Trois siècles d’histoire et de céramique, un descendant
Aujourd’hui, rendez-vous dans l’atelier de Cédric Massier, céramiste de la cité des Potiers
Remettre notre nom au goût du jour” On a besoin de voyager pour vendre”
Tous les samedis, nous vous proposons une série mettant à l’honneur le savoirfaire transmis entre générations. Des histoires et des familles. Des noms que vous connaissez sûrement. Des patronymes qui font écho à une ville, à un métier, à une identité.
La famille Massier et la céramique, c’est une longue histoire. Très longue même. Cela fait trois siècle - au moins - que ce nom rythme l’évolution de cet artisanat caractéristique de Vallauris. Ce serait en 1707 que la famille a commencé à se transmettre ce savoir-faire de génération en génération. L’histoire a peut-être même débuté plus tôt, mais aucun document ne l’attestant n’a été retrouvé. Mais revenons-en à notre histoire. En 1707, Pierre Massier est potier dans la ville des Alpes-Maritimes. Ses enfants prennent le relais, ainsi que ses petits-enfants Delphin, Clément et leur cousin Jérôme. Mais les trois hommes ont changé de style. Terminée la production en masse et rapide, place à la céramique artistique, plus travaillée et surtout plus artisanale. Selon Cédric Massier, descendant direct de Delphin, ce sont vraiment eux qui ont fait connaître le nom de sa famille dans la région. « Ils ont développé une méthode pour faire des céramiques irisées, ils l’ont présentée à l’exposition universelle de Paris en 1889 et ont décroché la médaille d’or », relate-t-il. Cette récompense a été un moyen supplémentaire de se forger une réputation grandissante. Très vite, la renommée de la famille Massier devient nationale et internationale. A tel point que Clément Massier décroche un partenariat avec la famille royale britannique. Progressivement, deux branches distinctes se forment au sein de la famille Massier : celle de Delphin et celle de son frère Clément. Si le premier reste dans la céramique artistique et artisanale, le second prend une tournure plus marketing et industrielle, avec une plus grosse production. Durant l’âge d’or de la profession, au XIXè siècle, les usines pouvaient embaucher de 120 à 150 ouvriers. Du côté de Delphin, une longue période d’interruption commence dès la mort de ce dernier en 1907. Les générations de céramistes laissent place à des médecins. Les guerres mondiales et la révolution industrielle n’arrangent rien. Puis arrive Cédric. Fils, petit-fils et arrière petit-fils de médecins, il décide malgré tout de marcher dans les pas de ses ancêtres. « J’ai quand même grandi dans la céramique, je travaillais dans ce milieu l’été. Et au plus je découvrais l’histoire de la famille, au plus ce métier m’attirait », explique-t-il. Cédric Massier poursuit : « Pour moi c’était un véritable challenge de relancer une activité éteinte depuis 100 ans, bien sûr j’avais un attrait pour le métier mais c’était surtout pour rendre hommage à ma famille, remettre notre nom au goût du jour. » Cédric Massier a fait énormément de recherches. Il a parcouru la France, en quête de documents, de photos, de pièces créées par ses ancêtres. De fil en aiguillle, il a pu réaliser son arbre généalogique et surtout trouver de précieuses archives. Brevets écrits de la main de ses ancêtres, catalogues, cartes postales, la collection s’agrandit. En France, l’âge d’or des Massier s’étend sur les années 80 et 90. A cette période, les céramiques de la
famille s’arrachent à prix d’or. A l’heure actuelle, cette popularité est plutôt forte... mais en dehors des frontières françaises. « La côte est plus importante à l’étranger,
avant c’était le contraire », avoue le céramiste. A New York, il y a même une galerie exposant des oeuvres de la famille de la cité des Potiers. C’est d’ailleurs outre-Atlantique que la plupart des anciennes créations se trouvent. Comme pour tout artisanat, c’est de plus en plus difficile de perpréter un savoir-faire au fil des générations. C’est particulièrement le cas pour la céramique : « Les saisons sont de moins en moins bonnes, on a besoin de voyager pour vendre. Le monde bouge et notre manière de consommer aussi, on change vite de décoration et on se tourne plus vers les industriels, moimême je ne fais pas exception. » Et le changement est plus récent qu’il n’y paraît. Selon Cédric Massier, il y a huit ans, on trouvait encore de grosses usines et des galeries qui ont vite laissé place à de petites structures. Et là non plus, il ne déroge pas à la règle. Dernier Massier de Vallauris, Cédric n’exerce quasiment plus dans la céramique. Peut-être la fin de trois siècles d’histoire et de savoir-faire.