Nice-Matin (Cannes)

L’aéroport de Cannes dans le viseur des élus

Décibels, proximité des survols, pollution... Les griefs s’accumulent et la tension grimpe du côté des riverains et des élus. On fait le point

- PASCAL FIANDINO pfiandino@nicematin.fr

Survolés et survoltés. Unegrosse centaine de riverains était regroupée dernièreme­nt à l’école Saint-Martin de Mougins. Rien à voir avec les affaires scolaires : réunis autour des membres de l’associatio­n ADNA06 et son président Albert Dauphin, mais aussi des élus, menés par le maire, Richard Galy, ils sont venus exprimer leur ras-le-bol face aux survols générés par le trafic de l’aéroport Cannes-Mandelieu. Si l’été s’achève et que les mouvements vont ralentir, la grogne, elle, va crescendo. Et, après les mobilisati­ons de 2009 et 2011, les élus se disent prêts à retourner au Ministère de la transition écologique et solidaire – dont dépendent les transports. L’occasion d’un petit survol de la situation...

Pourquoi la grogne monte ?

La problémati­que n’a rien de bien neuf, mais un reflux de plaintes a été enregistré entre 2016 et 2017 – Michèle Tabarot, députée de la 9e circonscri­ption, avance une hausse de 157 % sur la période. « Cet été, j’ai reçu beaucoup de réclamatio­ns » confirme Richard Galy. Deux raisons à cela : l’augmentati­on des mouvements aériens depuis la suppressio­n, en 2010, de la limite à 10 000 annuels. « La hausse est de 13 % depuis 2013» assure Albert Dauphin. Il y a, surtout, le passage du tonnage maximum, avec, en 2015, de 22 à 35 tonnes. « On nous a dit que ça ne ferait pas plus de bruit. On s’est fait berner» souffle Richard Galy. À ce titre, son adjoint, Michel Bianchi, a mené une expérience estivale dans son jardin, où un dispositif de mesures a été installé par l’aéroport. « En août, sur 19 jours, on a enregistré 789 vols de jets ,révèle-t-il. Ça équivaut à 41 vols par jour, avec une pointe à 70 le dernier samedi d’août. » Soit, pour ce dernier relevé, un survol toutes les 20 minutes. La durée d’impact du bruit ? « Quarante secondes, avec des pics à 70 db. »

C’est quoi, le problème de base ?

« Notre problème, c’est la trajectoir­e trombone, résume le maire de Mougins. Au niveau des nuisances, de la pollution, comme du respect des hauteurs de vol et des couleurs. » La fameuse trajectoir­e VPT17, mise en service en 2002, qui survole un bassin de 50000 habitants, « le triple en été. » Jacques Pouplot, maire de la Roquette-sur-Siagne, intervient: «Si les avions passent à 600 m chez vous, chez nous, c’est 150-200 m parfois ! » Si l’édile indique que la DGAC (direction générale de l’aviation civile) a, jusque-là, «été hermétique à ce qu’on peut dire», il prévient: «On ne va pas lâcher comme ça.»

Quelles sont les solutions proposées ?

On ne lâche pas, mais qu’est ce qu’on propose ? Les élus listent : « La hausse des arrivées par la mer, l’améliorati­on de l’utilisatio­n de la VPT17, provisoire­ment car, à nos yeux, elle doit disparaîtr­e. Mais aussi le retour à 10 000 mouvements annuels et la mise en place de créneaux horaires d’activités. » Mais aussi et surtout, l’étude par la DGAC de l’approche NordOuest, mise en avant par Michel Perichon. « Je vole à Cannes-Mandelieu depuis 1957 et, avec des collèges pilotes, on a toujours réfléchi à cette trajectoir­e, explique cet ex-commandant de bord Air France. En gros, elle démarre au-dessus du lac de Saint-Cassien, passe le Tanneron, prend un virage au Tignet, un second pour suivre la vallée de la Siagne et un retour sur la trajectoir­e actuelle à 2-3 km de la fin. Aucune difficulté. » Propositio­n qui s’est heurtée au refus de la DGAC. «Élus de Cannes, Le Cannet, Mougins, La Roquette, Mouans-Sartoux, Mandelieu, nous avons fait un courrier commun à la DGAC, assure Richard Galy. Nous avons la volonté de retourner au Ministère avec des propositio­ns précises. » En demandant à Michel Perichon de les accompagne­r.

Que disent les riverains ?

« Nous avons besoin de vous pour nous épauler dans la démarche» avoue, sans détour, Richard Galy. «Cri du coeur» relayé par Albert Dauphin : « Plus on sera nombreux, plus on sera écoutés. » On l’a bien compris : le pouvoir des masses est requis. Des riverains qui avaient quelques interrogat­ions à l’adresse des élus et associatif­s. « N’y a-t-il pas une action juridique à mener, en s’appuyant sur l’article 1244 du code civil sur les nuisances ? » demande un homme. Réponse du 1er magistrat mouginois : « Ce qui peut faire bouger l’administra­tion, c’est la question de la sécurité. Il n’est pas exclu que nous nous tournions vers un tribunal pour mise en danger. Je rappelle qu’il y a eu trois accidents, dont deux en mer, en deux ans. » Et mandater un cabinet d’études pour l’analyse indépendan­te de la situation ? « C’est une piste à explorer » poursuit-il. Même réponse au témoignage d’un néo-Mouginois : « Quand j’ai acheté, personne n’a évoqué la question des servitudes aériennes. N’y a-t-il pas quelque chose à contester ? » Une dame va plus loin : « Peut-on se battre pour faire fermer l’aéroport?» Richard Galy tempère : « C’est une décision que seul l’État peut prendre. On ne veut pas être péremptoir­es ou jusqu’au-boutistes. On obtiendra plus facilement la trajectoir­e Nord-Ouest que la fermeture. » Certes...

Quid de la DGAC ?

Catalyseur des frustratio­ns, la DGAC a longtemps, selon eux, refuser d’étudier la propositio­n Nord-Ouest. « On nous disait que ce n’était pas possible, confirme Jacques Pouplot. Là, on nous a dit : on va regarder mais c’est compliqué. » Lueur d’espoir ? Pour ne rien vous cacher, si l’on fait état seulement ce jour d’une réunion tenue le 11 septembre [«pur hasard » sourit Albert Dauphin], il y a une raison : nous avons attendu des réponses de la DGAC. On a été en contact, on a bien cru obtenir un commentair­e. Et puis, non... Pas évident d’atteindre les hautes sphères de l’aviation civile. Dommageabl­e, avant tout, pour la parfaite compréhens­ion d’une situation pour l’heure suspendue en plein vol...

 ??  ?? L’école St-Martin de Mougins (en haut) a été le théâtre des échanges entre population, associa- tions et élus autour des survols liés à l’aéroport de Cannes-Mandelieu. (Photos archives S. H. et P. F.)
L’école St-Martin de Mougins (en haut) a été le théâtre des échanges entre population, associa- tions et élus autour des survols liés à l’aéroport de Cannes-Mandelieu. (Photos archives S. H. et P. F.)
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