LA FIN DES 20 000 PNEUS SOUS LA MER
Au large, entre Vallauris-Golfe-Juan et Cannes, plus de 20 000 pneus ont été immergés dans les années quatre-vingt pour créer des récifs artificiels. Mais désormais, ils constituent un facteur majeur de pollution marine. Jusqu’en 2019, une campagne est me
C’est une pêche peu commune qui se déroule depuis le début de semaine, au large de Golfe-Juan. « Océa », un ancien thonier, reconverti en bateau-chantier, extirpe, du bout de sa grue mécanique, des pneus de voitures et de camions. Enfilés sur des barres de fer, les gommes ruisselantes sont déposées sur le pont. Le noir d’origine du caoutchouc a peu ou prou disparu sous les algues, vertes et rouges. Ce sont là quelques exemplaires, infime, des 25 000 pneus qui depuis près de quarante ans dorment sous les eaux. En plein dans la zone maritime protégée (ZMP) de Golfe-Juan, elle-même intégrée dans le site Natura 2000 « Baie et Cap d’Antibes-Iles de Lérins ». À l’époque, on espérait, sur ces fonds entre vase et sable, créer des habitats et des refuges pour la vie marine (voir article ci-contre). Un échec. Pire, un risque de pollution. C’est le constat dressé par les diverses évaluations scientifiques menées durant plusieurs années : ces récifs sont inactifs (40 % de taux de colonisation de moins par rapport aux récifs en béton). De plus, et leur dispersion menace les précieux herbiers de posidonie et le coralligène, qui peuvent être écrasés ou cisaillés. D’où cette vaste campagne d’enlèvement décidée et financée par l’Agence française pour la biodiversité (AFB)à hauteur d’un million d’euros. La Fondation d’Entreprise Michelin apporte une contribution supplémentaire de 200 000 euros. Qualifiée « d’action pionnière », le coup d’envoi de l’opération a été donné hier matin en grande pompe, par Christophe Aubel, directeur général de l’AFB, avec la participation des principaux acteurs et partenaires : Charles-Ange Ginésy, président du conseil départemental, Michelle Salucki, maire de Vallauris GolfeJuan, Eric Duplay, adjointe à l’environnement de la Ville d’Antibes, Philippe Leguez, directeur général de la Fondation Michelin, les représentants du comité local des pêches et des élevages marins et la prud’homie de pêche Antibes et Golfe-Juan.
La « chasse », à mètres de profondeur
Acheminés à bord de l’« Océa », les visiteurs ont pris la mesure des travaux effectués par le groupement Suez-SNC. Dans la zone de chantier soigneusement balisée, à près de quarante mètres de profondeur, une équipe de 6 à 8 plongeurs et scaphandriers oeuvre en se relayant, à raison d’une intervention de 45 minutes. Ce sont eux qui sont chargés de confectionner ces fameux « colliers de pneus ». Des images immortalisées par les gendarmes du Centre d’Instruction Nautique. On peut suivre la méthode employée : balisés par le plongeur scientifique de la Direction de l’Environnement et de la Gestion des risques, les pneus récupérés sont passés, comme des perles, sur un filin, puis à l’aide d’un parachute, le « collier », qui peut être constitué de 10 à 30 pneus, selon leur taille, est remonté à la surface puis hissé à bord du navire par la grue. Ce modus operandi aété expérimenté en mai 2015 où 2 500 chapes de caoutchouc ont été prélevées. L’intervention est complexe car il faut également chercher les pneus égarés. Pour l’instant, le site de dispersion ne serait pas trop étendu. «Il était temps d’agir avant une plus grande propagation » confie un participant. La campagne d’enlèvement s’effectue en deux phases. Celle qui a débuté durera quatre semaines et devrait permettre de retirer 10000 pneus. Les opérations reprendront au printemps et s’achèveront en juin 2019.