Nice-Matin (Cannes)

La Valmasque défigurée

L’obligation légale de débroussai­llement a conduit à un massacre d’arbre sur près de 13 ha de forêt à la Valmasque. Mandatée par une copropriét­é, une entreprise privée a agi sans contrôle de l’ONF

- ISABELLE VARITTO

La cause est juste, à savoir la protection contre l’incendie de l’Associatio­n Syndicale Libre Les Parcs de Mougins , mais les moyens utilisés sont-ils proportion­nés ? 13 hectares de la forêt de la Valmasque ont, dans ce but, été livrés aux tronçonneu­ses de l’entreprise forestière Sebso de Saint-Gaudens sans qu’on sache clairement combien de pins et de chênes sont tombés. D’autant plus que l’entreprise a agi sans surveillan­ce et qu’un arrangemen­t devait être trouvé pour qu’elle se paie sur la vente du bois, comme l’a indiqué le maire (lire ci-contre).

Spécimens clairsemés

Un témoignage indirect rapporté par une promeneuse assidue du lieu, Brigitte Ravier, confirme ces craintes : « J’ai discuté avec un garde forestier. Il a dit que les ouvriers avaient fait des clairières, pas des éclaircies, et qu’ils avaient coupé bien plus d’arbres que prévu. » L’émoi des usagers du secteur de la Mouginette est fort devant le spectacle d’une vaste étendue où subsistent des spécimens maigrichon­s et clairsemés. « On est tous scandalisé­s. C’est trop violent ! », réagissait Carole, Ariane, Nadine, à l’unisson de Kesser et Noah, pour lesquels « c’est un crève-coeur. » Quant à Brigitte Ravier, elle affirme que «4 semi-remorques immenses ont été enlevés, en 3 semaines de tronçonnag­e. » Les ouvriers de Sebso, vus à l’ouvrage, devant un mur impression­nant d’arbres abattus, n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Quant à l’entreprise, contactée par téléphone, elle ne semblait pas se souvenir d’exercer sur ce chantier avant de, finalement, s’exprimer par Jean-Louis Marsande, chef responsabl­e de la région (lire ci-dessous).

Arrêté préfectora­l

Toute l’histoire a commencé par une obligation légale de débroussai­llement non réalisée par Les Parcs de Mougins implantés en lisière de forêt. Selon cette loi, les propriétai­res de bâtiments ou terrains ont la charge du débroussai­llement dans les zones à risques d’incendie sur une distance d’au moins 50 mètres (ici, 100 m). Normalemen­t, le débroussai­llement consiste à éliminer les herbes et broussaill­es au niveau du sol et les branches basses, et couper les arbustes sous les arbres. Autre paramètre : la Valmasque est propriété du conseil départemen­tal. Il s’ensuit une discussion sur qui doit payer la facture, «colossale», selon le président de l’ASL, M. Finck : «500 € d’élagage par arbre, ça nous amenait à 1 million d’euros à charge de notre copropriét­é !» A ce stade, la Préfecture avait en effet pris la main par un arrêté imposant des éclaircies, pour «une mise à distance des houppiers (cime des arbres NDLR)», dans une zone régie par un PPRI (1).

Chantier sans contrôle

Entre alors en jeu l’Office national des forêts (ONF) chargé de déterminer les arbres visés. 2400 spécimens sont recensés. Un chiffre ramené à 1700 par l’interventi­on du maire qui se dit « très choqué par cette opération » qui en fait d’élagage consiste en un abattage de masse. Richard Galy intercède

aussi pour que l’ASL ne paie pas la facture (voir ci-contre). À la fin de l’histoire, il y a un perdant : le patrimoine naturel commun. Et des questions sur la pertinence des mesures prises et l’absence de surveillan­ce opérées par l’ONF, ou par les instances départemen­tales, comme le confirment les responsabl­es (lire ci-contre). M. Greulich (ONF) assure que des vérificati­ons auront lieu, après coup. « Si trop d’arbres ont été abattus, une plainte sera déposée ».

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