieux et du manque de bâtiments militaires, en 1775, le cloître abritera le dépôt de blé et de farine de l’armée. On prévoit sa transformation en caserne en 1785. Devenu bien national à la Révolution, le bâtiment sera successivement hôpital militaire puis grand arsenal. Il servira de caserne aux troupes de passage et sous l’Empire, de nouveaux bâtiments seront construits pour y loger un grand parc d’artillerie. Il sera encore utilisé en 1914 par l’armée pour y entreposer du matériel et des équipements. Racheté par la Ville à l’administration militaire, le couvent des Cordeliers qui avait été laissé à l’abandon et qui aurait mérité un plus noble destin, sera hélas détruit en 1933 sous la municipalité Bourreau pour restructurer le quartier. ■ Sources : Dictionnaire d’Antibes-Juan-les-Pins par Pierre Tosan (édition Hepta). Documents Archives Municipales d’Antibes. « Antibes, vous connaissez » ouvrage de Bernard Boetti. Documents et aide de Robert Maire. Antibes, grandeur et servitudes d’une place forte (Archives Municipales 1995).