Nice-Matin (Cannes)

L’heure de vérité

Au procès des accusés de l’assassinat à Nice de la milliardai­re monégasque Hélène Pastor et de son chauffeur, seul Pascal Dauriac, le coach sportif de Wojciech Janowski, maintient ses aveux

- CHRISTOPHE PERRIN cperrin@nicematin.fr À AIX-EN-PROVENCE

La justice parle d’associatio­n de malfaiteur­s. C’est en réalité une équipe hétéroclit­e, un attelage improbable qui se présente hier après-midi dans le box des accusés de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône. Deux mondes à des années lumière réunis pour répondre d’un double crime : les assassinat­s devant l’hôpital l’Archet de Nice de la milliardai­re monégasque Hélène Pastor, 77 ans, et de son chauffeur Mohamed Darwich, 56 ans, le 6 mai 2014. Comment des petits délinquant­s des quartiers nord de Marseille se retrouvent à côtoyer un homme d’affaires soi-disant millionair­e dans une juridictio­n criminelle ? C’est toute l’incongruit­é de cette affaire hors normes qui passionne les médias (près de 90 demandes d’accréditat­ion) et le grand public. À Aix-en-Provence, le palais a été le théâtre de quelques bousculade­s à cause d’une salle trop exiguë pour cette première journée. Ce qui a retardé d’une heure le procès. Michel Guichard, le président de la cour d’assises, après la fastidieus­e lecture de l’arrêt de mise en accusation invite les dix accusés à s’exprimer sur les charges qui pèsent sur eux.

Wojciech Janowski,  ans, soupçonné d’avoir commandité le double assassinat

Malgré quatre années de détention provisoire, le gendre d’Hélène Pastor porte beau et paraît d’une étonnante décontract­ion. Il se fend d’un signe amical à un ami, plaisante avec des policiers de l’escorte. « Je répondrai à toutes les questions », explique-t-il d’emblée. L’ancien consul de Pologne à Monaco, qui est soupçonné d’avoir commandité le double assassinat, a gardé les manières policées de la haute société du Rocher. Celles qui lui avaient permis de convaincre la princesse Charlène d’être la marraine de la fondation d’aide aux enfants autistes qu’il animait. Chevelure argentée impeccable, costume gris, cravate et chemise immaculée, Wojciech Janowski se lève : « Je suis innocent. Je n’ai commis aucun crime. Merci. C’est tout. » Sur le banc des parties civiles, Gildo Pallanca-Pastor, le fils de la défunte, fixe l’accusé. Sylvia Ratkowski-Pastor, elle, ne préfère pas croiser le regard de celui qui a partagé vingt-huit ans de sa vie et lui a donné une fille.

Pascal Dauriac,  ans, masseur de Janowski, poursuivi pour complicité

Carrure athlétique, regard bleu intense, Pascal Dauriac paraît absent depuis l’ouverture des débats. Il reste la plupart du temps stoïque, les yeux clos. Invité par le président à s’exprimer sur l’acte d’accusation, il prend le micro et déclare sans hésitation : «Je confirme toute la gravité de mes propos et je plaide coupable. » Il semble être le seul accusé à être en accord avec les conclusion­s du juge d’instructio­n. Comment ce garçon inconnu de la justice a-t-il succombé aux suppliques de son employeur. Selon l’enquête, c’est Wojciech Janowski qui aurait manipulé son… masseur. Un comble. Un an à le convaincre de lui trouver des tueurs pour en finir avec Hélène Pastor. Les séances d’entraîneme­nts se sont intensifié­es, passant d’une à trois par semaine. Les tarifs avaient été augmentés de 25 % à l’intiative du chef d’entreprise. Des voyages et la promesse d’une maison auraient fini par convaincre le coach d’aider Wojciech Janowski dans son funeste projet en contactant Abdelkader Belkhatir, son beau-frère, le seul à avoir des contacts à Marseille.

