Nice-Matin (Cannes)

« Avec les animaux, les cirques vont dans le mur »

Invité d’honneur vendredi, à Villeneuve-Loubet, André-Joseph Bouglione, ancien dompteur, a présenté son projet d’éco-cirque sans animaux. Il doit voir le jour en avril 2019

- PROPOS RECUEILLIS PAR SAHRA LAURENT slaurent@nicematin. fr

Il porte des lunettes de soleil rondes à la John Lennon. Comme le fondateur des Beatles, lui aussi a un nom starifié : Bouglione. Prénom : André-Joseph. Comme l’interprète d’Imagine, il rêve d’un monde meilleur. Pas peace and love (quoi que), mais un monde où les cirques n’accueiller­ont plus du tout d’animaux. C’est en tout cas, ce que met en place cet ancien dompteur de fauves. Il a raccroché son fouet, confié ses animaux sauvages à des refuges pour lancer son projet d’éco-cirque. Un concept imaginé avec sa «Yoko Ono» alias Sandrine, son épouse, qui devrait voir le jour en France début avril. Vendredi, il était invité d’honneur de la Ville de Villeneuve­Loubet pour signer avec le maire, Lionnel Luca, une «déclaratio­n d’intention conjointe pour l’interdicti­on des animaux sauvages dans les cirques » [lire ci-dessous]. Son parcours, son combat pour la défense des animaux, ses projets, sa bataille juridique qui se joue avec sa famille... Entretien avec AndréJosep­h Bouglione.

Vous avez fait l’essentiel de votre carrière dans le domptage. Quel a été le déclic pour arrêter ?

J’ai fait du domptage toute ma vie. Il y a eu un événement assez marquant : la disparatio­n de mes deux tigres. Ils étaient arrivés à un âge très respectabl­e, ils sont partis de manière naturelle. Cela m’a beaucoup touché. À partir de là, avec Sandrine, mon épouse, nous avons commencé à avoir une réflexion autour de leur présence chez nous, de leur destinatio­n. On gardait des animaux à perpétuité, uniquement parce qu’ils étaient beaux, sauvages, charismati­ques, faciles à dompter et à présenter au public. En plus, ils étaient en voie d’extinction. Cela nous a posé des problèmes philosophi­ques.

Vous n’avez pas l’impression de cracher dans la soupe ?

Au contraire ! Moi, je dis que ce sont les circassien­s qui continuent d’avoir des animaux qui crachent dans la soupe. Mon analyse, que j’ai depuis un an et demi, s’est avérée juste cette année : quand, en mars, les trois grands cirques traditionn­els - mes cousins Bouglione, Pinder et Amar se sont cassés la figure. En continuant à exhiber des animaux sauvages dans leur spectacle, ils sont boycottés par le public et c’est le meilleur moyen de tuer le métier. Ils vont droit dans le mur.

Quelle est la condition animale dans les cirques ?

Elle est très variable selon les établissem­ents. Dans deux ou trois maisons : les animaux sont traités très correcteme­nt. Et, il y a la grande majorité qui fait ce qu’elle peut. Ce n’est pas forcément par malveillan­ce, c’est souvent par ignorance, par manque de moyens que les animaux ne sont pas au top. Quand un cirque a l’occasion de monter sur un emplacemen­t où il y a des arbres, de l’herbe, là c’est confortabl­e. Ces conditions sont très rares dans une tournée. En général,  % des fois, les cirques se montent sur des parkings de supermarch­é, dans des zones industriel­les. Les animaux vont être dans des enclos, sur du goudron, etc. Au final, c’est une image dégradée du métier et en plus, on véhicule un message de mépris de l’animal et de ses besoins.

Votre projet d’éco-cirque ?

C’est un cirque sans animaux. Toute la nomenclatu­re : du chapiteau, aux transports, à la production d’électricit­é en passant par l’offre proposée au public : nous avons tout reformé. Pour le transport, par exemple, pour une structure comme la nôtre, il nous faudrait  camions ! L’impact est extrêmemen­t lourd. Nous avons eu une idée de créer un nouveau modèle économique avec une solution pérenne, durable : des containers maritimes. Au niveau écologique, tout est recyclable. L’éco-cirque, c’est vraiment un village écologique où nous comptons organiser des conférence­s, des débats, etc. Nous avons un partenaria­t privilégié avec Strasbourg: la commune va nous permettre d’avoir de l’électricit­é verte.

Et Villeneuve-Loubet ?

Malheureus­ement, c’est trop petit pour nous installer. Notre modèle économique se fonde sur un chapiteau de   places tous les jours, en restant un mois. Nous sommes ouverts à tout projet pour créer quelque chose dans la région avec des communes qui pourraient s’unir pour nous accueillir. Nous restons des partenaire­s de Villeneuve­Loubet par rapport à leur combat.

Le show de l’éco-cirque, ça va ressembler à quoi ?

C’est un peu trop tôt pour en parler. Grossièrem­ent, on rentre dans le cirque .. Il y aura l’esprit du cirque traditionn­el : les odeurs, la couleur, l’énergie, le chapiteau, l’ambiance, ça, on sait faire, c’est notre ADN. Il ne s’agit pas d’un cirque bis. Ce sera vraiment nouveau.

Vous êtes au coeur d’une bataille judiciaire avec

() le cirque Bouglione, votre famille. On vous reproche d’utiliser votre patronyme à « des fins commercial­es» ?

Ce reproche de ma famille, je le renvoie comme un miroir : faire du cirque que pour l’argent. Ils auraient un peu plus de désintérêt financier, s’ils arrêtaient d’exploiter des animaux. Aujourd’hui, tous les cirques disent que, sans animaux, ils meurent. Moi, j’ai pris un risque. Une première affaire a été jugée en  et mes cousins ont perdu trois fois : un référé, un jugement sur le fond et un jugement en cassation. Aujourd’hui, ils attaquent, de nouveau, sur les mêmes arguments...

Le cirque Bouglione parle d’un « cousin du Cirque Bouglione, sans aucun rapport avec celui-ci, à l’exception du même nom de famille...» ?

Dans ma famille, je suis renié. Pour eux, on ne peut pas s’appeler Bouglione et ne pas avoir de fauves !

Créer un nouveau modèle éonomique du cirque”

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