Nice-Matin (Cannes)

Thierry Coste, l’homme qui a «flingué» Hulot

Il est celui qui a poussé Nicolas Hulot vers la sortie. La «goutte d’eau», comme l’a expliqué l’ex-ministre de l’Écologie. C’est à Tourtour dans le Var que ce lobbyiste se ressource

- PIERRE-LOUIS PAGÈS plpages@nicematin.fr

Il a la discrétion de John Wayne dans « L’homme qui tua Liberty Valance ». Ainsi, même si la référence à ce western de John Ford n’est sans doute pas faite pour déplaire à cet amoureux des armes à feu – il est secrétaire général du comité Guillaume Tell – Thierry

(1) Coste minimise son rôle dans la démission surprise, le 28 août dernier, du très médiatique Nicolas Hulot. « Pendant les quinze mois où il a été ministre, Nicolas Hulot a eu comme obsession permanente son départ du gouverneme­nt. Ce qui était très insultant pour le président de la République et le Premier ministre. Il faut être réaliste: je n’ai été qu’un prétexte », confie le lobbyiste des chasseurs. Trop modeste, Thierry Coste ? Pas si sûr… Sans jouer les tartarins, l’intéressé ne boude pas son plaisir à passer pour « le tombeur » de Nicolas Hulot. «En me désignant comme celui qui l’a convaincu de claquer la porte du gouverneme­nt, il m’a offert un droit de réponse

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surdimensi­onné », se délecte-t-il encore, deux semaines après ce coup de théâtre. « Homme de l’ombre, agissant de préférence avec discrétion et loin des projecteur­s », comme on peut lire sur sa biographie officielle, Thierry Coste ne craint pas pour autant la lumière. Pour preuve : trois jours durant, il a enchaîné les studios radio et les plateaux TV à un rythme de stakhanovi­ste. « De 6heures à minuit, non-stop!», affirme-t-il. C’est qu’en un quart de siècle (il a créé sa société Lobbying et Stratégies en 1994), ce profession­nel de l’influence a su se constituer un sacré carnet d’adresses dans les médias parisiens. Labellisé « bon client», rodé au débat contradict­oire, il a même joué les polémistes sur les ondes d’Europe 1 pendant deux ans. Autant dire que sa mise en accusation par l’ancien animateur d’Ushuaïa ne l’a pas déstabilis­é. Bien au contraire. « Je suis habitué à gérer les crises. Le plus souvent, on vient me chercher pour des missions très difficiles », lâchet-il, comme pour expliquer le sangfroid avec lequel il a affronté l’emballemen­t médiatique. Un combat, presqu’un corps-àcorps, que ne boude pas ce fils de militaire. D’autant que Thierry Coste ne s’en cache pas, « Nicolas Hulot ne m’a jamais apprécié et c’est réciproque ». Alors quand l’occasion de multiplier les interviews s’est présentée, en défenseur acharné des chasses traditionn­elles, il ne s’est pas privé de sonner l’hallali. De porter le coup de grâce à l’ex-ministre. « Nicolas Hulot était peut-être une très bonne prise de guerre politiquem­ent parlant, mais il est ingérable. Le problème, c’est qu’il a toujours eu des états d’âme. Or, le ministère de l’Écologie est le ministère des compromis. Il n’a pas su être heureux en voyant le verre à moitié plein. En étant le numéro 3 du gouverneme­nt, il était pourtant associé à tout. Il avait encore les moyens de peser », assène-t-il. Quant à la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir, dénoncée à cor et à cri par Nicolas Hulot, Thierry Coste rétorque: « Pendant vingt ans, Hulot a fait du lobbying avec un faux nez. Moi, j’ai toujours agi en toute transparen­ce ». S’il est surtout connu pour défendre les chasseurs, le lobbyiste, amoureux de la ruralité qu’il retrouve tous les week-ends dans son repaire varois de Tourtour, ne fait pas mystère de ses autres clients. Ainsi, en 2014-2015, oeuvrant pour la Russie de Poutine, il a essayé jusqu’au dernier moment de convaincre François Hollande de ne pas revenir sur la vente des porte-hélicoptèr­es Mistral. Sollicité par la Turquie d’Erdogan, il a également travaillé au rapprochem­ent des deux entités antagonist­es de l’île de Chypre. Des régimes jugés peu fréquentab­les par nombre d’Occidentau­x et qui lui valent quelques critiques. Même de la part de ses amis. « C’est un mercenaire. Il va au plus offrant. Il n’a pas vraiment d’état d’âme », glisse l’un d’entre eux. L’intéressé affirme pourtant qu’il ne travailler­a jamais ni pour l’industrie pharmaceut­ique, ni pour les majors du tabac. «Je n’aime pas leurs méthodes de lobbying ». Thierry Coste n’en est pas à un paradoxe près. Se décrivant avant tout comme un« naturalist­e »,un« photograph­e animalier », il plaide pour que le quota d’abattage des loups soit triplé. «Parce que la biodiversi­té dans les montagnes, ce sont les bergers et leurs troupeaux qui la garantisse­nt. Pas les loups ». Dans le même temps, il affirme avoir obtenu l’interdicti­on des néonicotin­oïdes «grâce au vote du groupe chasse de l’Assemblée nationale ». En soutien des apiculteur­s. Écologiste, le chasseur ? Finalement, au vu de son talent à brouiller les pistes, comme à suivre une trace, Thierry Coste aurait plutôt joué les Indiens que les cow-boys dans un western de John Ford.

Ce sont

les bergers qui assurent la biodiversi­té pas le loup ”

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