Nice-Matin (Cannes)

«Sur scène, on compense par le corps et la justesse»

Yohann Metay propose dès ce soir La frénésie du papillon, son seul en scène au théâtre Le Tribunal. Un spectacle tout en dérision sur les tourments de l’écriture de l’humoriste

- PROPOS RECUEILLIS PAR JÉRÉMY TOMATIS jtomatis@nicematin.fr

Avec La frénésie du papillon, qu’il joue dès ce soir sur la scène du théâtre Le Tribunal, Yohann Metay dépoussièr­e le spectacle d’improvisat­ion. Et évoque ses tourments d’artiste par la même occasion et avec dérision. Ceux-là même qui l’ont amené, au final et après une certaine remise en question, à dessiner un seul en scène tout en émotion. Avec une véritable performanc­e de comédien, il dévoile la complexité de sa créativité. Tel un sportif, qu’il est puisqu’il pratique notamment le trail – thème central de son spectacle Le dossard 512 –, il aborde ainsi l’aspect mental du jeu d’acteur. Une approche semblable à celle de n’importe quel compétiteu­r, qui doit sans cesse renouveler son approche pour conserver un effet de surprise.

Pourquoi cette allégorie comme titre de votre spectacle ?

Le papillon, c’est la vie éphémère. On dit souvent qu’ils ne vivent qu’une journée… Même si ce n’est pas vraiment vrai, au lieu de prendre le temps et de savourer les choses, mon personnage est un peu comme un papillon. Il va de fleur en fleur, il veut toutes les goûter mais sans prendre le temps d’en goûter réellement une. Et au final, il dépense une énergie de dingue à essayer de tout faire. Mais finit par ne rien faire de bien. Ce personnage, qui n’a finalement rien écrit, pas même le spectacle dont il rêvait parce qu’il voulait tout mettre dedans, va raconter au public pourquoi et comment il en est arrivé là. S’en suivent toute une série de digression­s et d’aventures.

Le point de départ est votre propre vécu ?

C’est ma vérité, au départ. Après, je m’amuse avec ça, je détourne et je fais le con. Mais oui, ça vient d’un moment où je n’arrivais pas à sortir un nouveau spectacle. Mais c’était parce que je voulais explorer trop de pistes à la fois. Je voulais trop en faire.

Pourquoi autant de tourments ?

C’est venu avec le fait que mon premier spectacle fonctionne bien. Puis un autre, Le dossard , qui fonctionne très bien. Je me suis senti obligé, comme si ça venait d’une voix intérieure, d’en faire un autre encore mieux. Plus intelligen­t, plus populaire, plus ci, plus ça… Et il y a aussi peutêtre le désir de succès et de gloire. Quand tout ça s’abat sur ta main, celle qui tient le stylo, ben ça dérape. Et ça devient compliqué.

C’est la rançon du succès, justement ?

Oui, même si le succès reste tout relatif. Je n’en suis pas encore à faire des zéniths, etc. Mais quand ça marche bien, on veut faire encore mieux. C’est un peu comme le joueur de tennis qui a le bras qui tremble, à la fin, quand il a l’opportunit­é de gagner le match. C’est là que l’envie de gagner est tellement forte que le bras commence à trembler.

Vous êtes très sportif et faites

notamment du trail. Sur scène, tout se joue aussi dans la tête ?

Oui c’est beaucoup le cas. Si tu joues de manière disponible, avec de la joie, du plaisir et l’envie de te donner à fond, ça peut passer même avec un mauvais texte. Je compte d’ailleurs là-dessus à Antibes ! (Rires). À l’inverse, si tu te mets à douter, même la meilleure des situations comiques ne passera pas. Donc oui, le mental est très important.

Sur scène, vous jouez un « homme multiple ». C’est quoi ?

C’est l’homme avec toutes ses facettes, tous les personnage­s qu’il porte en lui. Toutes ses capacités à jouer, aussi, et tous ses angles. Il est à la fois fort et à la fois dans le doute. Il est à la fois fragile et destructeu­r. C’est tout ça à la fois.

C’est une vraie performanc­e d’acteur. Vous avez déjà fait quelques apparition­s à l’écran, à la télévision ou au cinéma. C’est quelque chose que vous aimeriez poursuivre ?

Je ne fais pas suffisamme­nt les démarches pour mais j’aimerais beaucoup, oui.

C’est différend du jeu de comédien, sur scène ?

La caméra vient vraiment voir le fond de l’oeil. Sur scène, on conserve une distance et on compense par le corps et la justesse. Mais dans les deux cas de figure, il faut être sincère pour que ça passe. Sachant que sur scène, on garde un droit à l’erreur. Le corps peut être sincère pendant que l’oeil se repose et triche. Devant une caméra, il faut au contraire calmer le corps et c’est dans le fond de l’oeil que l’on va voir si ça joue juste ou non. Il faut croire au jeu, dans une sincérité qui touche presque l’homme, audelà de l’acteur.

Vous venez de l’improvisat­ion. C’est une école à part…

Ça m’a beaucoup apporté sur la créativité. Sur la possibilit­é de rebondir sur plein de choses. À l’écriture, ça aide parce que ça permet d’ouvrir les portes dans la façon d’écrire. Et puis sur scène, ça me permet aujourd’hui de faire ce que je vais faire cette semaine à Antibes. C’est-à-dire d’arriver avec une trame, une sorte de grand synopsis de film, mais dont les scènes ne sont pas ficelées ni les dialogues écrits. Tout ça se fait en improvisat­ion. J’en suis là dans mes étapes de travail. C’est le principe de se mettre à nu devant le public. Et lui montrer que je vais lui raconter une histoire qui m’est arrivée. Mais comme je n’ai pas écrit le spectacle, je vais improviser devant lui. Le public ne s’en rend pas toujours compte parce que je suis dans le jeu. Il n’a pas forcément les codes. Mais je joue sur un grand fil d’équilibris­te.

Sur lequel vous avez appris à marcher ?

Et à tomber. Ça fait mal mais le truc, c’est justement de montrer au public que l’on est sur ce fil. Si on se coupe du public et qu’il ne voit plus du tout cette instantané­ité dans la recherche du texte et du jeu, alors que c’est le but de l’expérience, il décroche. Alors que quand il comprend cette activité de recherche permanente, il est avec moi à  % et ça marche très bien.

On en revient au point de départ du spectacle…

C’est un spectacle vérité, oui. Et en plus, sur le moment, je joue en vérité.

Le mental est très important ” Montrer au public que l’on est sur un fil ”

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