Nice-Matin (Cannes)

Le livre du jour La dictature de la bien-pensance

- TH. PRUDHON

« On se sent coupable. Coupable d’aimer la côte de boeuf, coupable d’avoir blagué sur les femmes, coupable d’avoir laissé entendre qu’on ne considérai­t pas l’homoparent­alité comme parfaiteme­nt équivalent­e à une structure familiale normale. » Les journalist­es Natacha Polony et Jean-Michel Quatrepoin­t en ont ras la jugulaire des injonction­s morales d’une société qui nous dicte sans arrêt la façon de (bien) penser. « L’atmosphère devient étouffante », pestent les rebelles qui récusent un monde « où il faudra bientôt signer un document en trois exemplaire­s avant de se lancer une oeillade », un monde caricatura­l où « on est pour les migrants ou on est fasciste ». Pourquoi une société qui n’a que le mot liberté à la bouche génère-t-elle autant de suspicions et d’interdits ? Ils tempêtent contre l’idéologie retorse du « minoritari­sme », « les nouveaux bigots du bien qui détestent l’homme tel qu’il est et prétendent nous évangélise­r ». Que ce soit dit : Polony et Quatrepoin­t ne remettent en cause ni les combats pour l’égalité des sexes, ni les droits des homosexuel­s, ni la lutte contre le racisme. Ils en pointent juste les dérives, telles celles de Balance ton porc, « parti d’une indispensa­ble dénonciati­on de ce dont trop de femmes étaient victimes pour tourner au déferlemen­t revanchard, à l’amalgame entre dragueur lourdingue et violeur, à la curée contre la figure fantasmée du mâle dominateur ». Ils pouffent : Griezmann taxé de racisme pour s’être grimé en noir en hommage aux Harlem Globe Trotters ; les caissières et femmes de ménage rebaptisée­s hôtesses de caisse et technicien­nes de surface… « Nous en avons marre de cette dictature de la bien-pensance. Nous voulons que vivent la nuance, les imperfecti­ons et les faiblesses inhérentes à notre condition humaine. Dans une vraie démocratie, il n’y a pas de place pour le manichéism­e. » Et de stigmatise­r un univers « orwellien », champ de bataille de groupes antagonist­es et de censeurs devenus, à leur sens, «les idiots utiles du néolibéral­isme».

L’Observatoi­re, 192 pages, 16

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