Nice-Matin (Cannes)

Calculez l’érosion de votre plage

L’érosion du littoral a fait disparaîtr­e 30 km2 de terre en France. Qu’en est-il entre Antibes et Cannes ? L’appli Rivages permet de tracer la limite entre terre et mer avec votre smartphone

- SOPHIE CASALS scasals@nicematin.fr

Si vous voyez un baigneur se promener, smartphone en main, le long de la plage, les yeux rivés sur le sable, ou les galets, c’est sans doute parce qu’il a téléchargé l’applicatio­n Rivages. Créée par les scientifiq­ues du Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnem­ent, la mobilité et l’aménagemen­t), elle permet aux citoyens de mesurer l’évolution de la limite entre la terre et la mer. L’objectif: obtenir une base de données au fil des saisons sur l’érosion des plages afin de mieux gérer ces zones fragiles.

Bétonisati­on de la Côte

La mer grignote le littoral. Sous l’effet de la hausse du niveau de la mer et des activités humaines, 20 % du trait de côte est en recul. En 50 ans, 30 km2 de terres ont ainsi disparu en France. « Le littoral bouge beaucoup, et l’homme a voulu le figer, explique Frédéric Pons, ingénieur expert inondation­s et aléas côtiers au Cerema. Ona construit trop près de la mer. » Les vues aériennes de la côte entre les années 1960 et aujourd’hui témoignent de la « bétonisati­on » du littoral : routes, aéroports, habitation­s ont été édifiés en bord de mer. Zones portuaires et digues fixent artificiel­lement la côte et perturbent les dérives marines et les flux de sédiments. Or, si elles représente­nt moins de 5 % du littoral de Haute-Corse ou des Landes, cette part est en revanche supérieure à 30 % dans les Alpes-Maritimes et le Var. « Quand on aménage des barrages ou des seuils sur les fleuves, on diminue aussi l’apport en sédiment », relève Frédéric Pons. Aujourd’hui, les principaux secteurs qui reculent sont les fins cordons sableux de la presqu’île de Giens, de nombreuses baies et anses de la Côte d’Azur : la Croix-Valmer, Ramatuelle, Grimaud, Fréjus, Cannes, Antibes, Nice, Villefranc­hesur-Mer ou encore Eze et Menton.

Des mesures au fil des ans

« On veut suivre l’évolution du trait de côte, explique l’expert. Or, on ne dispose aujourd’hui que d’une mesure par an. Pour avoir une meilleure vision de la situation en fonction des saisons, il en faut une dizaine.» Afin de récolter un maximum d’informatio­ns et compléter les 6 220 km de trait de côte digitalisé­s par le Cerema, les scientifiq­ues ont eu l’idée d’associer les citoyens à la surveillan­ce de l’érosion du littoral. Ils ont donc conçu l’applicatio­n Rivages. Disponible gratuiteme­nt sur Android, elle permet de faire une trace GPS du smartphone.

À quoi ça sert ?

Pour l’instant, l’appli lancée en 2016, a couvert 500 km de littoral, grâce à la participat­ion d’une quarantain­e de personnes. Dans les Alpes-Maritimes, les contributi­ons se limitent pour l’instant à quelques relevés à Antibes et Golfe-Juan, et dans le Var : Cavalaire et Porqueroll­es. Les scientifiq­ues du Cerema espèrent embarquer le plus grand nombre de citoyens dans l’aventure, et ainsi compléter la carte de l’évolution du trait de côte, qu’ils élaborent notamment grâce aux photos anciennes et aux images satellites. « En accumulant des relevés sur une zone, dans la durée, on pourra mieux observer le phénomène d’érosion. Par exemple, en Camargue, grâce aux contributi­ons des citoyens, on a vu un recul depuis 2016, d’une dizaine de mètres par endroits. » Et l’ingénieur de poursuivre: « le fait de voir les évolutions du littoral autour d’aménagemen­ts, ou dans les secteurs où les collectivi­tés procèdent à des engraissem­ents de plage, permet aussi d’en mesurer les effets. De comprendre les processus pour éviter de faire des bêtises. » L’objectif de ces données : « prendre des décisions plus éclairées. »

Les plages gagnées sur la mer touchées par l’érosion

Car certaines mesures de protection peuvent créer de nouveaux déséquilib­res. Dans un rapport, l’Institut français de l’environnem­ent met effectivem­ent en avant l’impact d’aménagemen­ts « perpendicu­laires aux côtes : ils piègent les flux transversa­ux de sédiments et provoquent l’accumulati­on de sédiments en amont. En résolvant localement le problème d’érosion, ils peuvent nuire aux plages en aval des courants en les privant de ces matériaux et repoussent parfois le problème plus loin sur la côte. » Dans les Alpes-Maritimes, l’érosion est principale­ment concentrée sur les plages artificiel­les gagnées sur la mer depuis 1950. À Nice, l’évolution du trait de côte est contrastée selon qu’on se place du côté des Ponchettes ou de Carras. Au pied de la colline du château, l’érosion est plus forte qu’à l’ouest de la Baie des Anges où des épis ont été construits pour protéger la plage des coups de mer. Mais ces aménagemen­ts ne peuvent être réalisés à l’est où les fonds plongent plus vite.

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 ?? ?? À Antibes, et sur tout le littoral, vous pouvez bronzer utile en télécharge­ant l’appli Rivages, qui permet de mesurer la limite du jet de rive, et observer si la plage recule ou avance. (Photo Eric Ottino)
À Antibes, et sur tout le littoral, vous pouvez bronzer utile en télécharge­ant l’appli Rivages, qui permet de mesurer la limite du jet de rive, et observer si la plage recule ou avance. (Photo Eric Ottino)
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(Capture d’écran du site GéoLittora­l) En vert le trait de côte ancien (Nice il y a  ans) et en bleu le récent. Les mesures prises avec l’appli smartphone sont intégrées à cette carte dynamique du littoral.
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Les données sont envoyées et traitées par le Cerema, qui alimentent la carte du site géolittora­l.gouv.fr (Photo Antoine Medeiros)

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