La Valmasque défigurée
L’obligation légale de débroussaillement a conduit à un massacre d’arbre sur près de 13 ha de forêt à la Valmasque. Mandatée par une copropriété, une entreprise privée a agi sans contrôle de l’ONF
La cause est juste, à savoir la protection contre l’incendie de l’Association Syndicale Libre Les Parcs de Mougins , mais les moyens utilisés sont-ils proportionnés ? 13 hectares de la forêt de la Valmasque ont, dans ce but, été livrés aux tronçonneuses de l’entreprise forestière Sebso de Saint-Gaudens sans qu’on sache clairement combien de pins et de chênes sont tombés. D’autant plus que l’entreprise a agi sans surveillance et qu’un arrangement devait être trouvé pour qu’elle se paie sur la vente du bois, comme l’a indiqué le maire (lire ci-contre).
Spécimens clairsemés
Un témoignage indirect rapporté par une promeneuse assidue du lieu, Brigitte Ravier, confirme ces craintes : « J’ai discuté avec un garde forestier. Il a dit que les ouvriers avaient fait des clairières, pas des éclaircies, et qu’ils avaient coupé bien plus d’arbres que prévu. » L’émoi des usagers du secteur de la Mouginette est fort devant le spectacle d’une vaste étendue où subsistent des spécimens maigrichons et clairsemés. « On est tous scandalisés. C’est trop violent ! », réagissait Carole, Ariane, Nadine, à l’unisson de Kesser et Noah, pour lesquels « c’est un crève-coeur. » Quant à Brigitte Ravier, elle affirme que «4 semi-remorques immenses ont été enlevés, en 3 semaines de tronçonnage. » Les ouvriers de Sebso, vus à l’ouvrage, devant un mur impressionnant d’arbres abattus, n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Quant à l’entreprise, contactée par téléphone, elle ne semblait pas se souvenir d’exercer sur ce chantier avant de, finalement, s’exprimer par Jean-Louis Marsande, chef responsable de la région (lire ci-dessous).
Arrêté préfectoral
Toute l’histoire a commencé par une obligation légale de débroussaillement non réalisée par Les Parcs de Mougins implantés en lisière de forêt. Selon cette loi, les propriétaires de bâtiments ou terrains ont la charge du débroussaillement dans les zones à risques d’incendie sur une distance d’au moins 50 mètres (ici, 100 m). Normalement, le débroussaillement consiste à éliminer les herbes et broussailles au niveau du sol et les branches basses, et couper les arbustes sous les arbres. Autre paramètre : la Valmasque est propriété du conseil départemental. Il s’ensuit une discussion sur qui doit payer la facture, «colossale», selon le président de l’ASL, M. Finck : «500 € d’élagage par arbre, ça nous amenait à 1 million d’euros à charge de notre copropriété !» A ce stade, la Préfecture avait en effet pris la main par un arrêté imposant des éclaircies, pour «une mise à distance des houppiers (cime des arbres NDLR)», dans une zone régie par un PPRI (1).
Chantier sans contrôle
Entre alors en jeu l’Office national des forêts (ONF) chargé de déterminer les arbres visés. 2400 spécimens sont recensés. Un chiffre ramené à 1700 par l’intervention du maire qui se dit « très choqué par cette opération » qui en fait d’élagage consiste en un abattage de masse. Richard Galy intercède
aussi pour que l’ASL ne paie pas la facture (voir ci-contre). À la fin de l’histoire, il y a un perdant : le patrimoine naturel commun. Et des questions sur la pertinence des mesures prises et l’absence de surveillance opérées par l’ONF, ou par les instances départementales, comme le confirment les responsables (lire ci-contre). M. Greulich (ONF) assure que des vérifications auront lieu, après coup. « Si trop d’arbres ont été abattus, une plainte sera déposée ».