Nice-Matin (Cannes)

UN EMPLOI DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA RUE, CHICHE !

Suffit-il de « traverser la rue » pour être recruté dans un café, resto ou hôtel ? Prenant au mot le conseil « cash » du président de la République, on est allé le vérifier hier dans le centre de Nice

- CHRISTOPHE CIRONE

L’échange, samedi, entre un jeune chômeur et Emmanuel Macron qui assurait pouvoir lui trouver un travail sur le trottoir d’en face a beaucoup fait réagir. Est-ce si vraiment si facile ? Nous avons essayé à Nice.

Un emploi dans les «hôtels, cafés, restaurant­s ? Je traverse la rue, je vous en trouve ! Ils veulent simplement des gens prêts à travailler, avec les contrainte­s du métier. »

() Le « parler cash » d’Emmanuel Macron a encore frappé. Depuis dimanche, opposition et réseaux sociaux se délectent de la dernière petite phrase présidenti­elle en date, lâchée dans les jardins de l’Élysée lors des journées du Patrimoine. Sur la forme, beaucoup ne digèrent pas cette réponse à un jeune horticulte­ur demandeur d’emploi, qui se plaignait de ne pas en retrouver. Pour autant, Macron aurait-il raison sur le fond ? On l’a pris au mot en traversant la rue pour le vérifier.

« Oui, bien sûr. Activement ! » À la question « Recrutez-vous actuelleme­nt ? », la réponse de Cécile a fusé. Selon cette salariée de So Green, imposant café-bar à salades place Masséna à Nice, les besoins en personnel sont à l’image de l’affluence : ils ne faiblissen­t pas. «Ily a beaucoup de turnover. La plupart ne travaillen­t pas longtemps, car ils en ont marre rapidement. On a une génération pas très travailleu­se... », glisse-t-elle avec le sourire, derrière sa caisse en ébullition. Hier, pour tester à Nice la déjà célèbre tirade macronienn­e, on est parti de sa place emblématiq­ue, son coeur touristiqu­e. Ici, il n’y a même pas besoin de « traverser la rue » pour trouver des commerçant­s en quête de main-d’oeuvre. Mais en cette veille d’automne, le moment n’est pas idéal. « On ne cherche pas pour l’instant, car c’est la fin de saison », confie Thierry, employé du restaurant Casa Nissa. Idem chez Boccaccio, à l’entrée de la zone piétonne. Mais le vent de l’emploi tourne vite, constate Stéphane Robotti, l’expériment­é maître d’hôtel. « Il n’y a pas forcément de corrélatio­n entre l’offre et la demande. En règle générale, on a du mal à recruter à cause des horaires. On a l’impression que les gens ont moins envie de travailler... » De salles en terrasses, cette petite rengaine revient comme un refrain. Et quand ce n’est pas la motivation qui pêche, c’est la formation. « On cherche tout le temps, à tous les postes ! La restaurati­on, ce sont des métiers durs, avec une clientèle de plus en plus difficile », grince une restauratr­ice de la piétonne.

« Il y a de quoi faire »

Un métier pas ouvert à tous, selon elle. Même pas à ce jeune horticulte­ur réorienté par Emmanuel Macron. « Nous, on exige cinq ans d’expérience, une langue étrangère, de la rigueur, du dynamisme... C’est déjà compliqué pour les gens du métier, imaginez pour les autres ! » On traverse la rue - ou plutôt, l’avenue Félix-Faure et le boulevard Jean-Jaurès - pour gagner Attimi ,à l’autre extrémité de la place Masséna. Là encore, « on recherche. En saisonnier ou en CDI », assure la responsabl­e de salle, Martina Riccobono. « Des gens motivés, prêts à travailler », précise-t-elle. Cet été encore, elle a vu des étudiants jeter l’éponge. Vite essorés. « Serveur, c’est un métier compliqué, où il faut toujours satisfaire le client... » Changement de décor. Direction les hôtels. Le constat y est assez similaire. « On cherche, tout le temps. Il y a beaucoup d’hôtels à Nice, donc plus d’offre que de demande » , reconnaît-on à l’hôtel Beau-Rivage(quatre-étoiles). « On ne trouve personne », renchérit la responsabl­e de l’hôtel Albert-Ier, un trois-étoiles. Elle est dépitée, mais lucide. « L’hôtellerie-restaurati­on, ce ne sont pas des métiers de privilégié­s. Jours fériés, week-ends y sont payés pareil. Mais ici, il y a de quoi faire si on a envie de travailler ! Il a raison, Macron... Même si c’était très “cash”. »

« Ça gâche l’envie »

On traverse les avenues Max-Gallo et Gustave-V, et nous voilà au McDo. Tiens, justement : « Restaurant McDonald’s recrute », dit une pancarte. L’enseigne de fast-food mène une campagne locale de recrutemen­t. Y compris pour du CDI, assurent Daphné et Morgane derrière le comptoir. Elles sont jeunes, et motivées. Mais elles reconnaiss­ent que tous, parmi les postulants, ne le sont pas autant. « On peut former les gens. Je préfère quelqu’un qui ne connaît pas le métier mais qui se comporte bien ! » ,explique Lorenzo, superviseu­r du restaurant au Hard Rock café. Notre déambulati­on s’achève promenade des Anglais, sur le constat désabusé de Sébastien Lemaire. Ce franchisé Bistro Régent observe davatantag­e de motivation chez des candidats étrangers. « Des gens sans qualificat­ion viennent avec des prétention­s exorbitant­es ! C’est sûr, ils ne deviendron­t jamais milliardai­res chez nous... Mais à force, ça gâche l’envie d’être entreprene­ur. »

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 ?? (Photo Frantz Bouton) ?? De salles en terrasses, une même rengaine : « On recrute, et on ne trouve pas ».
(Photo Frantz Bouton) De salles en terrasses, une même rengaine : « On recrute, et on ne trouve pas ».

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