UN EMPLOI DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA RUE, CHICHE !
Suffit-il de « traverser la rue » pour être recruté dans un café, resto ou hôtel ? Prenant au mot le conseil « cash » du président de la République, on est allé le vérifier hier dans le centre de Nice
L’échange, samedi, entre un jeune chômeur et Emmanuel Macron qui assurait pouvoir lui trouver un travail sur le trottoir d’en face a beaucoup fait réagir. Est-ce si vraiment si facile ? Nous avons essayé à Nice.
Un emploi dans les «hôtels, cafés, restaurants ? Je traverse la rue, je vous en trouve ! Ils veulent simplement des gens prêts à travailler, avec les contraintes du métier. »
() Le « parler cash » d’Emmanuel Macron a encore frappé. Depuis dimanche, opposition et réseaux sociaux se délectent de la dernière petite phrase présidentielle en date, lâchée dans les jardins de l’Élysée lors des journées du Patrimoine. Sur la forme, beaucoup ne digèrent pas cette réponse à un jeune horticulteur demandeur d’emploi, qui se plaignait de ne pas en retrouver. Pour autant, Macron aurait-il raison sur le fond ? On l’a pris au mot en traversant la rue pour le vérifier.
« Oui, bien sûr. Activement ! » À la question « Recrutez-vous actuellement ? », la réponse de Cécile a fusé. Selon cette salariée de So Green, imposant café-bar à salades place Masséna à Nice, les besoins en personnel sont à l’image de l’affluence : ils ne faiblissent pas. «Ily a beaucoup de turnover. La plupart ne travaillent pas longtemps, car ils en ont marre rapidement. On a une génération pas très travailleuse... », glisse-t-elle avec le sourire, derrière sa caisse en ébullition. Hier, pour tester à Nice la déjà célèbre tirade macronienne, on est parti de sa place emblématique, son coeur touristique. Ici, il n’y a même pas besoin de « traverser la rue » pour trouver des commerçants en quête de main-d’oeuvre. Mais en cette veille d’automne, le moment n’est pas idéal. « On ne cherche pas pour l’instant, car c’est la fin de saison », confie Thierry, employé du restaurant Casa Nissa. Idem chez Boccaccio, à l’entrée de la zone piétonne. Mais le vent de l’emploi tourne vite, constate Stéphane Robotti, l’expérimenté maître d’hôtel. « Il n’y a pas forcément de corrélation entre l’offre et la demande. En règle générale, on a du mal à recruter à cause des horaires. On a l’impression que les gens ont moins envie de travailler... » De salles en terrasses, cette petite rengaine revient comme un refrain. Et quand ce n’est pas la motivation qui pêche, c’est la formation. « On cherche tout le temps, à tous les postes ! La restauration, ce sont des métiers durs, avec une clientèle de plus en plus difficile », grince une restauratrice de la piétonne.
« Il y a de quoi faire »
Un métier pas ouvert à tous, selon elle. Même pas à ce jeune horticulteur réorienté par Emmanuel Macron. « Nous, on exige cinq ans d’expérience, une langue étrangère, de la rigueur, du dynamisme... C’est déjà compliqué pour les gens du métier, imaginez pour les autres ! » On traverse la rue - ou plutôt, l’avenue Félix-Faure et le boulevard Jean-Jaurès - pour gagner Attimi ,à l’autre extrémité de la place Masséna. Là encore, « on recherche. En saisonnier ou en CDI », assure la responsable de salle, Martina Riccobono. « Des gens motivés, prêts à travailler », précise-t-elle. Cet été encore, elle a vu des étudiants jeter l’éponge. Vite essorés. « Serveur, c’est un métier compliqué, où il faut toujours satisfaire le client... » Changement de décor. Direction les hôtels. Le constat y est assez similaire. « On cherche, tout le temps. Il y a beaucoup d’hôtels à Nice, donc plus d’offre que de demande » , reconnaît-on à l’hôtel Beau-Rivage(quatre-étoiles). « On ne trouve personne », renchérit la responsable de l’hôtel Albert-Ier, un trois-étoiles. Elle est dépitée, mais lucide. « L’hôtellerie-restauration, ce ne sont pas des métiers de privilégiés. Jours fériés, week-ends y sont payés pareil. Mais ici, il y a de quoi faire si on a envie de travailler ! Il a raison, Macron... Même si c’était très “cash”. »
« Ça gâche l’envie »
On traverse les avenues Max-Gallo et Gustave-V, et nous voilà au McDo. Tiens, justement : « Restaurant McDonald’s recrute », dit une pancarte. L’enseigne de fast-food mène une campagne locale de recrutement. Y compris pour du CDI, assurent Daphné et Morgane derrière le comptoir. Elles sont jeunes, et motivées. Mais elles reconnaissent que tous, parmi les postulants, ne le sont pas autant. « On peut former les gens. Je préfère quelqu’un qui ne connaît pas le métier mais qui se comporte bien ! » ,explique Lorenzo, superviseur du restaurant au Hard Rock café. Notre déambulation s’achève promenade des Anglais, sur le constat désabusé de Sébastien Lemaire. Ce franchisé Bistro Régent observe davatantage de motivation chez des candidats étrangers. « Des gens sans qualification viennent avec des prétentions exorbitantes ! C’est sûr, ils ne deviendront jamais milliardaires chez nous... Mais à force, ça gâche l’envie d’être entrepreneur. »