Un pédopsychiatre niçois: «Une violence comparable aux sévices sur les enfants»
Le pédopsychiatre niçois Georges Juttner compare la maltraitance animale à celle qui s’exerce à l’encontre des enfants. Le mécanisme n’est pas très éloigné, avec pour point de départ une même pulsion de violence. « On peut supposer sans trop de difficulté que ces actes de torture sur les animaux sont une manière d’exprimer sa propre violence, surtout lorsqu’il s’agit d’animaux domestiques. Les chiens sont soumis à leur maître, leur manifestant un profond attachement. Ces individus pratiquent donc une violence gratuite envers un être qui les aime, ce qui est très proche de ce que l’on observe dans le cadre des sévices sur enfants. » Internet, une caisse de résonance ? « Certainement. Mais les images que ces individus peuvent y poster ne vont rebondir que chez ceux qui ont des prédispositions à manifester cette violence. Ce qui nous place déjà du côté de la pathologie. » Qui sont les auteurs ? « Le plus souvent, des personnes souffrant d’un trouble narcissique important. Or, le trouble narcissique, c’est le trouble de l’estime de soi. On peut donc parler de gens ayant une image incon-
sciente d’eux-mêmes très dévalorisée. La violence est une façon d’exprimer l’inverse, c’està-dire le pouvoir qu’ils ont sur l’autre. En l’occurrence, sur un animal sans défense. »
Pulsion de mort
Le mouvement d’indignation que ces actes suscitent dans l’opinion est généralement considérable. Il résulte d’un processus d’identification à la victime: «Là encore, c’est à rapprocher de ce que produisent les sévices sur enfants.» Il revient à l’esprit de Georges Juttner le souvenir de l’appel téléphonique d’une enseignante que la copie d’un jeune élève avait interpellée. « Devant faire une rédaction sur la façon qu’il aurait d’utiliser une après-midi libre, ce collégien avait raconté sa rencontre avec un chien dans la rue. Le chien le suivait, le garçon lui donnait à manger et s’ensuivait une scène d’une violence extraordinaire au cours de laquelle l’animal était attaché à un radiateur et frappé à l’aide d’une chaîne, aucun détail n’étant épargné sur la description du chien couvert de sang. La rédaction se terminait ainsi : “Ouf, je me suis réveillé et c’était un cauchemar…” L’enseignante était très inquiète, mais pour moi tout se rétablissait avec cette conclusion.» Même si, souligne le pédopsychiatre, «ce que l’on écrit est toujours un miroir de soi-même ». Sommes-nous tous exposés à de tels accès de violence? « Nous avons en nous des représentants de la pulsion de mort, mais nous savons les exprimer autrement », dit Georges Juttner. Qui rappelle que, dès la toute petite enfance, nous sommes soumis à cette dualité entre la vie et la destruction, ce que l’éducation a pour mission d’équilibrer. «La pathologie, c’est quand la pulsion de mort prend le dessus», schématise le docteur Juttner, en évoquant la littérature et la peinture comme deux moyens parmi d’autres de s’en débarrasser, en donnant à cette pulsion « une forme acceptable pour autrui ».