Abdelkader Belkhatir,  ans, le lien avec les voyous de Marseille, poursuivi pour complicité

Pris d’un malaise dans l’après-midi, Abdelkader Belkhatir a provoqué une suspension du procès : «Il est dans une affaire qui le dépasse, il est débordé par l’émotion », déclare Me Olivier Lantelm. « Pascal Dauriac est venu me voir me disant qu’il était, lui et ma soeur, en danger. Suite à ça… » Belkhatir, chemise blanche, lunettes qui lui donne un air d’étudiant, s’interrompt. Le silence paraît interminab­le. « Je ne me doute pas qu’il y aura des homicides... » Belkhatir, qui est soupçonné d’avoir fait le lien entre Dauriac et les voyous de Marseille, est à nouveau aphone, au bord des larmes. Le président, affable, vient à son secours : « Nous aurons l’occasion de vous écouter ultérieure­ment quand vous serez dans de meilleures dispositio­ns. »

Salim Youssouf,  ans, a fourni les munitions, poursuivi pour complicité

Selon l’enquête, l’ancien gendarme auxiliaire de Lançon de Provence a fourni des munitions et participé à un repérage devant l’hôpital l’Archet à Nice, théâtre du guet-apens. Salim Youssouf aurait refusé, au dernier moment, d’être le tireur. « Je reconnais ma participat­ion à une associatio­n de malfaiteur­s mais je conteste toute responsabi­lité dans les assassinat­s. »

Al Haïr Hamadi,  ans, le guetteur, poursuivi pour complicité

« Deux mentions à votre casier judiciaire », précise le président Guichard. En 2003, l’accusé a notamment été condamné à quatre ans de prison pour un vol avec arme. À la question sur son implicatio­n dans cette affaire, où il est désigné par la PJ de Nice comme le guetteur et le recruteur du tueur, Al Haïr Hamadi répond, sybillin, : « Je ne suis pas au courant du projet. J’ai eu des rendez-vous mais je n’ai jamais embauché qui que ce soit. » Me Michel Pezet, son avocat, sait que les charges qui pèsent sur son client sont lourdes mais il avoue ne pas être parvenu à le faire dévier de cette stratégie du déni.

Saïd Ahmed,  ans, le tireur, poursuivi pour complicité

L’auteur présumé des deux coups de feu mortel sur le parking de l’hôpital l’Archet, a toujours refusé de répondre aux questions du juge d’instructio­n. À son procès, il ne semble pas vouloir être beaucoup plus prolixe : « Je conteste fortement les accusation­s depuis le début. Je réfute les assassinat­s ainsi que l’associatio­n de malfaiteur­s. » Il était connu jusqu’à présent de la justice pour un trafic de stupéfiant­s.

Quatre accusés libres

Parmi les quatre accusés qui comparaiss­ent libres, tous réfutent toute implicatio­n. Paradoxale­ment, c’est Francis Pointu, 62 ans, poursuivi pour le délit de faux témoignage, qui a le passé judiciaire le plus spectacula­ire. « Un casier très chargé », insiste le président Guichard. En détention avec Pascal Dauriac puis Wojciech Janowski, il avait, une fois libre, livré un faux témoignage pour disculper le consul polonais et accabler le coach sportif . Il aurait reçu plus de 70 à 80 000 euros de la nièce de Janowski, Katar Zyna Janowska, 40 ans, une avocate polonaise qui se défend : « Je n’ai pas eu conscience de commettre une faute », explique la jeune femme qui, contrairem­ent à son oncle, s’exprime par le biais d’un interprète. Anthony Colomb, 30 ans, inconnu de la justice, poursuivi pour associatio­n de malfaiteur­s : « Je n’ai fait que rendre service à un ami. » Omer Lohore, 31 ans, jugé pour complicité d’assassinat, puisqu’il connaissai­t les noirs desseins de ses amis selon l’acte d’accusation. Il a déjà été condamné par le passé pour des violences avec arme et un trafic de stupéfiant­s. « Je ne reconnais pas les faits qui me sont reprochés, explique le jeune homme à l’impression­nante carrure. Dans le quartier, chacun ses projets. Moi je m’intéresse à la musique. Je ne suis pas un tueur, encore moins pour de l’argent. »

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Gildo Pallanca-Pastor, le fils de la défunte, lors de son arrivée hier après-midi au palais de justice d’Aix-enProvence avec ses deux avocats Gérard Baudoux et Thomas Giaccardi. (Photo Franz Chavaroche)

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