Nice-Matin (Cannes)

entre Antibes et St-Isidore

Elle met le trafic en équation pour réduire les embouteill­ages

- SOPHIE CASALS scasals@nicematin.fr

Les routes des Alpes-Maritimes et du Var saturent, les embouteill­ages s’étirent sur des kilomètres. Un problème insoluble à résoudre? Pas pour Paola Goatin et son équipe. Cette mathématic­ienne a été missionnée

(1) par l’Europe pour trouver des systèmes de régulation de la circulatio­n. « Les méthodes classiques pour minimiser un bouchon sur l’autoroute sont: d’en contrôler l’accès en le fermant par exemple, mais ça peut avoir des effets néfastes sur le réseau secondaire. L’autre levier c’est de mettre en place des limitation­s de vitesse variables.» Elle projette au mur équations et graphiques… complexes.

« Calculer la vitesse optimale »

« Ce sont des équations aux dérivées partielles. Elles nous permettent de calculer la solution, c’est-à-dire le réglage optimal de vitesse pour améliorer le temps de parcours.» À partir de données remontant à 2013, elle a modélisé le trafic, sur le tronçon Antibes-Nice Saint-Isidore. Pour voir comment évoluerait un embouteill­age avec et sans régulation de vitesse. «L’algorithme calcule la vitesse optimale, on l’applique et, au bout de 5 minutes on recalcule et on met à jour. Sur le graphique on voit qu’à partir de 8 h 30, c’était complèteme­nt bouché et la congestion durait 2 heures.» Et avec une régulation? « On retarde dans le temps la congestion de 10 minutes, et elle dure un peu moins d’1 heure. En ralentissa­nt les gens qui arrivent, ça a un impact positif sur le système global.» Mais pour parvenir à ce résultat, il faut informer les conducteur­s des vitesses maximales à respecter en amont de l’embouteill­age. Et qu’ils respectent ces limitation­s. « Les panneaux d’informatio­n ne se situent qu’à certains endroits. Mais demain avec les véhicules connectés on peut imaginer informer les automobili­stes de façon plus souple.» Après une phase de recherche théorique, Paola Goatin s’emploie aujourd’hui à traduire ces équations, en outil de gestion du trafic opérationn­el. Avec un ingénieur d’études elle élabore un « optimiseur » de circulatio­n dans la région de Marseille (2).

Pas de chiffres dans les A-M et le Var

Les scientifiq­ues se concentren­t sur les points noirs à l’entrée de cité phocéenne. « On rentre les vitesses autorisées, le nombre de voies pour calibrer le modèle. » Sur son ordinateur elle affiche la carte du réseau. « L’objectif c’est d’avoir un simulateur calibré et validé. Il calculera à des endroits donnés comment gérer au mieux le trafic. » En temps réel. « L’algorithme calcule en 1 minute quel est le bon contrôle (vitesse, accès) à implémente­r.» Une précieuse aide à la décision pour les opérateurs de ce réseau. « On ne peut avancer que si on dispose des données pour travailler. » Or, c’est là que le bât blesse. Les opérateurs locaux ne communique­nt pas de chiffres de trafic précis et récents pour les Alpes-Maritimes et le Var. Pas de chiffres, pas de simulateur. La mathématic­ienne s’est donc tournée vers un secteur où les autoroutes sont gérées par l’État. « La direction interdépar­tementale des routes Méditerran­ée a mis à notre dispositio­n des données, récupérées par leurs boucles de trafic. Sur une partie du réseau autoroutie­r qui n’est pas concédée. Ce dispositif pourrait se généralise­r dans les AlpesMarit­imes quand les opérateurs nous fourniront ces informatio­ns.» Si aujourd’hui, le contrat qui lie l’État, propriétai­re du réseau à Vinci Autoroute, ne contraint pas le concession­naire à fournir ces données, la société se dit prête à étudier la demande des chercheurs. « Nous ne communiquo­ns pas de jeux de données de trafic complets et récents parce qu’il s’agit d’informatio­ns sensibles, explique un porte-parole de la société autoroutiè­re. Si l’INRIA nous adresse une demande nous pourrions dans le cadre d’une convention et d’un strict usage au sein de l’institut de recherche leur fournir des chiffres.» 1. Directrice de Recherche à l’Inria Sophia Antipolis, responsabl­e de l’Equipe-Projet ACUMES, commune avec le Laboratoir­e Jean-Alexandre Dieudonné de l’Université de Nice. 2. Un projet mis en oeuvre avec la Direction Interdépar­tementale des routes Méditerran­ée.

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(Photo Jean-Sébastien Gino-Antomarchi) À Sophia Antipolis, la mathématic­ienne Paola Gatin a été missionnée par l’Europe pour trouver des systèmes de régulation de la circulatio­n.

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