entre Antibes et St-Isidore
Elle met le trafic en équation pour réduire les embouteillages
Les routes des Alpes-Maritimes et du Var saturent, les embouteillages s’étirent sur des kilomètres. Un problème insoluble à résoudre? Pas pour Paola Goatin et son équipe. Cette mathématicienne a été missionnée
(1) par l’Europe pour trouver des systèmes de régulation de la circulation. « Les méthodes classiques pour minimiser un bouchon sur l’autoroute sont: d’en contrôler l’accès en le fermant par exemple, mais ça peut avoir des effets néfastes sur le réseau secondaire. L’autre levier c’est de mettre en place des limitations de vitesse variables.» Elle projette au mur équations et graphiques… complexes.
« Calculer la vitesse optimale »
« Ce sont des équations aux dérivées partielles. Elles nous permettent de calculer la solution, c’est-à-dire le réglage optimal de vitesse pour améliorer le temps de parcours.» À partir de données remontant à 2013, elle a modélisé le trafic, sur le tronçon Antibes-Nice Saint-Isidore. Pour voir comment évoluerait un embouteillage avec et sans régulation de vitesse. «L’algorithme calcule la vitesse optimale, on l’applique et, au bout de 5 minutes on recalcule et on met à jour. Sur le graphique on voit qu’à partir de 8 h 30, c’était complètement bouché et la congestion durait 2 heures.» Et avec une régulation? « On retarde dans le temps la congestion de 10 minutes, et elle dure un peu moins d’1 heure. En ralentissant les gens qui arrivent, ça a un impact positif sur le système global.» Mais pour parvenir à ce résultat, il faut informer les conducteurs des vitesses maximales à respecter en amont de l’embouteillage. Et qu’ils respectent ces limitations. « Les panneaux d’information ne se situent qu’à certains endroits. Mais demain avec les véhicules connectés on peut imaginer informer les automobilistes de façon plus souple.» Après une phase de recherche théorique, Paola Goatin s’emploie aujourd’hui à traduire ces équations, en outil de gestion du trafic opérationnel. Avec un ingénieur d’études elle élabore un « optimiseur » de circulation dans la région de Marseille (2).
Pas de chiffres dans les A-M et le Var
Les scientifiques se concentrent sur les points noirs à l’entrée de cité phocéenne. « On rentre les vitesses autorisées, le nombre de voies pour calibrer le modèle. » Sur son ordinateur elle affiche la carte du réseau. « L’objectif c’est d’avoir un simulateur calibré et validé. Il calculera à des endroits donnés comment gérer au mieux le trafic. » En temps réel. « L’algorithme calcule en 1 minute quel est le bon contrôle (vitesse, accès) à implémenter.» Une précieuse aide à la décision pour les opérateurs de ce réseau. « On ne peut avancer que si on dispose des données pour travailler. » Or, c’est là que le bât blesse. Les opérateurs locaux ne communiquent pas de chiffres de trafic précis et récents pour les Alpes-Maritimes et le Var. Pas de chiffres, pas de simulateur. La mathématicienne s’est donc tournée vers un secteur où les autoroutes sont gérées par l’État. « La direction interdépartementale des routes Méditerranée a mis à notre disposition des données, récupérées par leurs boucles de trafic. Sur une partie du réseau autoroutier qui n’est pas concédée. Ce dispositif pourrait se généraliser dans les AlpesMaritimes quand les opérateurs nous fourniront ces informations.» Si aujourd’hui, le contrat qui lie l’État, propriétaire du réseau à Vinci Autoroute, ne contraint pas le concessionnaire à fournir ces données, la société se dit prête à étudier la demande des chercheurs. « Nous ne communiquons pas de jeux de données de trafic complets et récents parce qu’il s’agit d’informations sensibles, explique un porte-parole de la société autoroutière. Si l’INRIA nous adresse une demande nous pourrions dans le cadre d’une convention et d’un strict usage au sein de l’institut de recherche leur fournir des chiffres.» 1. Directrice de Recherche à l’Inria Sophia Antipolis, responsable de l’Equipe-Projet ACUMES, commune avec le Laboratoire Jean-Alexandre Dieudonné de l’Université de Nice. 2. Un projet mis en oeuvre avec la Direction Interdépartementale des routes Méditerranée.