À Brégançon, trois moments de diplomatie
En choisissant de recevoir à Brégançon la Première ministre britannique Theresa May, Emmanuel Macron entend, comme il l’a déjà fait avec Le Louvre ou Versailles, s’approprier un lieu symbolique de la présidence française. « Les lieux lui ont parlé », confiait en juin dernier dans Le Parisien le porte-parole de l’Élysée, Bruno Roger-Petit, qui estime que cela
«fait partie du travail sur l’imaginaire présidentiel. Ce sont des lieux d’enracinement. Si on ne s’y inscrit pas, on incarne une présidence déconnectée de l’Histoire.» Et d’assurer que le chef de l’État compte bien s’en servir pour d’autres rencontres bilatérales «dans un
cadre intimiste, comme les présidents américains à Camp David. »
Un rôle auquel ses prédécesseurs avaient déjà eu recours à l’occasion. Car s’il a plus souvent été utilisé afin de mettre en scène les vacances – forcément studieuses – des locataires de l’Élysée, le fort varois a aussi été le théâtre – outre quelques sessions de travail de l’exécutif – de rencontres diplomatiques.
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Mitterrand-Kohl: renforcer le rapprochement franco-allemand
Et en premier lieu celle, le 24 août 1985, entre François Mitterrand et le chancelier de la République fédérale d’Allemagne, Helmut Kohl. Onze mois après l’image historique des deux dirigeants main dans la main devant l’ossuaire de Douaumont (Meuse), la visite s’inscrit dans la poursuite de la réconciliation franco-allemande, dont le premier président socialiste de la Ve République avait fait une priorité. Au programme: les relations EstOuest bien sûr, ainsi que la Communauté économique européenne et, déjà, le dossier d’un futur avion de combat européen. Elle aboutit, surtout, à la mise en place d’un « téléphone rouge » entre Paris et Berlin. Un an plus tôt, « ayant appris qu’il ne [savait] pas où passer ses vacances», selon Roland Dumas, François Mitterrand avait par ailleurs reçu à Brégançon le Premier ministre irlandais, Garret FitzGerald, et sa famille. Un séjour sur fond de bras de fer agricole avec l’Angleterre sur les quotas de production laitière.
Chirac-Bouteflika : tourner la page de la crise des harkis
Le 16 août 2004, c’est Jacques Chirac qui reçoit Abdelaziz Bouteflika à Brégançon. La scène se déroule au lendemain des célébrations du 60e anniversaire du Débarquement en Provence, auxquelles ce dernier a participé en compagnie de plusieurs autres chefs d’État africains invités à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle, à Toulon. Objectif: acter l’apaisement des relations entre les deux pays, mal en point après une déclaration tonitruante du président algérien, quatre ans plus tôt, qualifiant les harkis de «collabos».
« Une page est bien tournée maintenant » ,déclare Bouteflika à l’issue du déjeuner: «Les
vieilles plaies sont cicatrisées. »
Sarkozy-Condoleezza Rice : la fin du conflit Russie-Géorgie
Il faut ensuite attendre 2008 pour voir une nouvelle, et dernière, rencontre diplomatique dans l’enceinte du fort: le 14 août, en plein conflit entre la Russie et la Géorgie, Nicolas Sarkozy y reçoit la secrétaire d’État américaine, Condoleezza Rice. Les jours précédents, le président français s’était rendu à Moscou et Tbilissi afin de rencontrer les présidents russe Dmitri Medvedev et géorgien Mikheïl Saakachvili. Des négociations à l’issue desquelles un plan de paix avait été approuvé et qui, à Brégançon, avait reçu le soutien américain. Huit jours plus tard, la Russie achevait de retirer ses troupes du territoire géorgien.